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[ 26 septembre 2019 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

CEDH : rétrospective de l’année 2019

Les oraux du CRFPA approchant, il est grand temps de se replonger dans cette matière extrêmement riche que constituent les droits et libertés fondamentaux. Et la maîtrise des grands arrêts de la CEDH est en cela incontournable.

Un rappel pratique s’impose. L’intégralité des publications de la CEDH est disponible en plusieurs langues sur le site de la CEDH, dans l’onglet « jurisprudence ». La CEDH recense également toute son actualité sur son compte Twitter @ECHRPublication, généralement en français et en anglais, les langues officielles. Cette transparence absolue est certes nécessaire, mais il est aisé de s’égarer dans le nombre considérable de publications de la Cour. C’est la raison pour laquelle cette dernière publie chaque année un recueil officiel des affaires importantes. Cette sélection est regroupée dans un document unique nommé « affaires phares », qui sont présentées par article, par requérant et par État (ici, la liste 2019 : 19 affaires sont énumérées avec, pour chacune, un lien renvoyant vers l’arrêt et un autre vers son résumé).

■ Affaires phares de 2019 concernant la France.

* CEDH 28 févr. 2019, Khan c/ France, n° 12267/16 (Conv. EDH, art. 3 : traitements inhumains ou dégradants)

Dans cette affaire, il s’agit du défaut de prise en charge d’un mineur isolé étranger ayant vécu six mois dans la « jungle de Calais ». En l’espèce, l’enfant de douze ans a demandé lui-même à une organisation non gouvernementale de saisir le juge des enfants d’une demande de placement provisoire. Ce juge a ordonné que le mineur soit immédiatement confié à l’aide sociale à l’enfance en attendant son regroupement avec des membres de sa famille résidant en Grande-Bretagne. Ainsi, constitue un traitement dégradant le fait de vivre durant plusieurs mois dans le bidonville de la lande de Calais, dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge.

* CEDH, gr. ch., avis consultatif, 10 avr. 2019, n° P16-2018-001 (Conv. EDH, art. 8 : droit au respect à la vie privée et familiale)

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait adressé à la Cour européenne des droits de l’homme une demande d’avis consultatif quant à la transcription d’un acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA conclue à l’étranger. Dans son avis, la Cour européenne des droits de l’homme décide que, lorsqu’un « enfant est né à l'étranger par gestation pour autrui et est issu des gamètes du père d'intention et d'une tierce donneuse, et où le lien de filiation entre l'enfant et le père d'intention a été reconnu en droit interne », le droit interne doit permettre de reconnaître un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention. Cette reconnaissance peut s’effectuer par transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de naissance légalement établi à l'étranger, mais aussi par d’autres voies, telle que l’adoption si ce mécanisme est suffisamment effectif. La Cour se fonde sur l’intérêt supérieur de l’enfant, qui comprend l’identification des personnes qui ont la charge de l’élever. Il est à noter que cet arrêt est le premier avis consultatif rendu par la CEDH.

* CEDH 11 avr. 2019, Guimon c/ France, n° 48798/14 (Conv. EDH, art. 8 : droit au respect à la vie privée et familiale)

Dans cette affaire, les autorités françaises avaient refusé à la détenue de se recueillir sur la dépouille de son père sous escorte en raison de ses antécédents, du contexte de sortie difficilement organisable et du fait que la détenue bénéficiait régulièrement de visites de ses proches. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la France a procédé à une juste mise en balance des intérêts entre, d’une part, le droit, pour une personne détenue pour infractions graves liées au terrorisme, au respect de sa vie familiale et, d’autre part, la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales. 

■ Autres affaires importantes de l’année 2019

CEDH 20 mai 2019, Lambert et autres c/ France, n° 21675/19

La Cour européenne des droits de l’homme a refusé à la famille de Vincent Lambert l’application immédiate des mesures provisoires réclamées par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU en l’absence d’élément nouveau. Elle avait déjà, le 30 avril 2019 (n° 21675/19), refusé de suspendre l’exécution de l’arrêt du Conseil d’État du 24 avril 2019 aux motifs que cette demande était en substance destinée à s’opposer une nouvelle fois à l’arrêt des traitements qui maintenaient le patient en vie ; demande qui avait déjà fait l’objet d’une précédente décision concluant en l’absence de violation de l’article 2 de la Convention dans l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle ordonné par le Conseil d’État (CEDH, gr. ch., 5 juin 2015, Lambert et autres c/ France, n° 46043/14 ; CE 24 juin 2014, n° 375081).

CEDH 29 avr. 2019, A. M. c/ France, n° 12148/18

Par un revirement de jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention une mesure de renvoi en Algérie d’un ressortissant algérien résidant en France et condamné pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. Désormais, la CEDH juge que « la situation générale en matière de traitement des personnes liées au terrorisme en Algérie n'empêche pas en soi l'éloignement du requérant » tandis qu’auparavant, la CEDH considérait que le renvoi d’un condamné pour terrorisme en Algérie faisait naître un risque d’actes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants (V. CEDH 1er févr. 2018, M. A. c/ France, n° 9373/15).

CEDH, gr. ch., 31 janv. 2019, Rooman c/ Belgique,  n° 18052/11

Cette affaire concernait la détention d’une personne souffrant de troubles mentaux. La Cour européenne des droits de l’homme donne une précision quant à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté et à la sûreté : la détention d’un aliéné n’est pas régulière au regard de cet article si celui-ci ne bénéficie pas de soins appropriés destinés à lui offrir une possibilité de réinsertion.

CEDH 24 janv. 2019, Cordella c/ Italie, n° 54414/13 

Sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect à la vie privée et familiale, la Cour reproche à l’Italie de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le droit à la protection de la santé de riverains victimes de la pollution environnementale générée par une aciérie, laissant suggérer une consécration d’un véritable droit à la dépollution.

Bien entendu, cette sélection arbitraire ne remplacera jamais la curiosité naturelle d’un bon étudiant en droit. Nous ne pouvons dès lors que vous recommander de parcourir le site internet de la CEDH qui surprend par son intelligibilité. Des fiches thématiques sont par exemple publiées concernant des sujets tels que la gestation pour autrui, les discours de haine ou encore la fin de vie. De la même manière, la Cour publie des guides de jurisprudence classés par article. Afin de faciliter la recherche, la Cour met à disposition des lecteurs une notice d’information « Rechercher et comprendre la jurisprudence ».

Références :

■ CEDH 20 mai 2019, Lambert et autres c/ France, n° 21675/19 

■ CEDH 30 avril 2019, Lambert et autres c/ France, n° 21675/19

■ CEDH, gr. ch., 5 juin 2015, Lambert et autres c/ France, n° 46043/14 : Dalloz Actu Étudiant, 10 juin 2015 ; AJDA 2015. 1124 ; ibid. 1732, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2015. 1625, et les obs., note F. Vialla ; ibid. 2016. 752, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2015. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse

■ CE, ass., 24 juin 2014, n° 375081 A : AJDA 2014. 1293 ; ibid. 1669 ; ibid. 1484, chron. A. Bretonneau et J. Lessi, note D. Truchet ; D. 2014. 1856, et les obs., note D. Vigneau ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; ibid. 2015. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2014. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2014. 657, concl. R. Keller ; ibid. 702, note P. Delvolvé ; RDSS 2014. 1101, note D. Thouvenin

■ CEDH 29 avr. 2019, A. M. c/ France, n° 12148/18 : D. 2019. 1319, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2019. 1764, note C. Gauthier

■ CEDH 1er févr. 2018, M. A. c/ France, n° 9373/15

■ CEDH 11 avr. 2019, Guimon c/ France, n° 48798/14 : Dalloz Actu Étudiant, 13 mai 2019, note Sabrina lavric ; AJ Famille 2019. 288, obs. M. Saulier ; AJ Pénal 2019. 340, obs. M. H-Evans

■ CEDH, gr. ch., avis consultatif, 10 avr. 2019, n° P16-2018-001 : Dalloz Actu Étudiant, 19 avr. 2019, note Merryl Hervieu ; D. 2019. 1084, note H. Fulchiron ; RTD civ. 2019. 286, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2019. 307, obs. A.-M. Leroyer ; AJ Famille 2019. 289, obs. G. Kessler

■ CEDH 28 févr. 2019, Khan c/ France, n° 12267/16 : D. 2019. 1092, note A.-B. Caire ; D. 2019. 1096, obs. K. Parrot ; AJCT 2019. 292, obs. E. Aubin

■ CEDH, gr. ch., 31 janv. 2019, Rooman c/ Belgique, n° 18052/11 : D. 2019. 524, note K. Sferlazzo-Boubli

■ CEDH 24 janv. 2019, Cordella c/ Italie, n° 54414/13 : D. 2019. 674, note S. Nadaud et J.-P. Marguénaud

 

Auteur :Cécile Crichton


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