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[ 17 novembre 2022 ] Imprimer

Procédure pénale

Effet dévolutif de l’appel en matière pénale : rappels

L'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. Lorsque la limitation de la portée de l'appel sur l'action publique aux peines prononcées n'a pas été faite par l'avocat du prévenu, ou par le prévenu en présence de son avocat, le prévenu peut revenir sur cette limitation à l'audience. Par ailleurs, la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu aggraver le sort de l'appelant. 

Crim. 12 oct. 2022 n° 21-82.440 F-B

L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 12 octobre dernier permet de revenir sur l’effet dévolutif de l’appel en matière pénale et les règles qui gouvernent ce principe. La décision permet également de rappeler l’étendue de la saisine de la juridiction et plus particulièrement l’obligation pour la juridiction de ne statuer que sur les faits dont elle est saisie à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.

■ Effet dévolutif

En matière correctionnelle, l’appel s’étend en principe à toutes les dispositions pénales et civiles du jugement (Crim. 12 nov. 1974, n° 74-91.229). En raison de l’effet dévolutif de cette voie de recours, la juridiction du second degré est alors saisie classiquement de tous les points de droit et de fait soumis aux premiers juges. Néanmoins, il résulte de l'article 509 du code de procédure pénale que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. 

En premier lieu, l'appelant a la faculté de limiter l'objet de son recours à une partie du dispositif du jugement (à certaines dispositions soit sur l'action publique, soit sur l'action civile, en tout ou en partie), sous réserve de l'attitude des autres parties qui peuvent étendre la saisine de la cour par la voie de l'appel incident. Les dispositions du jugement non attaquées par l'appel acquièrent en conséquence l'autorité de la chose jugée. Cette faculté de limiter son recours appartient tant au ministère public qu’au prévenu. En revanche, l’article 497 3° du code de procédure pénale, n'admet qu'une faculté d'appel limitée de la partie civile. L’appel de la partie civile est limité à ses seuls intérêts civils et il lui est défendu d’appeler seule d’un jugement correctionnel dans ses dispositions statuant au fond sur l’action publique (sur cette limitation : cf. Cons. Const., 31 janv. 2014, n° 2013-363 QPC)

En second lieu, en vertu de l’article 515, alinéa 1er du code de procédure pénale, « la cour peut, sur l'appel du ministère public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou en partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu ». L'appel du ministère public, principal ou incident, saisit la juridiction de l'intégralité de l'action publique (Crim. 21 sept. 2004, n° 04-81.887). Néanmoins, si l'appel du ministère public est limité à certaines dispositions du jugement, La cour d'appel excéderait alors les limites de sa saisine en réformant les dispositions dont elle n'est pas saisie. Ainsi, lorsque le prévenu a été condamné en première instance et que le ministère public, seul appelant, limite son appel aux peines prononcées, la déclaration de culpabilité est définitive (Crim. 10 mars 2004, n° 02-85.285). De même, l'autorité de chose jugée attachée à une relaxe, prononcée par la juridiction du premier degré, devient définitive en l’absence d’appel de la part du ministère public sur ce point. Par ailleurs, une cour d'appel saisie du seul appel du prévenu, portant sur les dispositions pénales, ne peut aggraver le sort de l'appelant. Cette règle est connue sous l'interdiction de la reformatio in pejus (C. pr. pén., art. 515  al. 2).

En l’espèce, par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré un individu coupable d'acquisition et de détention de produits stupéfiants du 20 mai au 9 novembre 2020, en récidive. Il l'a par ailleurs relaxé des chefs d'offre, de cession et de transport pour la même période. Prononçant en conséquence une peine d’un an d'emprisonnement, le tribunal a également ordonné la révocation totale d'une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve prononcée par un autre tribunal le 24 avril 2019. Le prévenu a alors interjeté appel, hors la présence de son avocat, à titre principal, par déclaration du 22 novembre 2020, limitant son recours à la révocation du sursis. Le ministère public a relevé appel, à titre incident, indiquant que son appel comportait la même limitation. À l'audience, le prévenu est revenu sur la limitation de son appel, indiquant étendre son recours à toutes les dispositions pénales du jugement. Le ministère public a précisé qu'il n'était pas appelant de ces dispositions du jugement et requis la confirmation de la peine prononcée et de la révocation du sursis avec mise à l'épreuve. Dans sa décision, la cour d'appel de Poitiers, a confirmé la peine d'emprisonnement pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive et la révocation du sursis. Donnant acte au prévenu du fait qu'il revenait sur la limitation de son appel, et infirmé la décision déférée en ce qu'elle l’avait renvoyé des fins de la poursuite pour l'infraction de transport de produits stupéfiants. 

La décision est logiquement censurée par la chambre criminelle au visa des articles 509 et 515 du code de procédure pénale. En effet, les énonciations de l'acte d'appel, qui déterminent l'étendue de la saisine de la cour, indiquaient d’une part que le ministère public avait limité son appel à la révocation du sursis et d’autre part que le prévenu, avait initialement limité son appel aux mêmes dispositions, avant de revenir sur cette limitation à l’audience. Une telle possibilité est offerte au prévenu lorsque la limitation de la portée de l'appel sur l'action publique aux peines prononcées n'a pas été faite par l'avocat du prévenu, ou par le prévenu en présence de son avocat (C. pr. pén. art. D. 45-22 al. 2). Or, en déclarant le prévenu coupable du délit de transport illicite de stupéfiants, dont il avait été relaxé par le tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu l’interdiction de la réformation in pejus. Les juges d’appel, concernant cette infraction, n’étaient saisie que du seul appel du prévenu, et ne pouvaient donc pas aggraver le sort de celui-ci. 

■ Étendue de la saisine

Un second motif de cassation est retenu par les juges du quai de l’horloge au visa de l’article 388 du code de procédure pénale. Devant la juridiction correctionnelle, le prévenu était poursuivi pour des infractions commises du 20 mai au 9 novembre 2020. Or dans sa décision, la cour d’appel précise qu'à l'audience, la juridiction a mis dans le débat la date de la prévention, indiquant qu'elle était erronée et devait s'entendre du 15 mai au 9 juin 2020. Elle a déclaré le prévenu coupable de faits commis le 15 mai 2020. 

La Cour de cassation rappelle le principe classique selon lequel les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention (Crim. 20 avr. 2017, n° 16-81.452). Rappelons que l'article 388 du code de procédure pénale pose pour principe que le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence, soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la comparution par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par le juge d'instruction. Le tribunal correctionnel ne peut se saisir lui-même de faits qui n'auraient pas été inclus dans sa saisine initiale. En conséquence, les juges ne pouvaient entrer en voie de condamnation pour des faits commis à une date non retenue par la prévention (Crim. 14 oct. 2015, n° 14-84.747. – Crim. 9 nov. 2016, n° 15-82.744), sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ces faits. Ce n’est donc qu’à titre d’exception que le prévenu peut être jugé sur une prévention dont le tribunal correctionnel n'a pas été saisi. Le prévenu doit expressément accepter le débat sur ces faits en toute connaissance de cause (Crim. 5 juin 1996, n° 95-83.265 ; Crim. 19 avr. 2005, n° 04-83.879). 

Références :

■ Crim. 12 nov. 1974, n° 74-91.229

■ Cons. Const., 31 janvier 2014, n° 2013-363 QPC : DAE 18 févr. 2014, note Sabrina LavricD. 2014. 651, note A. Botton ; AJ pénal 2014. 136, obs. C. Lacroix

■ Crim. 21 sept. 2004, n° 04-81.887 : D. 2004. 2761

■ Crim. 10 mars 2004, n° 02-85.285 : D. 2004. 1240, et les obs. ; ibid. 2005. 684, obs. J. Pradel ; RTD com. 2004. 625, obs. B. Bouloc

■ Crim. 20 avr. 2017, n° 16-81.452 P : D. actu. 11 mai 2017, obs. Gallois

■ Crim. 14 oct. 2015, n° 14-84.747

■ Crim. 9 nov. 2016, n° 15-82.744 : JA 2017, n° 553, p. 12, obs. X. Delpech

■ Crim. 5 juin 1996, n° 95-83.265

■ Crim. 19 avr. 2005, n° 04-83.879 : D. 2005. 1416, obs. J. Daleau ; RSC 2005. 842, obs. G. Vermelle

 

Auteur :Caroline Lacroix

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