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La robe d’avocat et rien d’autre !
Dans une décision du 3 mars 2025, le Conseil d’État confirme l’interdiction du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat.
■ Le port de la robe (le costume d’avocat)
Les avocats doivent porter la robe dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires (L. du 31 déc. 1971, art. 3, al. 3). Un avocat qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire doit également la revêtir (Civ. 1re, 1er juill. 1958). En dehors du palais de justice, le port de la robe est restreint. Il est par exemple autorisé à l'occasion des manifestations auxquelles les avocats participent (CNB, Comm. RU, avis n° 2008/044 du 24 juin 2008), à titre officiel ou traditionnel (ex. Pardon de la Saint-Yves à Tréguier) ou lors des obsèques d’un avocat. Les avocats peuvent, s'ils le souhaitent, se présenter en robe pour intervenir aux côtés d'un élève devant le conseil de discipline de son établissement ou lors des conseils de discipline devant lesquels comparaissent les personnels (CNB, Comm. RU, avis n° 2013/032 du 4 nov. 2013).
■ Les signes distinctifs et la robe
Depuis une décision du 7 septembre 2023, le règlement intérieur national de la profession d'avocat comporte désormais un nouvel article 1.3 bis sur le port du costume de la profession, selon lequel : « Ainsi qu'il est prévu à l'article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats “revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession”. / L'avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. » (JO 27 oct.) V. DAE 18 oct. 2023, note M. Hervieu.
Avant cette décision, les ordres avaient compétence pour ajouter dans leur règlement intérieur, s’ils le souhaitaient, qu'aucun autre signe distinctif ne devait s’ajouter à la robe. Ainsi, par exemple le 9 juillet 2020, la cour d'appel de Douai (n° 19/05808) avait eu à se prononcer sur une demande d'annulation contre la délibération du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Lille du 24 juin 2019, ajoutant à un article de son règlement intérieur un alinéa selon lequel: «L'avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique». En l’espèce, la cour d'appel avait rejeté cette demande. La Cour de cassation (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-20.185 B) a confirmé qu’en l'absence de texte législatif ou de règle posée par le CNB, «il entre dans les attributions d'un conseil de l'Ordre de réglementer le port et l'usage du costume de sa profession». Elle a également approuvé la cour d'appel d'avoir considéré que le port du costume de la profession sans aucun signe distinctif ne constitue pas une discrimination, précisant que cette décision est «nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable» et «adéquate et proportionnée» pour «protéger l'indépendance de l'avocat et assurer le droit à un procès équitable».
Un avocat n’est, par exemple, pas non plus autorisé à porter la robe sur des clichés publicitaires. Le port de la robe sur des clichés publicitaires peut être considéré comme procédant d'un irrespect du principe de dignité, dès lors qu'il est réservé à l'exercice des fonctions judiciaires et aux manifestations professionnelles (CNB, Comm. RU, avis n° 2008/044 du 24 juin 2008).
En revanche, la prohibition ne s’étend pas au port de décorations. Il n’existe pas de rupture d'égalité entre les avocats ni aucune violation des principes essentiels de la profession, lorsqu'un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu'il a reçues. Le CNB n’est pas habilité à prendre des dispositions contraires au code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire qui régit le port des décorations (Civ. 1re , 24 oct. 2018, n° 17-26.166 P). Toutefois, le Barreau de Paris a pris une recommandation, le 30 avril 2024 incitant les avocats à se passer de toute décoration (Légion d’honneur ou Mérite national) sur le costume professionnel dans un soucis d’égalité et de neutralité.
■ Le recours pour excès de pouvoir du SAF contre la décision du 7 septembre 2023 du CNB portant modification du règlement intérieur national de la profession d'avocat ajoutant l’article 1.3 bis sur le port du costume de la profession.
Dans une décision rendue le 3 mars 2025, le Conseil d’État avait à se prononcer sur l’interdiction générale du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat.
Il a rejeté le REP du SAF en rappelant que le CNB est investi par la loi d'un pouvoir réglementaire, qui s'exerce en vue d'unifier les règles et usages des barreaux et dans le cadre des lois et règlements qui régissent la profession. « Ce pouvoir trouve cependant sa limite dans les droits et libertés qui appartiennent aux avocats et dans les règles essentielles de l'exercice de la profession. Le CNB ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui mettraient en cause la liberté d'exercice de la profession d'avocat ou les règles essentielles qui la régissent et qui n'auraient aucun fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d'État prévus par l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971, ou ne seraient pas une conséquence nécessaire d'une règle figurant au nombre des traditions de la profession » (V. CE 17 nov. 2004, n° 268075 A).
Selon le Conseil d’État, il résulte du troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le législateur, en imposant le port d'un même habit uniforme, défini par l'arrêté des consuls du 2 nivôse an XI, par tous les avocats dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, a entendu exclure le port de signes distinctifs s'ajoutant à ce costume.
De plus, l’objectif de cette obligation légale pour les avocats de porter la robe dans leurs fonctions judiciaires est d'identifier ces derniers par un costume qui leur est propre, d'éviter qu'ils n'affichent par leur apparence des préférences personnelles sans rapport avec la défense des intérêts de leurs clients et de contribuer à assurer l'égalité des avocats et, à travers celle-ci, l'égalité des justiciables.
Ainsi, cette obligation, qui emporte l'interdiction du port de signes distinctifs avec la robe, poursuit dès lors un but légitime et proportionné qui ne méconnait pas l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 18 du pacte international des droits civi
Références
■ CA Douai, 9 juill. 2020, n° 19/05808 : DAE 25 sept. 2020, note M. Hervieu ; D. actu. 21 juill. 2020, obs. Deharo; D. avocats 2020. 422, étude Avril ; BJS Travail 2020, n° 09, p. 13, note Loiseau; Gaz. Pal. 28 juill. 2020, n° 386, p. 14, note Lartigue; JCP 2020, doctr. 1294, obs. Moret-Bailly).
■ Civ. 1re, 24 oct. 2018, n° 17-26.166 P: DAE 23 nov. 2018, note M. Hervieu, D. 2018. 2284, note Boyer ; ibid. 2019. 91, obs. Wickers ; D. avocats 2018. 392, note Landry ; JCP 2018. 1336, note Beignier.
■ Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-20.185 B : DAE 1er avr. 2022, note M. Hervieu ; AJDA 2022. 432 ; ibid. 1056, note X. Bioy ; D. 2022. 465 ; ibid. 2023. 87, obs. T. Wickers.
■ CE 17 nov. 2004, n° 268075 A : AJDA 2005. 319, note J.-M. Pontier ; ibid. 2004. 2469 ; D. 2005. 11, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 673, chron. A. Bernard.
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