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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Les mineurs isolés étrangers
Bien qu’en France, le nombre de mineurs isolés étrangers soit apparemment inconnu, il serait estimé à environ 16 000 en 2020, selon les récentes déclarations du ministre de l’intérieur.
L’actualité relance incessamment ce sujet brûlant des mineurs isolés étrangers (MIE), une expression déjà ancienne mais toujours usitée pour recouvrer des réalités bien diverses.
A l’inverse des enfants de parents immigrés en situation irrégulière sur le territoire français, les mineurs isolés désignent les mineurs étrangers qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine, séparés de leurs représentants légaux, ou ceux dont personne n’assure de manière effective la prise en charge ou ne manifeste la volonté durable de prise en charge (Arr. 17 nov. 2016 relatif aux modes d’évaluation de la minorité et de l’isolement, art. 1er ; CASF, art. L. 112-3 et L. 221-2-2).
Depuis la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, ils sont désormais appelés « les mineurs non accompagnés » (MNA), un changement linguistique et sémantique qui n’a clarifié qu’à la marge la situation de ces mineurs et n’a en rien remédié à une crise sanitaire et humanitaire internationale, sans précédent…
La détermination de leur minorité et certaines méthodes controversées pour y parvenir posent déjà question.
Malgré la présomption d’authenticité des actes d’état-civil étrangers (C. civ., art. 47) susceptible d’être contredite par une procédure de vérification légale en cas de en cas de suspicion d’irrégularité, de falsification ou de contrariété entre la déclaration des faits et la réalité. Le test osseux peut être, depuis 2016, un recours légal subsidiaire (C. civ., art. 388, al. 2 s.), validé par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC).
Selon le cas, les conséquences diffèrent pour les mineurs et les majeurs : les premiers pouvant alors bénéficier d’une protection sociale et judiciaire jusqu’à leur majorité tandis que les seconds, sans aide, s’exposent au renvoi dans leur pays d’origine.
Les mineurs non accompagnés, en effet, ne sont pas soumis aux règles françaises de séjour des étrangers, ce qui explique qu’ils ne peuvent ainsi faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Pour autant, aucun statut juridique propre ne leur est accordé.
Ils sont pris en charge dans le cadre du dispositif français de la protection de l’enfance, dépendant des départements, à la suite de la délivrance d’une ordonnance de placement d’un juge des enfants ; il ne requiert aucune exigence de nationalité ni de considération de régularité du séjour, conformément aux engagements de la France pris au regard de « la protection de remplacement », un principe énoncé à l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Alors que ce dispositif présentait certains dysfonctionnements relatifs aux problèmes de coût et de concentration des mineurs non accompagnés dans certains départements, la loi du 14 mars 2016 lui a donné une base légale à partir de plusieurs textes réglementaires dont l’objet consiste en l’harmonisation de cette prise en charge entre les territoires (Arr. 28 juin 2016 relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ; Arr. 23 sept. 2016 relatif à la composition et aux règles de fonctionnement du comité de suivi du dispositif national et Arr. 17 nov. 2016 relatif aux modalités d’évaluation de la minorité et de l’isolement).
En outre, la présence des mineurs non accompagnés sur notre territoire a été particulièrement mise en exergue et médiatisée lors du démantèlement progressif de la « Jungle de Calais » et de l’augmentation subséquente, en constante progression, d’installations de campements précaires en région parisienne, plaçant les autorités publiques face à des enjeux et des défis d’ampleur, dépassant souvent le simple cadre national.
Pourtant, par un arrêt retentissant du 28 février 2019 (CEDH 28 févr. 2019, Khan c/ France, n° 12267/16), la France a été condamnée, au visa de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, pour sa carence dans la prise en charge d’un mineur isolé étranger de 12 ans qui était resté, plusieurs mois durant, dans le bidonville calaisien, sans être confié à l’aide sociale à l’enfance, malgré une ordonnance judiciaire de placement sous tutelle.
Ce défaut de prise en charge par les autorités est considéré par la juridiction européenne d’autant plus grave qu’elle a déjà jugé qu’un enfant est, par définition, un être vulnérable et qu’un mineur non accompagné « relève de la catégorie des personnes les plus vulnérables » de la société (CEDH 5 avr. 2011, Rahimi c/ Grèce, n° 8687/08).
La Grèce a également été condamnée (CEDH 28 févr. 2019, HA et autres c/ Grèce, n° 19951/16) par la Cour européenne pour des conditions de détention de plusieurs mineurs non accompagnés dans des postes de police, lesquelles ont été assimilées à des traitements inhumains et dégradants, notamment en raison de la longue durée passée dans ces locaux (de 21 à 33 jours) et de leur inadaptation à des enfants. Dans cet arrêt, la Cour retient que le statut d’enfant isolé doit prendre le dessus sur celui d’étranger en séjour irrégulier, avant d’insister sur la nécessité de prendre en compte son extrême vulnérabilité. Une décision qui appelle à l’évidence les États à changer de paradigme et à s’attacher davantage à la mise à l’abri de ces mineurs et moins à la jugulation de la crise migratoire.
Références
■ Convention internationale des droits de l’enfant
Art. 20 « 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui, dans son propre intérêt, ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État.
« 2. Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.
« 3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la Kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »
■ Convention européenne des droits de l’homme,
Art. 3 « Interdiction de la torture. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
■ Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC : Dalloz Actu Étudiant, 8 juill. 2019, note C. de Gaudemont ; AJDA 2019. 1448, note Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, note Parinet ; D. 2019. 709, obs. Fulchiron ; AJ fam. 2019. 222, obs. Bouix ; Dr. fam. 2019. no 107, note Fulchiron ; Dr. fam. 2019. no 135, note Bonfils
■ CEDH 28 févr. 2019, Khan c/ France, n° 12267/16 : Dalloz Actu Étudiant, 26 sept. 2019, note C. Crichton ; AJDA 2019. 489 ; D. 2019. 1092, et les obs., note A.-B. Caire ; ibid. 1096, entretien K. Parrot ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2019. 111 et les obs. ; AJCT 2019. 292, obs. E. Aubin
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