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Mention manuscrite indiquant que la caution s’engage sur ses revenus ou ses biens : le cautionnement est nul !
La mention écrite de la main de la caution prévoyant que celle-ci s'engage sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, comme l’exige la formule légale, modifie le sens et la portée de son engagement, justifiant son annulation.
Com. 5 avril 2023, n° 21-20.905 B
Une banque avait consenti à une société un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Une personne physique s'était rendue caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt. Le contrat de cautionnement contenait une mention manuscrite distincte de celle prescrite à l’époque par la loi. En effet, l’ancien article L.341-2 du Code de la consommation prévoyait que toute personne physique s’engageant par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel devait, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite de son engagement à rembourser au prêteur les sommes dues « sur ses revenus et sur ses biens, si le débiteur principal n’y satisfaisait pas lui-même ». Or en l’espèce, la mention manuscrite prévoyait que la caution s’engageait, dans la limite d’une certaine somme dont le montant était précisé, à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus ou (au lieu de et) ses biens en cas de défaillance de la débitrice principale. La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque avait assigné en paiement la caution. Cette dernière avait alors invoqué la nullité de son cautionnement, motif pris que la mention manuscrite ne respectait pas les exigences légales imposées par le Code de la consommation. La cour d’appel condamna toutefois la caution au paiement, estimant que les altérations de la formule légale, minimes, n'avaient pas pu entacher sa compréhension du sens et de la portée du cautionnement qu’elle avait conclu. Elle en avait donc déduit que sa demande en nullité du cautionnement ne pouvait être accueillie. Le pourvoi ensuite formé par la caution est accueilli par la Cour de cassation : après avoir constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s’engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l’assiette du gage du créancier, l’arrêt attaqué ne pouvait pas retenir une telle solution.
Pour les cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, la jurisprudence a déjà appliqué la sanction légale de la nullité aux cautionnements qui ne reproduisent pas la mention prévue par le Code de la consommation (v. not., Com. 28 avril 2009, n° 08-11.616 ; Civ. 1re, 25 juin 2009, n° 07-21.506), ou qui comportent une mention dont l'altération est telle, au regard de la formule légale, qu’elle modifie la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement (v. par ex. pour l’absence de désignation du débiteur garanti, Com. 9 juill. 2019, n°17-22.626).
Toutefois, la Cour de cassation admet certains assouplissements à ce principe : la nullité ne sera pas prononcée si les imperfections peuvent être considérées comme de simples erreurs matérielles n'affectant ni le sens, ni la portée de l'engagement de la caution. A titre d’exemple, la Cour de cassation considère que l’adjonction des mots « personnel et solidaire » et la substitution aux termes « prêteur » et « créancier » du mot « banque » n’affectent ni le sens, ni la portée de la mention légale et n’entraînent pas la nullité du cautionnement (Civ.1re, 10 avril 2013, n° 12-18.544). Elle tire la même conclusion de l’ajout du mot « intérêts » et du mot « et », et des mots « des commissions, frais et accessoires », ces ajouts conduisant seulement à préciser la nature des sommes couvertes par le cautionnement, sans en modifier la limite, fixée à un certain montant (Com. 21 avr. 2022, n° 20-23.300).
Par ailleurs, certaines erreurs, sans emporter non plus la nullité du cautionnement, ont toutefois pour effet de limiter le gage du créancier ou l'étendue du cautionnement. Tel est le cas notamment lorsque la caution s'engage seulement « sur ses revenus » et non « sur ses revenus et ses biens », la Haute juridiction jugeant que cette maladresse de rédaction n'a pour conséquence que de limiter le gage du créancier aux revenus de la caution mais qu’elle n'affecte pas la validité du cautionnement (Com. 1er oct. 2013, n° 12-20.278 ; 27 mai 2014, n° 13-16.989). Elle retient la même analyse en cas d’omission du terme « intérêts » dans l’énoncé des sommes que la caution s’engage à garantir : cet oubli n’a pour conséquence que de limiter l’étendue du cautionnement au principal de la dette, sans en affecter la validité (Com. 4 nov. 2014, n° 13-24.706).
En revanche, l’alternative laissée en l’espèce au créancier par les termes de la mention litigieuse (biens OU revenus) laissaient incertains les contours exacts de l’assiette du gage du créancier, en sorte que la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement s’en trouvait altérée. D’où la censure de la Cour.
Concernant les cautionnements souscrits après le 1er janvier 2022 et donc soumis aux textes issus de l’ordonnance de la réforme du 15 septembre 2021 (Ord. n° 2021-1192), l’exigence d’une mention de la caution est désormais prévue par l’article 2297 du Code civil, qui assouplit nettement ses conditions antérieures de validité. En effet, la mention n’a plus nécessairement à être manuscrite ; elle doit seulement être apposée par la caution. Par ailleurs, la caution n’a plus à respecter un modèle légal, le texte nouveau l’obligeant simplement à indiquer « qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ».
Si la solution ici rendue est théoriquement transposable au droit nouveau, à la condition de l’adapter à cette nouvelle mention uniformisée dans le Code civil, l’assouplissement souhaité par les auteurs de la réforme devrait, en pratique, limiter les cas d’annulation du cautionnement en raison des imperfections de sa mention.
Références :
■ Com. 28 avril 2009, n° 08-11.616 P : D. 2009. 1351, obs. V. Avena-Robardet ; RTD com. 2009. 796, obs. D. Legeais.
■ Civ. 1re, 25 juin 2009, n° 07-21.506 P : D. 2009. 1820 ; ibid. 2058, chron. P. Chauvin, N. Auroy et C. Creton ; RTD com. 2009. 601, obs. D. Legeais ; ibid. 796, obs. D. Legeais.
■ Com. 9 juill. 2019, n°17-22.626 P : DAE, 30 sept. 2019, note M. Hervieu ; D. 2019. 1492.
■ Civ.1re, 10 avril 2013, n° 12-18.544 P : D. 2013. 1460, obs. V. Avena-Robardet, note J. Lasserre Capdeville et G. Piette ; ibid. 1706, obs. P. Crocq ; RDI 2013. 359, obs. H. Heugas-Darraspen.
■ Com. 21 avr. 2022, n° 20-23.300 B : D. 2022. 836 ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers.
■ Com. 1er oct. 2013, n° 12-20.278 P : DAE, 23 oct. 2013, note M. H ; D. 2014. 127, obs. V. Avena-Robardet, note M. Julienne et L. Andreu ; ibid. 2013. 2551, chron. A.-C. Le Bras, H. Guillou, F. Arbellot et J. Lecaroz ; ibid. 2014. 1610, obs. P. Crocq ; ibid. 2136, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RTD com. 2013. 791, obs. D. Legeais.
■ Com. 27 mai 2014, n° 13-16.989
■ Com. 4 nov. 2014, n° 13-24.706 P : D. 2014. 2293 ; ibid. 2015. 1810, obs. P. Crocq ; RDI 2015. 29, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJCA 2015. 33, obs. Y. Picod ; RTD civ. 2015. 182, obs. P. Crocq.
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