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Droit des obligations
Ne peut vendre au plus offrant celui déjà lié par une offre d’achat acceptée au prix proposé
L’acceptation d’une proposition d'achat indiquant expressément le bien et le prix proposés suffit à former la vente, nonobstant l’indétermination des modalités de paiement du prix ; parfaite, la vente ainsi formée rend impossible la rétractation ultérieure des vendeurs.
Civ. 3e, 16 mars 2022, n° 21-10-586
Le présent arrêt contribue à définir la frontière entre les pourparlers, qui ne permettent pas encore de constater la formation du contrat, et l’accord de volontés résultant de la rencontre d’une offre et d’une acceptation qui, en revanche, conduit à ce résultat.
Un couple avait accepté la proposition d’achat d’un bien immobilier au prix de 735 000 euros. Cette offre d’achat indiquait la chose à vendre (une maison et son terrain) et le prix proposé, payé comptant sans concours bancaire. Après leur acceptation, le couple s’était rétracté au profit d'un acquéreur plus offrant. Estimant la vente parfaite, les auteurs de l’offre avaient assigné les vendeurs en réparation de leur préjudice. La cour d’appel rejeta leur demande au motif que leur offre étant restée imprécise quant aux formalités de réalisation de la vente et aux modalités de paiement du prix, son acceptation n’avait fait qu’établir que les parties en étaient au stade des pourparlers, qu’elles entendaient ainsi simplement poursuivre. Devant la Cour de cassation, les offrants reprochaient à la cour d’appel d’avoir dénaturé leur proposition d’achat, laquelle indiquait expressément les deux éléments essentiels du contrat proposé, à savoir le bien qui en était l’objet et le prix de son acquisition ; en s’étant contentée de déduire de la mention « bon pour acceptation de l'offre » stipulée dans la proposition d’achat que les parties n’en étaient qu’au stade des négociations, la cour d'appel aurait ainsi violé l'article 1583 du code civil en vertu duquel la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». L’arrêt est cassé au visa de ce texte. Indiquant expressément la chose à vendre et le prix proposé, la proposition d’achat, contresignée par les vendeurs qui y avaient ajouté la mention manuscrite « lu et approuvé, bon pour acceptation de l'offre », avait ainsi été acceptée, sans équivocité. Dès lors que l’accord des parties sur la chose et sur le prix s’inférait clairement de l’acte, rendant ainsi la vente parfaite, la mention manuscrite stipulée dans l’offre ne pouvait être interprétée comme une simple acceptation des parties à poursuivre les négociations, mais bien comme l’intention des vendeurs d’être liés par les termes de l’offre.
Il n’y a qu’en l’absence d’accord des volontés sur les éléments essentiels du contrat négocié que le juge peut à bon droit considérer que les parties n’en sont qu’au stade des pourparlers. Inhérentes aux pourparlers, les négociations engagées à propos du contrat projeté visent précisément à obtenir cet accord. En cas de vente négociée, l’absence de lien contractuel entre les partenaires à la négociation, qui n’entendent pas encore s’engager, rend l’exigence de détermination d’un prix, à ce stade précontractuel, indifférente, cet élément du contrat faisant l’objet, entre autres, des négociations entamées. Au contraire, l’offre de contrat doit indiquer les éléments essentiels du contrat proposé. Ainsi, dans une offre d’achat, le pollicitant doit-il préciser les caractéristiques de la chose vendue ainsi que son prix (C. civ., art. 1114). La référence à ces éléments essentiels du contrat de vente répond à l’exigence de précision de l’offre de contrat. Pour la juger insatisfaite et réfuter en conséquence la qualification d’offre d’achat ainsi que la perfection de la vente postérieure à son acceptation, la cour d’appel avait à tort accru l’exigence de précision de l’offre : retenant que les modalités de paiement du prix d’achat ainsi que les formalités ultérieures à la réalisation de la vente restaient indéterminées, elle en avait déduit que les parties n'avaient pas dépassé le stade des pourparlers, et que la vente n’était donc pas conclue. Or l’exigence de précision d’une offre de contrat ne s’étend pas à l’indication des modalités accessoires du contrat proposé. Seule l’indication de ses éléments essentiels est requise. Ainsi, en l’espèce, la précision de l’offre d’achat était d’évidence satisfaite par l’indication du bien objet de la vente et du montant exactement chiffré du prix d’acquisition. Elle n’impliquait pas, à ce stade de la formation du contrat, l’indication des modes de paiement du prix, dès lors que celui-ci était précisément mentionné, ni des formalités ultérieures nécessaires à la réalisation de la vente. Ainsi que l’affirme l’article 1583 du code civil, la vente est parfaite du seul accord des parties sur la chose et sur le prix. L’entente sur ces deux éléments essentiels suffit. Accessoires, les éléments autres que la chose et le prix n’ont pas à être déterminés dans l’offre. C’est le cas ici rappelé des modalités de paiement (v. déjà, à propos d’une promesse de vente, Civ. 3e, 3 mai 2018, n° 17-15.258) : leur absence de détermination n’entrave pas la perfection de la vente, sauf à ce que les parties aient expressément érigé ces modalités accessoires du contrat en éléments essentiels de leur consentement (Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-18.156 ; Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-20.904), ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Suffisamment précise et valablement acceptée, l’offre en l’espèce émise avait ainsi donné naissance à la formation d’une vente dont la perfection empêchait toute rétractation ultérieure des vendeurs.
Références :
■ Civ. 3e, 3 mai 2018, n° 17-15.258 : DAE, 5 juin 2018, note Merryl Hervieu, D. 2019. 279, obs. M. Mekki ; AJDI 2019. 151, obs. F. Cohet
■ Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-18.156 :
■ Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-20.904 : D. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2017. 787
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