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Droit des obligations
Créances matrimoniales : précisions utiles sur le régime de la prescription
Les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai quinquennal de droit commun édicté par l'article 2224 du code civil, lequel délai court à compter du jour où le divorce a acquis force de chose jugée.
Civ. 1re, 18 mai 2022, n° 20-20.725
Rendu sur le fondement d’une solution désormais acquise selon laquelle le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (v. Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-22.929), l’arrêt de cassation rapporté apporte un éclairage fort utile sur la prescription applicable aux créances entre époux séparés de biens, dont il précise le délai et fixe le point de départ.
Au cas d’espèce, deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens divorcent. Rendu en 2012, le jugement de divorce ordonnant la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux fait suite à un jugement antérieur rendu en 2009 ayant ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les époux. En 2018, un notaire établit un projet d'acte de partage faisant apparaître une créance de 850 000 euros détenue par l’ex-épouse sur son ancien conjoint, au titre des créances entre époux. La créancière est autorisée par ordonnance à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son ex-époux pour le recouvrement de sa créance. Ce dernier conteste la mesure, dont il demande la mainlevée en raison de la prescription de la créance alléguée. Retenant l’imprescriptibilité de l’action engagée par son ancienne conjointe, la cour d’appel rejette sa demande. Pour les juges du fond, dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et l'action aux fins de partage est imprescriptible. À tort, selon la Cour de cassation qui, sur un moyen relevé d’office, rappelle au visa des articles 815, 1479, alinéa 1er, 1543 et 2224 du code civil, que le règlement des créances entre époux séparés de biens « ne constitue pas une opération de partage » (Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-22.929) en sorte que l’action en règlement de ces créances ordinaires se prescrit, comme toute action personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du code civil (soit cinq ans). Quoiqu’attendue, la confirmation de cette solution emporte des conséquences de taille : en effet, selon que l’on voit dans le règlement d’une créance matrimoniale une simple action en paiement d’une créance ou une forme d’action en partage, on appliquera à cette action soit la prescription quinquennale de droit commun, soit la règle de l’imprescriptibilité retenue à propos de toute action en partage (Civ. 1re, 20 nov. 2013, n° 12-21.621 ; adde, Civ. 1re, 24 mai 2018, n° 17-18.270, jugeant imprescriptible le partage complémentaire au partage initial).
De surcroît, la Cour de cassation se prononce sur le point de départ de ce délai de prescription. Combinant l’article 2224 précité, qui prend en compte le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et l’article 2236, qui prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, la Cour en déduit que la prescription de l’action en paiement des créances entre époux en matière personnelle ou mobilière court à compter du jour où le divorce a acquis force de chose jugée et non au jour du projet de partage, contrairement à ce qu’avait retenu la cour d’appel au motif que, même si une demande relative à une créance entre époux doit être considérée comme une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans n’aurait commencé à courir qu'à compter du projet de partage en ce qu’il a fait naître le principe de la créance, soit le 28 juin 2018. L’ex-époux avait alors fait valoir devant la Cour que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et soutenu alors que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers le sien, et que si la prescription n'avait pu courir pendant la durée du mariage, son cours avait repris à compter de la date à laquelle le jugement de divorce était devenu définitif, soit le 26 mai 2012. L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui confirme que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de son ex-époux et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte.
Références :
■ Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-22.929 : DAE, 30 oct. 2012, D. 2012. 2307 ; AJ fam. 2012. 564, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2012. 766, obs. B. Vareille ; ibid. 767, obs. B. Vareille
■ Civ. 1re, 20 nov. 2013, n° 12-21.621 : AJ fam. 2014. 49, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2014. 346, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 24 mai 2018, n° 17-18.270 : AJ fam. 2018. 411, obs. N. Levillain
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