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[ 9 janvier 2013 ] Imprimer

Droit pénal général

Intrusion dans l'enceinte d'un établissement scolaire : ne pas confondre établissement d'enseignement supérieur et établissement d'enseignement scolaire

Mots-clefs : Établissement d'enseignement scolaire, Intrusion, Délit

L'article 431-22 du Code pénal, qui réprime le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans y être habilité ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement, n’est pas applicable dès lors que l’intrusion a lieu dans un établissement d'enseignement supérieur.

Répondant à des faits divers médiatisés, la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 a inséré dans le Code pénal un article 431-22 afin de réprimer l'intrusion dans les établissements scolaires. L’infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. Cette disposition a été déclarée conforme à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel n° 2010-604 du 25 février 2010.

Ce délit n’est constitué que si les faits sont commis « dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». L’exigence de ce dol spécial n’est pas nécessaire pour la contravention déjà prévue par l’article R. 645-12 du Code pénal, qui prévoit une amende de la 5e classe de 1 500 euros (créé par Décr. n° 96-378 du 6 mai 1996 modifié par Décr. n° 2008-1412 du 19 déc. 2008) pour des mêmes faits d’intrusion.

Infraction de prévention de la violence en milieu scolaire, son champ d’application repose sur la notion « établissement d'enseignement scolaire ». En l'espèce, pour condamner la prévenue, à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, pour avoir notamment pénétré sans y être habilitée dans l'enceinte de l'École normale supérieure de Lyon, les juges correctionnels relevaient que cette institution, même qualifiée sur le plan administratif d'établissement public à caractère scientifique et culturel, n'en demeure pas moins un établissement scolaire. Dans son pourvoi, la prévenue soulevait dix-sept moyens (… !) de cassation, dont l’inapplicabilité du texte d’incrimination à ladite École.

La chambre criminelle approuve le raisonnement de la demanderesse. Elle censure la cour d’appel retenant que dès lors qu'il résulte du décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 (applicable au moment des faits) que l'École normale supérieure de Lyon est classée comme établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel au sens de l'article L. 711-1 du Code de l'éducation et constitue un établissement d'enseignement supérieur relevant du Livre VII du code de l'éducation, et non comme établissement scolaire au sens du Livre IV dudit code, il n'y a pas lieu d'appliquer à cet établissement les dispositions de l’article 431-22 du Code pénal.

Tous les locaux utilisés par le système éducatif français ne sont donc pas protégés par l’infraction : sont exclus les locaux dédiés à l'enseignement supérieur. Si la solution est sans doute conforme au principe d'interprétation stricte de la loi pénale, l’on pourra regretter quand même l’absence de protection des universités ou autres grandes écoles.

Crim. 11 déc. 2012, n° 11-84.304, FS-P+B

Références

■ Cons. const.25 févr. 2010, n° 2010-604 DC, Dalloz Actu Étudiant 8 mars 2010.

■ Code pénal

Article 431-22

« Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement, est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. »

Article R. 645-12

« Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement scolaire, public ou privé, sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. 

Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes : 

1° La confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ; 

2° Le travail d'intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures. 

La récidive de la contravention prévue au présent article est réprimée conformément à l'article 132-11. »

■ Article L. 711-1 du Code de l'éducation

« Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d'enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. 

Ces établissements sont gérés de façon démocratique avec le concours de l'ensemble des personnels, des étudiants et de personnalités extérieures. 

Ils sont pluridisciplinaires et rassemblent des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs de différentes spécialités, afin d'assurer le progrès de la connaissance et une formation scientifique, culturelle et professionnelle préparant notamment à l'exercice d'une profession. 

Ils sont autonomes. Exerçant les missions qui leur sont conférées par la loi, ils définissent leur politique de formation, de recherche et de documentation dans le cadre de la réglementation nationale et dans le respect de leurs engagements contractuels. 

Les établissements peuvent demander, par délibération statutaire du conseil d'administration prise à la majorité absolue des membres en exercice, le regroupement au sein d'un nouvel établissement ou d'un établissement déjà constitué. Le regroupement est approuvé par décret. 

Les activités de formation, de recherche et de documentation des établissements font l'objet de contrats pluriannuels d'établissement dans le cadre de la carte des formations supérieures définie à l'article L. 614-3. S'agissant des composantes médicales de l'université, ces contrats prennent en compte les éléments figurant dans la convention prévue à l'article L. 713-4 passée avec le centre hospitalier régional. Ces contrats prévoient les conditions dans lesquelles les personnels titulaires et contractuels de l'établissement sont évalués, conformément aux dispositions de l'article L. 114-3-1 du code de la recherche relatives à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ainsi que, le cas échéant, les modalités de la participation de l'établissement à un pôle de recherche et d'enseignement supérieur. Ils fixent en outre certaines obligations des établissements et prévoient les moyens et emplois correspondants pouvant être mis à leur disposition par l'État. L'attribution de ces moyens s'effectue annuellement dans les limites prévues par la loi de finances. Les établissements rendent compte périodiquement de l'exécution de leurs engagements ; leurs rapports sont soumis à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche. 

Ils mettent en place un outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision de nature à leur permettre d'assumer l'ensemble de leurs missions, compétences et responsabilités ainsi que d'assurer le suivi des contrats pluriannuels d'établissement. 

Dans le cadre des missions qui leur sont dévolues par le présent code et afin de faire connaître leurs réalisations, tant sur le plan national qu'international, ces établissements peuvent assurer, par voie de convention approuvée par le conseil d'administration dans les conditions fixées aux articles L. 712-3, L. 715-2, L. 716-1, L. 717-1 et L. 718-1, des prestations de services à titre onéreux, exploiter des brevets et licences et commercialiser les produits de leurs activités. Ils peuvent créer à cette fin des services d'activités industrielles et commerciales, dans les conditions prévues à l'article L. 123-5. Ils peuvent prendre des participations, participer à des groupements et créer des filiales dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ils peuvent recourir à l'arbitrage en cas de litiges nés de l'exécution de contrats passés avec des organismes étrangers. Ils peuvent transiger au sens de l'article 2044 du code civil, dans des conditions définies par décret. 

L'État tient compte des résultats de l'évaluation réalisée par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, en particulier des résultats obtenus en application des dispositions de l'article L. 114-3-2 du code de la recherche, pour déterminer les engagements financiers qu'il prend envers les établissements dans le cadre des contrats pluriannuels susmentionnés. »

 

Auteur :C. L.

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