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Droit des obligations
Ordonnance du 10 février : application dans le temps de la réforme du droit des contrats
Les contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne.
En juin 2013, une femme avait acheté un climatisateur après d’une société spécialisée, laquelle avait procédé à son installation à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile. Dès le lendemain de son acquisition, l’acheteuse avait conclu avec cette même société un contrat de maintenance d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Deux ans plus tard, la venderesse avait fait savoir à l’acheteuse qu’elle ne renouvellerait pas le contrat. Cette dernière l’avait assignée aux fins d’obtenir le remboursement des frais de déplacement de l’unité extérieure du climatisateur devenu inaccessible, ainsi que la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de maintenance. Se fondant sur l’article 1186 nouveau du code civil relatif à la caducité du contrat, la juridiction de proximité saisie de l’affaire rejeta sa demande ; le contrat devenant caduc, selon ce texte, si l’un de ses éléments essentiels disparaît, le jugement retint que, si, lorsque le contrat d’entretien avait été souscrit, l’accès au groupe extérieur était possible, la modification ultérieure de la situation de l’immeuble avait ensuite rendu son entretien impossible, de sorte que la demande de l’acheteuse, se trouvant privée d’objet, ne pouvait être accueillie. Au visa de l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131, fixant la date d’entrée en vigueur de ses dispositions au 1er octobre 2016 et laissant les contrats conclus avant cette date soumis à la loi ancienne, la première chambre civile casse la décision de la juridiction de proximité qui, en faisant application d’un texte issu de l’ordonnance précitée à un contrat conclu antérieurement à la date prévue pour son entrée en vigueur, a violé le texte susvisé.
Applicable à partir du 1er octobre 2016, le droit nouveau issu de l’ordonnance réformant, notamment, le droit commun des contrats, ne s’applique toutefois pas, conformément aux règles de droit transitoire, aux contrats en cours, c’est-à-dire à ceux formés avant le 1er octobre 2016, comme le prévoit d’ailleurs expressément l’article 9 alinéa 2 de cette ordonnance, qui dispose que « Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ». Cette règle d’application de la réforme dans le temps paraît simple, dans son principe comme dans ses conséquences. Le principe classique dit de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, réaffirmé par l’ordonnance, implique donc de faire coexister, pendant un temps relativement long, deux corps de règles : le droit ancien, qui reste applicable à tous les contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, aussi bien en ce qui concerne leurs conditions de validité que leurs effets ; le droit nouveau, applicable à tous les contrats conclus à compter de cette date.
La question s’était toutefois posée de savoir si la règle d’étanchéité des contrats antérieurs à la loi nouvelle était absolue. Ne fallait-il pas, par exemple, rendre immédiatement applicables aux contrats en cours les règles d’ordre public issues de l’ordonnance, ce que leur effet généralement protecteur du contractant faible aurait permis de justifier malgré le silence du texte sur ce point, ce dernier n’indiquant pas si les normes nouvelles d’ordre public, autres que les articles 1123, alinéas 3 et 4, 1158 et 1184 déclarés d’application immédiate, devaient obéir au même régime ? Ne fallait-il pas, également, réserver la jurisprudence selon laquelle « la loi nouvelle régi(t) immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées » (Civ. 3e, 17 nov. 2016, n° 15-24.552) ? L’article 16-III de la loi de ratification de l’ordonnance (L. n° 2018-287 du 20 avr. 2018, ) a résolu cette question : il complète l’article 9 de l’ordonnance en précisant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public », et que cette modification prend rétroactivement effet à compter du 1er octobre 2016. La solution révèle une simplicité que la règle, telle qu’elle avait été initialement posée par l’ordonnance, ne revêtait qu’en apparence, la loi de ratification rendant les contrats antérieurs résolument étanches à l’application de la loi nouvelle (V. D. Hourtcieff, « Loi de ratification de l’ordonnance de réforme du droit des contrats, de la preuve et du régime général des obligations : le droit schizophrène », Gaz. Pal. 2018, n° 15, p.14).
La Cour en tire une conclusion que le cas d’espèce rendait inévitable : le contrat de maintenance conclu avant le 1er octobre 2016 restait régi par les règles du code de 1804, qui ne contenait pas, concernant la phase de validité du contrat, la sanction de la caducité, qui s’applique en cas de disparition, au stade de l’exécution du contrat, d’un élément qui était, à celui de sa formation, essentiel à sa validité.
Cependant, un doute subsiste encore sur ce qu’il faut exactement entendre par la « loi ancienne », dans son opposition à la « loi nouvelle », aucune n’étant textuellement définie. On pourrait alors considérer, à l’effet d’étendre les hypothèses d’application immédiate du droit nouveau, que la loi ancienne s’entend des règles non modifiées par des règles d’ordre public, ou bien encore qu’elle est constituée de toutes les règles non modifiées par la loi nouvelle, quelle que soit leur nature (D. Mainguy, « Pour l’entrée en vigueur immédiate des nouvelles règles du droit des contrats », D. 2016.1762). La décision rapportée ne permet pas de lever ce doute, la sanction de la caducité faisant partie des modifications substantielles apportées par la réforme (V. D. Mazeaud, La réforme du droit des contrats : du projet à l’ordonnance, Dalloz 2016, Coll. Thèmes et commentaires, p. 89).
La portée de cette décision doit enfin être tempérée par la possibilité, admise en jurisprudence, que le droit ancien soit interprété à l’aune de « l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016 » (Ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411).
Sous ces réserves, il reste donc acquis, comme en témoigne la décision rapportée, que le contrat conclu antérieurement au 1er octobre 2016 échappe à l’application du droit nouveau.
Civ. 1re , 19 sept. 2018, n° 17-24.347
Références
■ Civ. 3e, 17 nov . 2016, n° 15-24.552 P: D. 2016. 2399 ; ibid. 2017. 1149, obs. N. Damas ; AJDI 2017. 281, obs. N. Damas ; ibid. 157, point de vue F. de La Vaissière ; AJ Contrat 2017. 47, obs. V. Forti ; RTD civ. 2017. 118, obs. H. Barbier
■ Ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411 P: Dalloz Actu Étudiant, le Billet du 13 mars 2017, M. Latina; ibid., 17 mars 2017; D. 2017. 793, obs. N. explicative de la Cour de cassation, note B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 1149, obs. N. Damas ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2017. 612, obs. M. Thioye ; ibid. 2018. 11, étude H. Jégou et Jonathan Quiroga-Galdo ; AJ Contrat 2017. 175, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier
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