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Droit des obligations
Obligation contractuelle de moyens du médecin dans ses prescriptions
Mots-clefs : Obligation de moyen, Prescription médicale, Faute, Dommage, Lien de causalité (direct)
Le médecin est tenu d'une obligation contractuelle de moyens dans ses prescriptions, qui peut se cumuler avec la faute du pharmacien, en lien direct avec le dommage causé.
Un nourrisson malade s'était vu prescrire un traitement par un médecin. Le pharmacien avait par erreur délivré des doses cinq fois plus fortes que ce qui était prescrit. L'enfant avait été ensuite victime d'une intoxication. Ses parents obtinrent la condamnation du pharmacien (qui ne fera pas l'objet d'une analyse en l'espèce, tant celle-ci était logique) ainsi que du médecin.
Or, ce dernier reprochait justement à la cour d'appel de l'avoir condamné, alors que, selon lui, elle aurait dû constater que l'intoxication du nourrisson avait été directement et exclusivement causée par l'erreur de dosage du pharmacien.
L'expertise menée à la demande de la cour d'appel démontrait que le médicament prescrit ne constituait plus un traitement de référence depuis de nombreuses années, en raison des risques pour la santé qu'il comportait. De plus, l'ordonnance du médecin ne contenait aucune indication quant au poids et à l'âge du patient, ce qui avait eu un lien de causalité avec la faute du pharmacien, en ne le mettant pas en mesure de délivrer le dosage approprié à la morphologie du patient.
Dans le droit de la responsabilité médicale, le médecin est tenu à une obligation de moyens envers la personne qu'il accepte de soigner. C’est-à-dire qu'il s'engage à mettre tout en œuvre pour lui délivrer des soins « consciencieux, attentifs et diligents », mais ne peut évidemment pas garantir un résultat certain, en raison des incertitudes scientifiques et médicales (Civ. 1re, 14 oct 2010). C'est pourquoi la jurisprudence a refusé d'orienter le régime de la responsabilité médicale vers une obligation de résultat, qui aurait contraint les personnels soignants à souscrire des assurances contre le simple risque d'échec du traitement. Cependant, il serait erroné de croire que l'obligation de moyens n'est qu'une obligation au rabais ou qu'elle empêche d'engager la responsabilité des médecins.
Ainsi, en l'espèce, la cour d'appel a pu relever à bon droit que le médecin avait omis de mentionner l'âge et le poids du patient sur l'ordonnance, ce qui aurait pu donner au pharmacien des indications utiles sur la dose à délivrer au patient. Dès lors, le médecin n'avait pas pris toutes les mesures raisonnables afin de garantir des soins appropriés au malade. Par sa faute, il a provoqué celle du pharmacien, qui était en relation directe avec l'intoxication du nourrisson. Les juges font ici application de la théorie de l'équivalence des conditions, « qui consiste à dire que toutes les causes doivent être considérées comme équivalentes en ce qui concerne la production de l'effet » (v. Fr. Terré). Le pharmacien est condamné à indemniser 60 % du préjudice subi par l'enfant, le reste étant à la charge du médecin. La cour d'appel est donc confortée dans son raisonnement pas la première chambre civile, qui rejette le pourvoi du médecin.
Civ. 1re, 14 oct. 2010, n° 09-68.471
Références
« Procédure de recours à un technicien consistant à demander à un spécialiste, dans les cas où le recours à des constatations ou à une consultation ne permettrait pas d'obtenir les renseignements nécessaires, d'éclairer le tribunal sur certains aspects du procès nécessitant l'avis d'un homme de l'art. »
« Obligation en vertu de laquelle le débiteur n'est pas tenu d'un résultat précis. Ainsi le médecin s'engage seulement à tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison du malade sans garantir cette dernière. Le créancier d'une telle obligation ne peut mettre en jeu la responsabilité de son débiteur que s'il prouve que ce dernier a commis une faute, n'a pas utilisé tous les moyens promis. »
« Obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d'un résultat précis. Ainsi le transporteur de personnes s'engage envers le voyageur à le déplacer d'un endroit à un autre; ce qui est demandé c'est l'arrivée à la destination prévue. L'existence d'une telle obligation permet au créancier de mettre en jeu la responsabilité de son débiteur par la simple constatation que le résultat promis n'a pas été atteint, sans avoir à prouver une faute. »
« Dans le droit des obligations, lien de cause à effet entre la faute d'une personne ou le rôle d'une chose et le préjudice subi par un tiers. Plusieurs facteurs pouvant intervenir dans la réalisation d'un dommage, la doctrine s'est efforcée de préciser cette notion; on a parfois soutenu que toute cause est à l'origine de l'intégralité du dommage (théorie de l'équivalence des conditions); mais on a dit, à l'inverse, qu'il fallait rechercher la cause adéquate, c'est-à-dire celle qui, normalement, est de nature à provoquer le dommage considéré. La jurisprudence applique généralement la théorie de la causalité adéquate. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Civ. 1re, 14 oct. 2010, n° 09-69.195, commenté dans Dalloz Actu Étudiant 28 octobre 2010.
■ Y. Lequette, Fr. Terré, Ph. Simler, Droit civil: les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n° 592.
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