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Crèches de Noël à l’hôtel de la région Auvergne Rhône-Alpes : saison 2
Le tribunal administratif de Lyon vient de décider que l’exposition temporaire de plusieurs décors de crèches de la nativité dans le hall de l’hôtel de région pendant la période des fêtes de Noël 2017, accompagnée de vitrines de crèches et de panneaux expliquant le métier de santonnier dans la région, ne porte pas atteinte au principe de laïcité.
■ Rappel de la saison 1 : Fin 2016, afin de « mettre en valeur le savoir-faire et le travail des artisans santonniers de la Drôme », le président de conseil régional Auvergne Rhône-Alpes décida d’installer une crèche de la nativité de 14 m2 dans le grand hall du siège de cette collectivité.
Appliquant les critères dégagés par les décisions d’assemblée du Conseil d’État Commune de Melun c/ Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne et Fédération de la libre pensée de Vendée du Conseil d’État en date du 9 novembre 2016, le tribunal administratif a estimé que cette décision devait être annulée. En effet : « Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’installation de cette crèche dans l’enceinte de ce bâtiment public, siège d’une collectivité publique, résulte d’un usage local. …, aucune crèche de Noël n’a jamais été installée dans les locaux du siège lyonnais de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette installation était accompagnée d’un autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif, alors même que la crèche a été réalisée par des artisans de la région et que l’installation permet l’exposition de leur savoir-faire. »
■ Textes applicables
Dans le domaine des crèches sont invoqués généralement deux textes : la Constitution de 1958, art. 1er.et la loi du 9 décembre 1905, art. 1er, 2 et 28. La jurisprudence administrative rappelle que ces dernières dispositions, ont pour objet « d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes, s’opposent à l’installation par celles-ci, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse. Elles ménagent néanmoins des exceptions à cette interdiction. Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d’apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d’exposition. En outre, en prévoyant que l’interdiction qu’il a édictée ne s’appliquerait que pour l’avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existants à la date de l’entrée en vigueur de la loi. » (V. notamment CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122 et 395223).
■ Rappel des critères dégagés par les décisions du 9 novembre 2016 du Conseil d’État
Une crèche de Noël peut avoir diverses significations. Certes, elle a un caractère religieux car elle représente l’iconographie chrétienne mais elle fait également partie des décorations, de la tradition de Noël sans signification particulière.
L’installation d’une crèche dans un lieu public n’est légale que si la crèche « présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse ».
Pour cela, il convient de tenir compte :
● du « contexte » (absence de prosélytisme) ;
● des « conditions particulières de cette installation » ;
● de « l’existence ou de l’absence d’usages locaux » ;
● du « lieu de cette installation » : concernant cette dernière condition, il convient de distinguer s’il « s’agit d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public, ou d’un autre emplacement public » :
*Pour les enceintes des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public : « le fait pour une personne publique de procéder à l’installation d’une crèche de Noël ne peut, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques » ;
*Pour les autres emplacements publics, : en raison du « caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année notamment sur la voie publique, l’installation à cette occasion et durant cette période d’une crèche de Noël par une personne publique est possible, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse ».
■ Saison 2
Afin d’appliquer les critères dégagés par la jurisprudence du Conseil d’État, le président du conseil régional avait décidé d’organiser, pour la fin de l’année 2017, une exposition temporaire, dans le hall de l’hôtel de région.
Cette exposition consistait en « deux grands décors de crèches présentant les métiers d’art et les traditions santonnières régionales dans des scènes pittoresques de la vie quotidienne, réalisés par un ornemaniste et un maître-santonnier drômois ». Il y avait également « quatre vitrines de crèches réalisées par des maîtres artisans et créateurs de santons haut-savoyard, altiligérien, ardéchois et cantalien », « des panneaux illustrant le travail du santonnier à travers les étapes de la fabrication d’un santon » et plusieurs ateliers organisés pour la découverte des métiers d’art, à destination, en particulier, des enfants. Lors du vernissage de l’exposition le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes avait indiqué que son objet consistait « à rendre hommage au savoir-faire et aux traditions des maîtres-santonniers régionaux, en venant enrichir le plan régional lancé en 2016 en faveur des métiers d’art. Cet objet a été rappelé également dans un communiqué, publié le 5 décembre 2017 sur le site internet de la région, informant le public de l’accueil d’une « exposition vitrine du savoir-faire régional des métiers d’art et traditions populaires ».
Il s’ensuit que cette exposition a un caractère culturel contrairement à celle organisée lors de la saison 1 qui ne présentait qu’une seule crèche de la nativité.
Le fait de présenter le métier de santonnier, d’organiser une exposition de différentes crèches, ainsi que des activités autour de ce thème permet au tribunal administratif d’en déduire que l’exposition litigieuse a bien un caractère cultuel.
TA Lyon, 22 nov. 2018, n° 1709278
Références
■ Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État
Article 1er
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »
Article 2
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3. »
Article 28
« Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »
■ CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122 : Dalloz Actu Étudiant, 14 nov. 2016 ; Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; D. 2016. 2341, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2456, entretien D. Maus.
■ CE, ass., 9 nov. 2016, Féd. de la libre pensée de Vendée, n° 395223 : Dalloz Actu Étudiant, 14 nov. 2016 ; Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2456, entretien D. Maus.
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