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[ 8 novembre 2010 ] Imprimer

Droit de la famille

Droit de visite accordé à l'ex-compagne de la mère d'un enfant

Mots-clefs : Homoparentalité, Droit de visite et d'hébergement, Famille sociologique, Art. 371-4 al. 2 C. civ.

Par un jugement du 21 octobre 2010, un TGI a accordé un droit de visite et d'hébergement à l'ex-compagne de la mère biologique d'un enfant, sur le fondement de l'article 371-4, alinéa 2, du Code civil, en tenant compte de l'existence d'une famille sociologique.

Quelques semaines seulement après la décision du 6 octobre 2010 ayant conclu à la conformité à la Constitution de l'interprétation de l'article 365 du Code civil faisant interdiction à la compagne de la mère d'un enfant d'adopter ce dernier (), le jugement du TGI de Briey, dont la presse généraliste s'est faite l'écho, relance le débat autour de l'homoparentalité. Celui-ci accorde, sur le fondement de l'article de l'article 371-4, alinéa 2, du Code civil, qui dispose que « si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non », un droit de visite et d'hébergement à l'ex-compagne de la mère biologique d'un enfant.

Pour aboutir à cette solution, le tribunal s'appuie sur divers éléments : le fait que l'enfant est issu d'un projet de couple (il porte à titre de troisième prénom le nom de famille de l'ex-compagne de sa mère), et qu'une « famille sociologique » s'est formée, tant pendant la vie commune des deux femmes qu'après leur séparation (pendant deux ans, une résidence alternée a été organisée entre la mère et l'ex-compagne, cette dernière s'étant même vue confier, par lettre, le pouvoir de prendre des décisions concernant l'enfant, en l'absence de sa mère). Il en conclut qu'il est de l'intérêt de l'enfant « que soit préservée une stabilité dans ses relations affectives et sociales avec ceux qui ont décidé, dès avant sa conception, d'être ses parents et qui en ont assumé les obligations et la responsabilité depuis sa naissance, sans que ces relations puissent être remises en cause au gré des recompositions familiales ».

Juridiquement, rien ne s'opposait à l'application de l'article 371-4, alinéa 2, du Code civil, au cas d'espèce. Ce texte a, en effet, été modifié par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, pour bénéficier à d'autres personnes que les grands-parents : beaux-parents, voire autres membres de la seconde famille en cas de séparation (v. infra). Et la seule condition qu'il pose est relative à l'intérêt de l'enfant. D'ailleurs, le ministère public, lui-même, avait conclu à l'octroi d'un tel droit, pour autant que le tribunal l'estimerait conforme à cet intérêt. En somme, l'originalité de ce jugement réside dans le seul fait que le droit de visite bénéficie à l'ex-compagne de la mère biologique.

Reste à savoir si cette jurisprudence du fond trouvera grâce ou non aux yeux de la Cour de cassation. En 2005, la Haute cour avait approuvé l'octroi, fondé sur l'article 3, § 1, de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, d'un droit de visite à l'ex-compagnon transsexuel de la mère, dont la reconnaissance avait été annulée (Civ. 1re, 18 mai 2005).

TGI Briey, 21 oct. 2010, n° 09/00482

Références

Droit de visite

« Prérogative reconnue initialement aux ascendants de recevoir leurs descendants mineurs (enfants ou petits-enfants) confiés à la garde d’un parent ou d’un tiers. La loi du 4 mars 2002 dispose plus généralement que l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants et que l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Ce droit a été étendu à ceux qui ont élevé l’enfant.

À l’égard du parent qui exerce le droit de visite et lorsque la continuité et l’effectivité des liens avec ce parent l’exigent, le juge aux affaires familiales peut organiser ce droit dans un espace de rencontre qu’il désigne à cet effet. »

Homoparentalité

« Désigne la fonction de prise en charge, d’éducation, et de protection de l’enfant, lorsqu’elle est exercée par un couple homosexuel ou une personne célibataire homosexuelle, que l’enfant soit issu d’une filiation par le sang (enfant né grâce à la procréation médicalement assistée – insémination artificielle avec donneur ou participation d’une mère pour autrui, etc.) ou de l’adoption. Le droit commun offre des instruments qui peuvent être utilisés au service de l’homoparentalité (mandats, délégation-partage de l’autorité parentale, droit de visite…).

Mais il faut distinguer l’homoparentalité de l’homoparenté, qui consiste à établir un lien de filiation juridique entre l’enfant et le membre du couple homosexuel qui n’a pas de lien de filiation biologique avec lui. Le droit français exclut l’homoparenté. L’insémination artificielle avec donneur anonyme est ainsi fermée aux couples non hétérosexuels ; de même, l’adoption est fermée, en droit positif, aux couples homosexuels.

En revanche, le droit positif a évolué à propos de la reconnaissance de l’adoption pour une personne célibataire homosexuelle. Le Conseil d’État avait approuvé le refus des juges d’accueillir la demande d’agrément aux fins d’adoption formée par un homosexuel, en se fondant sur un risque pour l’épanouissement de l’enfant. Mais la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée dans un sens radicalement contraire. Dans une espèce où une institutrice homosexuelle s’était vu refuser l’agrément en vue d’adopter, la Cour a condamné la France pour violation de l’article 14 de la Convention EDH (interdiction de discrimination) combinée avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). Les juges français se sont conformés à cette jurisprudence et ont finalement accédé à la demande d’agrément. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Cons. const. 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC, Dalloz Actu Étudiant 15 oct. 2010.

Civ. 1re, 18 mai 2005, Bull. civ. I, n° 211 ; D. 2005. Jur. 2125, note J.-J. Lemouland ; ibid. 2006. Somm. 1139, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2005. 321, obs. F. Chénedé ; Rev. crit. DIP 2005. 679, note D. Bureau ; RTD civ. 2005. 583, obs. J. Hauser.

P. Murat (dir.), Droit de la famille 2010-2011, 5e éd., Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2010, n° 232.62.

■ Code civil

Article 365

« L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.

Les droits d'autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Les règles de l'administration légale et de la tutelle des mineurs s'appliquent à l'adopté. »

Article 371-4

« L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.

Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non. »

Article 3 § 1 de la convention de New York

« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

 

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