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Droit des obligations
Nouvelles règles de prescription de l’action en garantie des vices cachés : application à une chaîne homogène de contrats
Dans le cadre d’une chaîne homogène de contrats, la Cour de cassation confirme les nouvelles règles de prescription, dégagées par la chambre mixte le 21 juillet dernier, pour agir en garantie des vices cachés.
Civ. 3e, 21 mars 2024, n° 22-22.967 et 22-23.968
Cette action doit être exercée par l’acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, courant à compter de la découverte du vice, ou, en matière d’action récursoire du vendeur intermédiaire, de l’assignation principale, sans pouvoir excéder un délai butoir de vingt ans suivant la date de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
Le 1er avril 2011, après avoir acquis par adjudication un ensemble immobilier détenu par un particulier, une société commerciale avait vendu l’un de ses lots à un couple d’acquéreurs qui l’avait revendu, le 9 février 2017, à un autre couple d’acheteurs. Se plaignant d’un vice caché, les sous-acquéreurs avaient assigné, les 4, 6, 11 et 12 janvier 2021, l’ensemble des maillons de la chaîne contractuelle aux fins de remise aux normes du bien. Par conclusions délivrées le 7 octobre 2021, le couple de revendeurs avait quant à lui formé, sur le même fondement de la garantie des vices cachés, une action récursoire contre la société venderesse. Celle-ci leur avait opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action récursoire. La cour d’appel ayant rejeté sa fin de non-recevoir, la société s’était pourvue en cassation, arguant du concours de la prescription quinquennale du code de commerce (C. com., art. L. 110-4) avec le délai biennal de l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil. Elle opposait ainsi la prescription de l’action récursoire introduite à son encontre, au moyen que le délai butoir de l’article L. 110-4 du Code de commerce était arrivé à expiration, plus de cinq ans s’étant écoulés depuis la vente initiale. En d’autres termes, elle invoquait l’application d’un double délai de prescription de l’action en garantie consacré par la jurisprudence antérieure aux quatre arrêts de chambre mixte rendus le 21 juillet 2023, par lesquels la Cour a renoncé à enfermer le délai biennal dans celui quinquennal du code de commerce (C. com., art. L. 110-4) qui ne peut donc plus, depuis lors, jouer le rôle d’un délai butoir à compter de la vente (Ch. mixte, 21 juill. 2023, nos 20-10.763 B, 21-15.809 B, 21-17.789 B et 21-19.936 B, DAE, 22 sept.2023, note Merryl Hervieu). Certes, pendant longtemps, dans les ventes commerciales ou mixtes, il était jugé, y compris postérieurement à la loi du 17 juin 2008, que l’acquéreur devait non seulement agir dans le délai de deux ans de l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil, à compter de la découverte du vice, mais encore dans le délai de cinq ans de l’article L. 110-4 du Code de commerce. Appliquant cet ancien concours prétorien au litige, la demanderesse au pourvoi soutenait alors que ses acheteurs ayant acquis le bien le 1er avril 2011 et exercé leur action en garantie par conclusions notifiées le 7 octobre 2021 (soit le lendemain du jour de l’assignation des acquéreurs), le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce avait été suspendu jusqu'à cette date. À son sens, leur action récursoire avait donc été exercée plus de cinq ans après la vente initiale et se trouverait en conséquence prescrite. Logiquement, cette thèse n’emporte pas l’adhésion de la troisième chambre civile, qui applique au litige les nouvelles règles de prescription établies par la chambre mixte, ayant notamment conduit à évincer le délai commercial de prescription. Ce dernier lui avait semblé inapproprié en ce qu’en l’absence de précision textuelle quant à son point de départ, celui prévu par le droit commun (C. civ. art. 2224) retrouvait matière à s’appliquer si bien que le délai de cinq ans et le délai de deux ans commenceraient tous deux à courir à compter du même jour, soit celui de la connaissance du vice par l’acquéreur, privant alors le délai butoir de tout intérêt. Raison pour laquelle la chambre mixte a finalement reconnu que les délais de prescription de droit commun (C. civ., art. 2224 en matière civile et C. com., art. L. 110-4 en matière commerciale) ne pouvaient plus venir encadrer le délai de deux ans pour agir en garantie des vices cachés. Poursuivant son analyse, elle a ensuite considéré que seul le délai de vingt ans de l’article 2232 du Code civil constitue le délai butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées. Dès lors, le délai de deux ans est lui-même enfermé dans un délai de vingt ans à compter de la naissance du droit qui correspond, en matière de garantie des vices cachés, au « jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ». Ce que confirme ici la Cour par renvoi (pts 9 et 16). Il en résulte notamment que l’action récursoire du vendeur intermédiaire se prescrit par deux ans à compter de l’assignation principale de l’acquéreur, sans pouvoir excéder un délai de vingt ans suivant la vente à l’origine de la garantie invoquée au soutien de l’action récursoire (v. Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-19.936). Or en l’espèce, la cour d'appel a constaté que la vente à l'origine de la garantie invoquée au soutien de l'action récursoire avait été conclue par la société le 1er avril 2011. Il en résultait que cette action, intentée le 7 octobre 2021 à l'encontre de la demanderesse, soit moins de vingt ans après cette vente, était recevable. Par ce motif de pur droit, la Cour confirme la recevabilité de l’action récursoire jugée en appel.
La décision des juges du fond est toutefois censurée concernant la prescription de l’action directe en garantie des vices cachés formée par les acquéreurs contre cette même société. Pour déclarer leur action prescrite, l'arrêt a retenu que cette action était soumise au délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du Code de commerce, courant à compter de la date de la vente initiale, soit le 1er avril 2011, qu'aucun événement interruptif ou suspensif de prescription n'était intervenu avant le 1er avril 2016, de sorte que, bien qu'initiée avant la forclusion édictée à l'article 1648 du Code civil, l'action formée devant le juge des référés le 17 mai 2019, intentée plus de cinq années après le 1er avril 2011, était prescrite. Au visa des articles 1648, alinéa 1er, et 2232, alinéa 1er, du Code civil, la Cour de cassation condamne naturellement cette analyse, dès lors que l’article L.110-4 du Code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir. Or il résulte de l’éviction du concours de la prescription en matière commerciale et de l’encadrement de l’action en garantie des vices cachés par le seul délai butoir vicennal que l’action directe de l’acquéreur contre le vendeur initial se prescrit par un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans suivant la vente initiale du bien (préc. n° 21-17.789) lequel n’était pas encore, au cas d’espèce, écoulé.
Référence :
■ Ch. mixte 21 juill. 2023, nos 20-10.763 B, 21-15.809 B, 21-17.789 B et 21-19.936 B : DAE, 22 sept.2023, note Merryl Hervieu, D. 2023. 1728, note T. Genicon ; AJDI 2023. 788, obs. D. Houtcieff ; RDI 2023. 539, obs. C. Charbonneau et J.-P. Tricoire ; RTD civ. 2023. 638, obs. H. Barbier ; ibid. 914, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2023. 714, obs. B. Bouloc
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