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Libertés fondamentales - droits de l'homme
GPA : la France n’a pas l’obligation d’inscrire la mère d’intention sur les registres de l’état civil.
A l’unanimité, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme décident qu’il n’y a pas violation de l’article 8 de la Convention dans le refus des autorités françaises de transcrire l’intégralité des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA sur les registres de l’état civil français, tant que la filiation avec la mère d'intention peut être reconnue par l'adoption.
En l’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme était saisie de deux affaires concernant des couples hétérosexuels mariés qui avaient chacun utilisé la technique de la gestation pour autrui (aux États-Unis pour un couple et au Ghana pour l’autre), les enfants étant issus des gamètes des époux et de tierces donneuses.
Les juridictions françaises avaient accepté dans ces deux affaires la transcription des actes de naissances au titre de la filiation paternelle, mais refusé celle au titre de la filiation maternelle. Les couples ont alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant notamment la violation du droit au respect de la vie privée des enfants (Conv. EDH, art. 8).
Dans la décision rendue le 12 décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’homme reste fidèle à son avis consultatif du 10 avril 2019 (no P16-2018-001), selon lequel la filiation ne passe pas obligatoirement par la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger : « le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale » Toutefois, il «importe … que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de leur mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant ».
En l’espèce, si la Cour prend en compte l’existence d’une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des enfants, ingérence prévue par la loi et poursuivant les buts légitimes de la « protection de la santé » et de « la protection des droits et libertés d’autrui » (Conv. EDH, art. 8, al. 2. CEDH 26 juin 2014, Menesson c/ France, n° 65192/11), elle en conclut que cette ingérence n’est pas disproportionnée par rapport aux buts poursuivis.
De plus, le droit français admet la reconnaissance du lien de filiation entre les enfants et leur mère d’intention par la voie de l’adoption de l’enfant du conjoint (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 15-28.597 P, n° 16-16.901 P). La « Cour ne voit aucune raison de douter des assurances fournies à cet égard par le Gouvernement » … et « estime toutefois que, dans les circonstances de la cause, ce n’est pas imposer aux enfants concernés un fardeau excessif que d’attendre des requérants qu’ils engagent maintenant une procédure d’adoption à cette fin. Elle observe notamment qu’il résulte des éléments produits par le Gouvernement que la durée moyenne d’obtention d’une décision n’est que de 4,1 mois en cas d’adoption plénière et de 4,7 mois en cas d’adoption simple ».
Il s’ensuit que « le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissance étrangers des enfants requérants sur les registres de l’état civil français pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant leur mère n’est pas disproportionné par rapport aux buts poursuivis. »
Il convient de rappeler que le 4 octobre 2019, l’assemblée plénière de la Cour de cassation (n° 10-19.053), dans l’affaire Menesson, a décidé qu’une GPA réalisée à l’étranger ne faisait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans ce cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permettait de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants.
CEDH 12 déc. 2019, C c/ France et E c/ France, n° 1462/18 et 17348/18
Références
■ Pour aller plus loin : la GPA, Caroline Mecary, Dalloz, A savoir, nov. 2019 ; Dalloz Actu Étudiant, La filiation des enfants nés d’une GPA, Merryl Hervieu, 11 oct. 2019.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8
« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ CEDH, gr. ch., 10 avr. 2019, n° P16-2018-001 : AJDA 2019. 788 ; ibid. 1803, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2019. 1084, et les obs., note H. Fulchiron ; ibid. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2019. 289, obs. P. Salvage-Gerest ; ibid. 233, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2019. 286, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 307, obs. A.-M. Leroyer
■ CEDH 26 juin 2014, Menesson c/ France, n° 65192/11 : AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014. 1797, et les obs., note F. Chénedé ; ibid. 1773, chron. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 1806, note L. d'Avout ; ibid. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1007, obs. REGINE ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2014. 499, obs. B. Haftel ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2014. 887, note C. Bergoignan-Esper ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 144, note S. Bollée ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser ; ibid. 835, obs. J.-P. Marguénaud.
■ Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 15-28.597 P, n° 16-16.901 P et n° 16-16.455 P : Dalloz Actu Étudiant, 15 sept. 2017 ; D. 2017. 1737, communiqué C. cass., note H. Fulchiron ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2017. 482, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; ibid. 375, point de vue F. Chénedé ; ibid. 643, Pratique P. Salvage-Gerest.
■ Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053 P : D. 2019. 663, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2018. 613 ; ibid. 569, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; ibid. 640 et les obs. ; RTD civ. 2018. 847, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 2019. 90, obs. A.-M. Leroyer
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