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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Mères voilées : précisions concernant leur participation aux activités dans les classes
Des parents qui participent à des activités qui se déroulent à l’intérieur des classes doivent porter une tenue neutre.
Deux mères d’élèves portant le voile ont demandé l’annulation de la décision de la rectrice de l'académie de Lyon qui a refusé d'intervenir pour mettre fin à la pratique se déroulant dans l’école de leurs enfants selon laquelle la participation des mères d'élèves aux activités organisées dans les classes n'est autorisée que sous la réserve qu'elles soient vêtues une tenue neutre.
Le tribunal administratif comme la cour administrative d’appel ont rejeté leur demande.
La cour administrative d’appel rappelle que « Le principe de laïcité de l'enseignement public, qui est un élément de la laïcité de l'État et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves. »
Elle précise que « Ce même principe impose également que, quelle que soit la qualité en laquelle elles interviennent, les personnes qui, à l'intérieur des locaux scolaires, participent à des activités assimilables à celles des personnels enseignants, soient astreintes aux mêmes exigences de neutralité. »
Ainsi, l'exigence de neutralité imposée aux parents d'élèves s’applique lorsqu’ils participent à des activités qui se déroulent à l'intérieur des classes et dans le cadre desquelles ils exercent des fonctions similaires à celles des enseignants. Seuls les parents concernés par l'exigence d'arborer une tenue neutre rappelée par la décision de la rectrice de l'académie de Lyon sont ceux qui, à l'intérieur des classes de l'école participent à des activités assimilables à des activités d'enseignement. La décision rectorale n’est donc pas illégale.
Cette décision permet de rappeler le « flou existant » concernant la tenue des parents d’élèves qui participent à des sorties et voyages scolaires. Des mères portant le voile (ou des pères arborant barbes et tenues) participent alors tant à la surveillance des élèves qu'à l'action éducatrice.
Un jugement a pu affirmer que «si les parents d'élèves participant au service public d'éducation bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur leur religion ou sur leurs opinions, le principe de neutralité de l'école laïque interdit qu'ils manifestent, dans le cadre de l'accompagnement d'une sortie scolaire, par leur tenue ou par leur propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques» (TA Montreuil, 22 nov. 2011, n° 1012015).
En 2012, la circulaire de rentrée recommandait d'utiliser le règlement intérieur pour empêcher que les parents d'élèves «manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires» (BOEN 2012, n° 13). Certains ont pu alors considérer que cette participation à une mission de l'école imposait aux parents les obligations pesant sur les agents publics, notamment en matière religieuse.
Au contraire, dans un avis du 23 décembre 2013, le Conseil d'État affirmait que les mères voilées accompagnant des sorties scolaires n'étant ni des agents ni des collaborateurs du service public ne sont pas soumises, par principe, à la neutralité religieuse. Les parents d'élèves sont, comme les élèves, des usagers du service public.
En 2015, il a été jugé que les parents d'élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leurs enfants doivent être regardés comme des usagers du service public de l'éducation; les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent alors résulter que de dispositions législatives ou réglementaires ou de considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service qu'il convient à l'autorité d'établir (TA Nice, 9 juin 2015, n° 1305386: annulant le refus d'accompagner une sortie scolaire pour erreur de droit, en l'absence d'une quelconque disposition législative ou réglementaire, notamment d'une disposition du règlement intérieur, les considérations de maintien de l'ordre public et de bon fonctionnement du service public, invoquées par le recteur, n'étant pas établies pour justifier légalement le refus opposé).
En revanche, pour les parents des élèves du privé, «rien n'interdit aux établissements sous contrat d'association avec l'État d'étendre la prohibition des signes religieux ostensibles, dans le cadre de leur caractère propre» (TGI Tarbes, 23 déc. 2014, no 14/00278).
Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l'éducation peuvent conduire l'autorité compétente, s'agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires dans l’enseignement public, à recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses (CE, étude demandée par le Défenseur des droits, 19 déc. 2013).
Ainsi, pour les sorties et voyages scolaires la question est donc traitée au cas par cas, au regard du bon fonctionnement du service public (qui a besoin du concours des parents) et de l'ordre public (la question du voile porté par les mères notamment pouvant provoquer des troubles).
Cette solution entraîne des différences peu compréhensibles d'une école à l'autre. Une clarification aurait été la bienvenue. Lors du vote de la loi pour une école de la confiance (21 mai 2019), le Sénat avait étendu aux sorties scolaires organisées par les établissements et aux personnes concourant au service public de l’éducation, l’interdiction actuellement faite aux élèves de porter des signes ou tenues par lesquels se manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. Toutefois, lors de l’examen de la loi en commission mixte paritaire (13 juin 2019), cet amendement voté par le Sénat n’a pas été retenu.
CAA Lyon 23 juillet 2019, n° 17LY04351
Références
■ TA Montreuil, 22 nov. 2011, n° 1012015 : Dalloz Actu Étudiant, 14 déc. 2011 ; AJDA 2012. 163, note S. Hennette-Vauchez ; ibid. 2011. 2319 ; D. 2012. 72, obs. M.-C. de Montecler, note A.-L. Girard ; JA 2012, n° 451, p. 13, obs. S.Z.-D. ; AJCT 2012. 105, obs. P. Rouquet.
■ TA Nice, 9 juin 2015, n° 1305386 : AJDA 2015. 1125 ; ibid. 1933, note C. Brice-Delajoux ; AJCT 2015. 544, obs. P. Rouquet
■ TGI Tarbes, 23 déc. 2014, no 14/00278.
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