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[ 24 janvier 2012 ] Imprimer

Droit des obligations

Devoir d’information du médecin : la première chambre civile persiste et signe !

Mots-clefs : Responsabilité médicale, Devoir d’information, Préjudice réparable

Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation.

En matière de responsabilité médicale, un arrêt de revirement, qualifié d’historique, et même de nouvel Everest, fut rendu le 3 juin 2010. Le voici confirmé !

Victime d’un traumatisme au genou, un homme avait subi diverses interventions chirurgicales à la suite desquelles l’état du membre atteint, affecté de nouvelles lésions, ne cessa d’empirer. Il intenta donc une action en responsabilité contre son chirurgien. Il lui reprochait, tout d’abord, une faute opératoire ; celle-ci, écartée tant en première instance qu’en appel, n’appelle cependant pas plus d’observations. Seul doit retenir l’attention le second grief opposé au chirurgien, l’absence d’information sur les suites possibles de l’opération. Conformément à une jurisprudence antérieure, la cour d’appel avait estimé que le manquement du chirurgien à son obligation d’information avait seulement privé le patient de la chance de refuser l’intervention dommageable ; dès lors, le patient ne pouvait prétendre à aucune indemnisation du seul fait d’un tel manquement. Confirmant le revirement précédent et son fondement, la première chambre civile casse cet arrêt.

Déjà visés en 2010, les articles 1616-3 et 1382 du Code civil et L. 1111-6 du Code de la santé publique fondent l’engagement de la responsabilité délictuelle du chirurgien ayant manqué à son devoir d’informer. Contractuelle depuis l’arrêt Mercier, la responsabilité médicale serait donc devenue légale. Peut-être parce qu’elle ne résulte pas tant de l’accord de volontés des deux parties au contrat que de la relation de fait qui les unit : les devoirs du médecin envers son patient, en ce qui concerne les soins et l’information dus à celui-ci, trouveraient leur origine dans la déontologie médicale et existeraient du seul fait du rapport de soin qui s’établit entre eux. Ainsi a-t-il été proposé de distinguer, au-delà même de la responsabilité médicale, les devoirs naissant d’une situation des obligations naissant de la seule volonté des parties. En ce sens, le devoir d’information du médecin naîtrait ex situatione, indépendamment du contrat, qui soutient ce devoir mais ne le fonde pas. L’inapplication constante de l’article 1150 à la responsabilité médicale en fournit d’ailleurs la meilleure preuve.

Outre le fondement de cette responsabilité, l’apport essentiel de cette nouvelle jurisprudence concerne la sanction de la violation, par le médecin, de son devoir d’information. Alors qu’elle recourrait à la notion de perte de chance du patient d’échapper au risque finalement réalisé et excluait, ainsi, que la violation de devoir d’information constituât, à elle seule, un préjudice réparable, la Cour de cassation confirme ici renier ce raisonnement, remis en cause en 2010 : la violation par le médecin de son devoir d’information crée un préjudice réparable. Déduisant des articles 16 et 16-3 alinéa 2 l’existence d’un droit à l’information, lequel génère un devoir d’informer à la charge du médecin, la Haute cour, s’inspirant peut-être du précédent concernant le droit au respect de la vie privée, retient que la violation du devoir d’information caractérise une violation du droit à l’information. Le raisonnement est dangereux en ce qu’il trahit la fusion en un seul élément des trois conditions en principe nécessaires à l’engagement de la responsabilité, ainsi exagérément facilité : la violation du droit caractérise le dommage et la faute, dont la coïncidence suffit à satisfaire l’exigence d’un lien causal. Également défavorable aux médecins, la consistance, incertaine depuis 2010, du préjudice réparable, n’est pas ici dissipée. La Cour, en effet, laisse entendre que la teneur du préjudice, comme son existence, sont indépendantes des circonstances de fait. Il revient donc aux juges du fond d’évaluer un préjudice objectif, sans égard à ses incidences concrètes et de faire le choix, politique, entre une réparation symbolique nuisible à l’effectivité du droit à l’information et une réparation significative encourageant le contentieux. Mission impossible ? En tout cas, difficile.

Civ.1re, 12 janv. 2012, pourvoi n°10-24.447, inédit

Références

■ Obligation d’information

[Droit civil/Droit commercial]

« Devoir légal pesant sur le professionnel, vendeur de biens ou prestataire de services, d’informer son partenaire sur les caractéristiques de la chose commercialisée ou de l’opération projetée au moyen, notamment, de mentions informatives et de documents annexes. Outre de nombreux textes imposant une telle obligation dans des domaines précis (démarchage, crédit, capitalisation, voyages…), le Code de la consommation édicte, à titre de principe, une obligation précontractuelle d’information dans un souci de protection du consommateur et dispose qu’en cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté cette obligation. »

 Perte d’une chance

[Droit civil]

« Préjudice résultant de la disparition, due au fait d’un tiers, de la probabilité d’un événement favorable et donnant lieu à une réparation mesurée sur la valeur de la chance perdue déterminée par un calcul de probabilités et qui ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

■ Code civil

Article 16

« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »

Article 16-3

« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. 

Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

Article 1150

« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. »

Article 1382

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

■ Article L. 1111-6 du Code de la santé

« Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le malade n'en dispose autrement.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci. »

■ Civ. 1re, 3 juin 2010, n°09-13.591, Dalloz Actu Étudiant 30 juin 2010 D. 2010. 1522 RTD civ. 2010. 571.

■ Civ. 20 mai 1936, DP 1936. 1. 88, rapp. Josserand et concl. Matter ; RTD civ. 1936. 691, obs. Demogue ; F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, 12e éd., Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2008, n° 162.

 

Auteur :M. H.

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