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[ 24 novembre 2022 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Placement en famille d’accueil : abus sexuels et non-respect de la clause de neutralité religieuse

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France qui n’a pas su protéger une enfant placée dans une famille d’accueil.

CEDH 3 novembre 2022, n° 59227/12

La requérante avait été placée dans une famille d’accueil en 1976 à l’âge de cinq ans, elle y est restée jusqu’à sa majorité. Elle se plaint des carences du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pendant la durée de son placement, et plus précisément du fait de ne pas avoir été protégée contre les abus sexuels au sein de sa famille d’accueil et du non-respect de ses convictions religieuses.

■ Violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : interdiction des traitements inhumains et dégradants

La CEDH juge que les autorités nationales n’ont pas protégé la requérante contre les mauvais traitements du père de la famille d’accueil. 

En effet, dès le début de son placement, à l’âge de cinq ans, la petite fille, dans une situation de particulière vulnérabilité, a subi des abus sexuels qui se sont prolongés jusqu’à ses 17 ans. La Cour constate une carence de l’État français dans le suivi de cette enfant ; les mesures et les mécanismes permettant de prévenir et de détecter les risques de mauvais traitements au sein des familles d’accueil n’ont pas correctement été appliqués. Ainsi, l’enfant n’a reçu que six visites de l’ASE sur douze années de présence dans sa famille d’accueil. L’absence de suivi régulier des services de l’ASE et le manque de communication et de coopération entre les autorités compétentes démontrent que les autorités françaises n’ont pas protégé la requérante contre les mauvais traitements subis pendant de longues années.

■ Violation de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme : liberté de pensée, de conscience et de religion

À son arrivée dans la famille d’accueil, la petite fille était de confession musulmane. Elle est ensuite devenue Témoin de Jéhovah comme les membres de cette famille. 

Le Gouvernement français soutient que le service de l’ASE ignorait la confession de la famille d’accueil. Toutefois, la CEDH souligne que si le travail d’enquête, de visites régulières et d’entretiens avec l’enfant placée avait été correctement fait, l’ASE aurait dû le découvrir et rappeler aux parents de la famille d’accueil l’obligation de respecter la clause de neutralité religieuse qu’ils avaient signé, ou à défaut, placer l’enfant dans une nouvelle famille d’accueil.

Par ailleurs, la requérante avait été hospitalisée à la suite d’un accident, et la famille d’accueil avait demandé par écrit qu’aucun produit sanguin ne lui soit administré en raison de leurs prescriptions religieuses. L’assistante sociale chargée du suivi du placement de la requérante n’avait donné aucune suite.

Les autorités françaises n’ont ainsi pas mis en œuvre les mesures nécessaires leur incombant, en vertu de la clause de neutralité religieuse à laquelle la famille d’accueil s’était engagée. La protection des convictions religieuses de l’enfant placé n’a donc pas été respectée.

Dans cette sordide affaire, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante la somme de 55 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de la violation des articles 3 et 9 de la Convention.

V. également sur le même sujet : Le Billet de Frédéric Rolin

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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