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Droit pénal spécial
Inceste : annulation en série des condamnations prononcées
Mots-clefs : Inceste, Viol qualifié d’incestueux, Inconstitutionnalité (conséquences), Condamnation non définitive (annulation, défaut de base légale, renvoi sous une autre qualification)
Par trois arrêts du 12 octobre 2011, la chambre criminelle annule trois condamnations retenant la qualification de crime ou de délit incestueux prévue par l’article 222-31-1 du Code pénal, déclaré inconstitutionnel par décision du 16 septembre 2011.
Dans ces trois arrêts, la Cour de cassation tire les conséquences de la décision no 2011-163-QPC du 16 septembre 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel avait déclaré l’article 222-31-1 du Code pénal (viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux), introduit par la loi no 2010-121 du 8 février 2010, contraire au principe de légalité criminelle. Les Sages avaient en effet précisé que l’abrogation du texte prendrait effet à compter de la publication de la décision au Journal officiel et qu’à compter de cette date, aucune condamnation ne pourrait retenir la qualification de crime ou de délit incestueux, la mention de cette qualification ne pouvant figurer au casier judiciaire s’agissant des affaires définitivement jugées à cette même date (du 17 septembre).
Les trois affaires concernaient des faits de viols qualifiés d’incestueux par la cour d’assises. Dans la première (no 10-88.885) et la deuxième (no 10-82.842), une condamnation à dix ans de réclusion criminelle avait été prononcée, par des arrêts du 19 novembre et du 25 février 2010. Dans la troisième (no 10-84.992), un arrêt du 9 juin 2010 avait condamné l’auteur des faits à six ans d’emprisonnement.
Dans ses arrêts du 12 octobre 2011, la chambre criminelle vise les articles 61-1 et 62 de la Constitution, rappelant qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ». Constatant que, dans chacune des affaires, la qualification de l’article 222-31-1 du Code pénal a été retenue, elle prononce l’annulation des condamnations intervenues dès lors que « ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2011, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 17 septembre 2011 et que, selon cette décision, à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit “incestueux” prévue par ce texte abrogé ».
L’annulation entraîne renvoi de la cause et des parties devant une nouvelle cour d’assises, pour que les intéressés soient à nouveau jugés conformément à la loi. On rappellera à cet égard que les circonstances aggravantes spécifiques du crime de viol sont énumérées aux articles 222-24 à 222-26 du Code pénal et qu’elles se fondent sur : la personne de la victime, l’existence de dommages corporels infligés à la victime, la qualité de l’auteur du viol ou sur les moyens pour réaliser le viol. L’article 222-24 du Code pénal dispose notamment que le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle « lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans » (2o), encore « lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » (4o).
Crim. 12 oct. 2011, no 10-88.885, F-P+B+R+I
Crim. 12 oct. 2011, no 10-82.842, FS-P+B+R+I
Crim. 12 oct. 2011, no 10-84.992, F-P+B+R+I
Références
■ Cons. const. 16 sept. 2011, no 2011-163-QPC, Dalloz Actu Étudiant 3 oct. 2011.
■ V. Rép. pén. Dalloz, V°« Viol », par A. Darsonville, spéc. nos 5 s. et 58 s.
■ Code pénal
« Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :
1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;
3° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;
4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
5° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
7° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;
8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;
9° Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime ;
10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ;
11° Lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
« Le viol est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu'il a entraîné la mort de la victime.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue par le présent article. »
« Le viol est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue par le présent article. »
Ancien article 222-31-1 du Code pénal abrogé
« Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. »
■ Constitution du 4 octobre 1958
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.
Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »
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