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[ 12 mars 2025 ] Imprimer

Droit pénal général

Méthode de la neutralisation des délits d’entrave et de dénonciation calomnieuse par la liberté d’expression

L’invocation de la liberté d’expression pour échapper à la répression pénale a le vent en poupe ces dernières années, poussant la Cour de cassation à affiner le contrôle de proportionnalité qu’elle a mis en place et à faire preuve d’une pédagogie bienvenue dans la méthode à mettre en œuvre. Cette pédagogie est bien illustrée dans deux arrêts du 8 janvier 2025.

Crim. 8 janv. 2025, n° 23-84.535 (arrêt 1) et n° 23-80.226 (arrêt 2)

Dans la première affaire, un individu mécontent des rapports de deux experts, adresse différents courriers au président du conseil national des compagnies d’expert de justice afin de signaler les agissements des deux experts « manifestement parjures et corrompus », qui auraient agi de « façon occulte » et « sous influence » pour produire des rapports « intentionnellement frelatés » (§2 arrêt 1). Poursuivi pour harcèlement moral, il est condamné par le tribunal correction en 2020, après requalification des faits par le tribunal en dénonciation calomnieuse. Le prévenu et le ministère public interjettent appel et la cour d’appel confirme le jugement correctionnel. Le prévenu, condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 € d’amende, dont 4 000 € avec sursis, se pourvoit en cassation.

Dans la seconde affaire, plusieurs manifestations sont organisées dans une gare et un aéroport, afin de manifester pour le respect des droits des personnes handicapées. Lors des deux manifestations, la voie ferrée et les bordures de pistes d’aéroport sont bloquées, ce qui occasionne de nombreux retards ou annulation de voyage, portant préjudice à des centaines de passagers. Certains de ces manifestants sont alors poursuivis pour entrave à la circulation d’un train (art. L. 2242-4 4 Code des transports) ou entrave à la circulation d’un aéronef (artL. 6372-4 4° et L. 6100-1 Code des transports). Condamnés en première instance, les prévenus interjettent appel, tout comme le ministère public. La cour d’appel valide les condamnations à différentes amendes avec sursis et les prévenus forment un pourvoi en cassation.

Dans les deux affaires, les requérants estiment que leur condamnation pénale constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH). Ainsi, la question est de savoir si l’application de l’infraction constitue une atteinte à la liberté d’expression. Il ne s’agit donc pas de vérifier si le comportement de l’auteur est justifié mais si la répression pénale l’est.

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation poursuit l’application de son contrôle de proportionnalité et précise, de manière assez pédagogique, la méthode à employer : « il appartient au juge, après s’être assuré, dans l’affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine ». Dans les deux affaires, la Cour de cassation valide le raisonnement des cours d’appel, considérant ainsi qu’il n’y a pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’expression des requérants et rejetant leur pourvoi. La méthode à suivre est claire : il s’agit ainsi pour le juge, lorsqu’il exerce le contrôle de proportionnalité, de vérifier son applicabilité (I) puis son application (II), ce que la Cour de cassation vient préciser tant pour le délit d’entrave que pour celui de dénonciation calomnieuse.

I- L’applicabilité du contrôle de proportionnalité

Afin de pouvoir procéder au contrôle de proportionnalité, il faut au préalable que celui-ci ait vocation à s’appliquer. Dans les deux arrêts du 8 janvier 2025, la Cour de cassation rappelle en effet que le juge doit d’abord s’assurer « dans l’affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général » (§15 arrêt 1 et §12 arrêt 2). Il faut donc que le sujet soit d’intérêt général (A) et qu’il soit directement lié au comportement incriminé, autrement dit qu’il soit en conflit avec un autre intérêt de même valeur normative (B).

              A- L’exigence d’un sujet d’intérêt général

Lorsqu’une atteinte à la liberté d’expression est invoquée, la Cour de cassation rappelle que le juge pénal doit d’abord s’assurer qu’elle a bien vocation à s’appliquer, autrement dit que le comportement de l’auteur de l’infraction entre bien dans le champ d’application de la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général. Cela suppose ainsi que le comportement soit une expression et que cette expression porte sur un sujet d’intérêt général.

D’une part, le comportement doit être une « expression » au sens de l’article 10 de la Conv. EDH. Elle est entendue très largement, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estimant que « les idées ou les opinions d’une personne peuvent s’exprimer à travers des conduites ou des comportements » ou « des modes d’expression artistique » comme l’art ou la création (CEDH, 13 oct. 2022, Bouton c. France, n° 22636/19 ; DAE 15 nov. 2022, note Catherine Ménabé). La CEDH a même eu l’occasion de considérer que la nudité est une forme d’expression (CEDH, 28 oct. 2014, Gough c. Royaume-Uni, n° 49327/11, §150). Ainsi, l’expression protégée par la liberté d’expression englobe les actes d’expression stricto sensu mais également les actes qui contribuent à cette liberté d’expression (J-C. Saint-Pau, « La liberté d’expression, cause de neutralisation de la répression pénale », in Mélanges en l’honneur du Professeur Philippe Conte, LexisNexis, 2023, p. 775).

La Cour de cassation devait donc vérifier si la manifestation pacifique et la dénonciation calomnieuse pouvaient être qualifiées d’expression. La première ne pose pas de difficulté particulière, la CEDH ayant précisé que la manifestation pacifique intègre le champ d’application de la liberté d’expression, inséparable dans cette hypothèse de la liberté de réunion (CEDH, 3 févr. 2009, Women on waves et autres c. Portugal, n° 31276/05, §28). La Cour de cassation estime ainsi que les manifestations pacifiques « peuvent être considérées comme une expression au sens de l’article 10 » de la Convention (§23 arrêt 2). La situation est en revanche différente s’agissant de la dénonciation calomnieuse. En effet, la Cour de cassation avait un temps considéré que la dénonciation calomnieuse ne pouvait pas être justifiée par la liberté d’expression (Crim. 12 av. 2016, n° 14-87.124) mais, la Cour européenne ayant par la suite considéré que la dénonciation calomnieuse réprimée par l’article 226-10 du Code pénal français constituait une ingérence dans la liberté d’expression, justifiée par la nécessité d’assurer la protection de la réputation d’autrui (CEDH, 26 mars 2020, Tête c. France, n° 59636/16), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence pour s’aligner sur la jurisprudence européenne. La dénonciation calomnieuse entre ainsi dans le domaine de l’expression protégée par l’article 10 de la Convention (C. le Roux et F. Rousseau, « Liberté d’expression et contrôle de proportionnalité de la répression : encore et toujours », JCP G., n° 7, 2025, act. 223).

D’autre part, l’expression doit entrer dans un débat d’intérêt général pour que l’on puisse se poser la question de la légitimité de la répression. La Cour de cassation est formelle sur ce point et précise dans les deux arrêts qu’il faut « un lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général » (§15 arrêt 1 et §12 arrêt 2). S’agissant de la dénonciation calomnieuse, elle retient le sujet d’intérêt général dans la mesure où les propos « mettaient en cause la probité d’experts judiciaires » (§27 arrêt 1). C’est dire ici qu’il y a intérêt général en raison de la profession des personnes visées par la dénonciation, de sorte que l’on pourrait avoir une solution inverse lorsque la personne visée occupe une profession plus anonyme, en tout cas qui n’intéresse pas le public, sauf à ce que « le droit d’informer le public » de façon générale suffise à caractériser un sujet d’intérêt général, quelle que soit la personne visée par les propos. S’agissant de l’entrave à la circulation d’un train ou d’un aéronef, les manifestations portaient sur la situation et le respect des droits des personnes en situation de handicap ce qui, là encore, constitue un sujet d’intérêt général (§23 arrêt 2).

              B- L’exigence d’un conflit entre intérêts de même valeur normative

Pour procéder au contrôle de proportionnalité, la Cour de cassation exige qu’il y ait « un lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général » (§15 arrêt 1 et §12 arrêt 2). Cela suppose alors qu’il y ait un lien conflictuel entre le comportement incriminé et la liberté d’expression, autrement dit que l’incrimination, en protégeant une valeur, entre en conflit avec la liberté d’expression, le contrôle de proportionnalité ayant pour objet de déterminer laquelle doit prévaloir. Or, pour qu’il y ait véritablement conflit, il faut nécessairement raisonner sur deux intérêts de même valeur car en présence d’un intérêt supérieur à un autre, le conflit se résout par référence à la hiérarchie des normes et pas par un contrôle de proportionnalité (J-C. Saint-Pau, préc., p.778). La nécessité de deux intérêts de même valeur normative ressort d’ailleurs assez clairement dans la décision de la Cour de cassation relative à la dénonciation calomnieuse (§17 arrêt 1). Cela suppose alors d’identifier l’intérêt ou la valeur en conflit avec la liberté d’expression, ce qui doit se faire par référence à la valeur protégée par l’infraction.

Ainsi, s’agissant de la dénonciation calomnieuse, la Cour de cassation prend appui sur la jurisprudence de la CEDH pour considérer que l’infraction protège la vie privée de l’individu visé par la dénonciation (§16 arrêt 1, CEDH, 7 févr. 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, n° 39954/08) avant d’expliquer que « le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher, en cas de conflit, un juste équilibre entre ces deux droits » (§17 arrêt 1). De la même manière, quoi que plus implicitement, la Cour de cassation identifie la valeur en conflit avec la liberté d’expression en cas d’entrave à la circulation d’un train (art. L.2242-4 4 Code des transports) ou d’un aéronef (Art. L. 6372-4 4° et L. 6100-1 Code des transports). La Cour de cassation relève en effet que les juges du fond ont estimé que les différentes incriminations ont « pour finalité de réprimer des comportements qui portent notamment atteinte à la liberté de circulation » (§19 arrêt 2). Dans les deux cas, c’est donc par rapport à la valeur protégée par l’infraction que la Cour de cassation raisonne pour établir les termes du conflit.

Or, elle n’a pas toujours procédé ainsi, en témoigne l’arrêt du 9 janvier 2019. En l’espèce, une Femen ayant procédé à une opération choc au sein d’une église, au cours de laquelle elle avait notamment dénudé sa poitrine, est condamnée pour exhibition sexuelle. En procédant au contrôle de proportionnalité, la Cour de cassation a considéré que « la décision n’a pas porté une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’intéressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour autrui, reconnu par l’article 9 de la Conv. EDH, de ne pas être troublé dans la pratique de sa religion » (Crim. 9 janv. 2019, n° 17-81.618 DAE 13 févr. 2019, note Chloé Liévaux). Or, l’infraction d’exhibition sexuelle ne protège aucunement la liberté de religion mais bien plutôt les bonnes mœurs ou la pudeur publique, par rapport auxquelles le contrôle aurait ainsi dû être exercé (V. Malabat, Rev. pénit., 2019-3 ; P. Conte, Dr. pén., 2019, comm. 61 ; J.C. Saint-Pau, Rev. pénit., 2019, p. 403). La Cour européenne a elle aussi relevé l’erreur commise et a précisé que « les juridictions internes n’avaient pas, eu égard à l’objet de l’incrimination en cause, à procéder à la mise en balance entre la liberté d’expression revendiquée par la requérante et le droit à la liberté de conscience et de religion protégé par l’article 9 de la Convention » (CEDH, Bouton c. France, préc., §60). Dans les deux arrêts du 8 janvier 2025, la Cour de cassation revient à plus de rigueur en mettant en balance la liberté d’expression avec l’intérêt protégé par chaque infraction afin de procéder à l’application du contrôle de proportionnalité.

II- L’application du contrôle de proportionnalité

Une fois les termes du conflit établi, l’on peut donc passer à l’application du contrôle de proportionnalité. À cet égard, la Cour de cassation rappelle que le juge pénal doit « vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine » (§15 arrêt 1 et §12 arrêt 2). Pour que la répression soit justifiée, il faut ainsi que la condamnation (A) et la peine (B) soient proportionnées à l’atteinte à la liberté d’expression.

              A- Le contrôle de la proportionnalité de la condamnation

La Cour de cassation précise qu’il faut d’abord « vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité » (Ibid). Autrement dit, le juge pénal doit s’assurer que le principe même d’une condamnation, peu importe la peine effectivement prononcée, est une atteinte proportionnée à la liberté d’expression. Ce contrôle de proportionnalité doit reposer sur une appréciation in concreto de différents éléments, notamment « les circonstances de fait, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé » (Ibid). Ce sont donc les circonstances concrètes de réalisation de l’infraction qui permettent au juge pénal de vérifier si la condamnation est proportionnée ou non (P.-F. Laslier, « Neutralisation de la répression par la liberté d’expression : de nouvelles indications méthodologiques pour les juges du fond », Lexbase pénal, 29 janvier 2025). Il s’agit donc de s’assurer de la nécessité de la répression, en vérifiant si le comportement de l’individu est suffisamment grave pour dépasser les limites de la liberté d’expression. Cette indication générale posée, dans chacun de ses deux arrêts, la Cour de cassation s’attache ensuite à préciser ce que cela signifie pour l’infraction en cause.

D’une part, s’agissant de l’infraction de dénonciation calomnieuse, la Cour de cassation précise que l’ingérence dans la liberté d’expression doit être appréciée en prenant en compte « la nature et la forme des propos poursuivis, le contexte de leur expression ou de leur diffusion, la gravité des accusations, ainsi que leurs conséquences pour les personnes visées » (§20 arrêt 1). Pour vérifier la proportionnalité de la condamnation, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a constaté que, malgré l’absence de diffusion publique des propos, ces derniers « portaient sur des accusations graves, dénuées de fondement et formulés sans nuance » (§29 arrêt 1), de sorte qu’ils étaient de nature à porter atteinte à la réputation professionnelle des individus visés. La gravité du comportement en cause est renforcée par le fait que le prévenu avait déjà été sanctionné civilement pour procédure abusive à l’encontre de l’un des deux experts. Pour la Cour de cassation, cela suffit pour considérer que le comportement de l’individu dépasse les limites de la liberté d’expression et, ainsi que la condamnation est proportionnée.

D’autre part, s’agissant de l’infraction d’entrave, la Cour de cassation s’appuie sur la Cour européenne et distingue entre manifestation pacifique et manifestation violente, la seconde pouvant justifier « l’imposition de sanctions, y compris de nature pénale » (§ 15 arrêt 2CEDH, 15 oct. 2015, Kudrevicius et autres c. Lituanie, n° 37553/05, §173). En cas de manifestation pacifique, « il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance » (Ibid, CEDH, Krudrevicius préc., §150). Ce n’est pas dire pour autant que la sanction pénale d’une manifestation pacifique serait par nature disproportionnée et la Cour de cassation précise que dans cette situation, « la proportionnalité de l’ingérence dans la liberté d’expression, interprétée à la lumière de la liberté de réunion » doit reposer sur le contrôle notamment du « contexte de la manifestation, du lien direct entre les modalités d’action et l’objet de la contestation, la gravité des faits poursuivis, le comportement des manifestants, l’ampleur des perturbations, les risques et le préjudice causés »  (§16 arrêt 2). De façon plus originale, la Cour de cassation s’appuie également sur un autre point : « le comportement des autorités avant, pendant et après la manifestation, dont les conditions d’une éventuelle interpellation ainsi que les modalités des poursuites » (Ibid). Si cet élément d’appréciation a pu interpeller (C. le Roux et F. Rousseau, « Liberté d’expression et contrôle de proportionnalité de la répression : encore et toujours », préc. : « comment le comportement des autorités après la manifestation, alors que le délit d’entrave à la circulation a déjà été commis, pourrait-il justifier celui-ci alors même qu’il a déjà été commis ? Pour le dire autrement, en quoi le comportement des autorités tel que l’absence de mesure de coercition pourrait-il rétroactivement participer du caractère proportionné du comportement incriminé ? »), il démontre que le contrôle de proportionnalité n’a pas pour objectif de démontrer que l’infraction est justifiée – ce qui induirait alors l’existence d’un fait justificatif pour lequel en effet la prise en compte d’une intervention postérieure des autorités ne serait pas pertinente – mais qu’il a pour objectif de démontrer que la répression n’est pas injustifiée (P. Rousseau, « Infraction justifiée ou répression injustifiée : une possible dualité de mécanismes de légitimation », Dr. pén., n° 4, 2022, étude 8. Dans le même sens v. X. Pin, « Légitimation des infractions expressives : neutralisation de l’incrimination ou atténuation de peine ? C’est selon … », RSC 2022, p. 817 ; E. Dreyer, « La convention européenne des droits de l’Homme comme cause d’irresponsabilité pénale », RSC 2023, p. 124). Au-delà de la condamnation, c’est ainsi plus largement les « mesures, modes de poursuite et de sanctions adoptées dans le cadre de la procédure pénale » (P.-F. Laslier, préc.) qui doivent être proportionnées à l’atteinte à la liberté d’expression.

Forte de ces précisions, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a constaté que, malgré l’absence de violence et de dégradations par les manifestants, leur présence sur une voie de chemin de fer ou en bordure de pistes d’aéroport a entraîné blocages et retards des moyens de transport, « entraînant des préjudices certains pour les usagers et les compagnies de transport » (§25 arrêt 2). De surcroît, « le comportement des autorités, pendant et après les manifestations » (Ibid.) ayant été dépourvu de coercition, la réaction pénale est jugée proportionnée.

              B- Le contrôle de la proportionnalité de la peine

Le dernier pan du contrôle à effectuer porte sur la proportionnalité de la peine, ce qui ne peut se faire que si l’on a conclu que la condamnation en elle-même était proportionnée. Cela signifie que les deux éléments s’apprécient de façon distincte, de sorte que la proportionnalité de la condamnation n’emporte pas ipso facto la proportionnalité de la peine. Cette dernière peut ainsi être disproportionnée et c’est la dernière étape du contrôle du juge pénal.

S’agissant de la peine prononcée pour dénonciation calomnieuse, la Cour de cassation constate que la cour d’appel a prononcé « une peine d’emprisonnement avec sursis et une peine d’amende partiellement assortie du sursis en prenant en compte la gravité des faits, les éléments de personnalité et les antécédents judiciaires du prévenu » (§30 arrêt 1). De la même manière, les différentes peines prononcées pour les infractions d’entrave étaient « des peines d’amende en totalité ou en partie assorties du sursis » (§25 arrêt 2). Dans les deux cas, la Cour de cassation estime que les peines sont proportionnées. Il semble que le sursis partiel assorti aux différentes amendes ait joué un rôle important dans l’appréciation de la Cour, tout comme le sursis assorti à la peine d’emprisonnement, la CEDH ayant récemment rappelé qu’une peine privative de liberté infligée dans le cadre d’un débat politique ou d’intérêt général n’est compatible avec l’article 10 de la Convention que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque d’autres droits fondamentaux ont été gravement atteints comme dans l’hypothèse, par exemple, de la diffusion d’un discours de haine ou d’incitation à la violence » (CEDH, Bouton c. France, préc., §53). Le sursis étant retenu à la fois pour la peine privative de liberté que pour les peines d’amende, la Cour de cassation en conclut que les peines sont proportionnées.

 

Auteur :Barbara Drevet

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