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Procédure pénale
Garde à vue : recevabilité de la requête en nullité
Mots-clefs : Enquête, Garde à vue (régularité, assistance d’un défenseur, acte antérieur à la réforme), Droits de la défense, Instruction, Nullité (requête, délai, forclusion, purge)
Par un arrêt du 27 septembre 2011, la chambre criminelle rejette le moyen tiré de la nullité d’une garde à vue présenté par le mis en examen qui n’était plus recevable, en application des articles 173-1 et 174 du Code de procédure pénale, à en faire état auprès de la chambre de l’instruction.
Poursuivi pour infractions à la législation sur les stupéfiants en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment, M. X… avait soulevé la nullité d’un certain nombre d’actes d’enquête (interceptions de correspondances téléphoniques, opérations de perquisition, auditions de garde à vue). En particulier, il arguait de l’irrégularité de la garde à vue de Mme Y… pour défaut de notification à celle-ci, lors de la première prolongation de cette mesure, de son droit à l’assistance d’un avocat, ce qui avait eu pour effet de porter atteinte à ses propres intérêts dès lors que cette dernière l’avait mis en cause par ses déclarations.
La chambre de l’instruction rejeta la requête dans son ensemble. Ce que confirme ici la chambre criminelle. Sur la mesure de garde à vue, la Haute cour retient que « M. X…, qui n’est plus recevable, en application des articles 173-1 et 174 du code de procédure pénale, à faire état auprès de la chambre de l’instruction, fût-ce en se prévalant d’une évolution de la jurisprudence, d’un moyen de nullité des auditions en garde à vue de Mme Y…, ne saurait être admis à invoquer devant la Cour de cassation un tel moyen pour faire grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa requête en annulation d’actes de la procédure ».
La garde à vue s’était déroulée en août 2008, donc sous l’empire de la loi ancienne, ce qui, en soi, ne faisait pas obstacle à la possibilité, pour le mis en examen, de soulever son irrégularité au regard des garanties conventionnelles. L’on rappellera en effet que, par des arrêts du 31 mai 2011, la chambre criminelle a, sur le fondement de l’article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, accepté d’annuler des retenues douanières et des gardes à vue intervenues avant le 15 avril 2011, date d’entrée en vigueur de la loi portant réforme de la garde à vue, intervenues sans notification du droit de se taire et sans assistance effective et immédiate d’un défenseur (v. Dalloz Actu Étudiant).
Par cet arrêt de rejet, la Haute cour précise simplement la portée de cette jurisprudence : la demande d’annulation d’une garde à vue antérieure à la réforme demeure possible mais celle-ci doit, pour être recevable, se conformer aux dispositions des articles 173-1 et 174 précités, applicables dans le cas d’une instruction. Le premier de ces textes édicte un délai de forclusion de six mois à compter de la mise en examen au-delà duquel le mis en examen ne peut plus faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution (ou de ses interrogatoires ultérieurs). Le second précise que les parties, dès lors qu’elles saisissent la chambre de l’instruction pour constater une nullité de procédure, doivent invoquer toutes les nullités susceptibles d’être relevées en l’état de l’information, à défaut de quoi elles seront irrecevables à s’en prévaloir ultérieurement (application de la purge des nullités).
Crim. 27 sept. 2011, no 11-81.458, F-P+B+R
Références
■ B. Bouloc, Procédure pénale, 22e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2010, no 781.
[Droit pénal]
« Tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement. »
[Droit pénal]
« Circonstance aggravante de certaines infractions, définie comme tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels d’une ou de plusieurs infractions. »
[Procédure pénale]
« Formation de la cour d’appel, qui s’est substituée, depuis la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, à l’ancienne chambre d’accusation, et statuant :
- principalement :
• sur appel des ordonnances ou décisions rendues dans le cadre d’une instruction;
- accessoirement :
• comme juridiction disciplinaire des officiers et agents de police judiciaire;
• en matière d’extradition, de réhabilitation judiciaire, de contentieux de l’amnistie, de règlement de juges… »
[Procédure pénale]
« Mesure de contrainte par laquelle un officier de police judiciaire retient dans les locaux de la police, d’office ou sur instruction du procureur de la République, pendant une durée légalement déterminée et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine emprisonnement. La durée de la garde à vue dépend de la nature de l’infraction : elle est plus longue en cas de criminalité ou de délinquance organisées (terrorisme, trafic de stupéfiants…). Depuis la loi no 2011-392 du 14 avril 2011, dès le début de sa garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat et que ce dernier assiste à ses auditons et confrontations; des dérogations exceptionnelles à ce principe sont prévues, sur autorisation du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction, pour une durée qui varie selon la nature de l’infraction et l’autorité ayant qualité pour se prononcer (12 heures maximum s’il s’agit du procureur de la République). »
[Procédure pénale]
« Phase de l’instance pénale constituant une sorte d’avant-procès, qui permet d’établir l’existence d’une infraction et de déterminer si les charges relevées à l’encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu’une juridiction de jugement soit saisie. Cette phase, facultative en matière de délit, sauf dispositions spéciales, obligatoire en matière de crime, est conduite par le juge d’instruction sous le contrôle de la chambre de l’instruction. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Crim. 31 mai 2011, nos 10-88.293, 10-88.809, 11-80.034 et 11-81.412, Dalloz Actu Étudiant 17 juin 2011.
■ Code de procédure pénale
Article 173
« S'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte ou une pièce de la procédure est frappé de nullité, il saisit la chambre de l'instruction aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur de la République et avoir informé les parties.
Si le procureur de la République estime qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction communication de la procédure en vue de sa transmission à la chambre de l'instruction, présente requête aux fins d'annulation à cette chambre et en informe les parties.
Si l'une des parties ou le témoin assisté estime qu'une nullité a été commise, elle saisit la chambre de l'instruction par requête motivée, dont elle adresse copie au juge d'instruction qui transmet le dossier de la procédure au président de la chambre de l'instruction. La requête doit, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une déclaration au greffe de la chambre de l'instruction. Elle est constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, la requête peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffe de la chambre de l'instruction.
Les dispositions des trois premiers alinéas ne sont pas applicables aux actes de procédure qui peuvent faire l'objet d'un appel de la part des parties, et notamment des décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire.
Dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe de la chambre de l'instruction, le président peut, par ordonnance non susceptible de recours, constater que la requête est irrecevable en application du présent article, troisième ou quatrième alinéa, de l'article 173-1, des articles 174, premier alinéa, ou 175, quatrième alinéa ; il peut également constater l'irrecevabilité de la requête si celle-ci n'est pas motivée. S'il constate l'irrecevabilité de la requête, le président de la chambre de l'instruction ordonne que le dossier de l'information soit renvoyé au juge d'instruction ; dans les autres cas, il le transmet au procureur général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants. »
« Sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs.
Il en est de même pour le témoin assisté à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures.
Il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures. »
« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. À défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître.
La chambre de l'instruction décide si l'annulation doit être limitée à tout ou partie des actes ou pièces de la procédure viciée ou s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure et procède comme il est dit au troisième alinéa de l'article 206.
Les actes ou pièces annulés sont retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui est classée au greffe de la cour d'appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. »
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
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