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[ 29 mai 2020 ] Imprimer

Droit de la famille

PMA : Réaffirmation de la notion de mère d’intention

Une procréation médicalement assistée faite légalement à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la transcription de l’acte de naissance de l’enfant désignant la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent.

Résulte de la combinaison des articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que de l’article 47 du Code civil qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance d’un enfant établi à l’étranger, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du Code civil.

C’est en ces termes que la première chambre civile de la Cour de cassation exprime, dans la décision rapportée, sa volonté de maintenir sa position concernant la transcription à l’état civil des filiations régulièrement établies à l’étranger à l’égard de la mère biologique et de sa conjointe (V. déjà Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-14.751 et 18-50-007).

En l’espèce, aux termes de son acte de naissance dressé par un bureau d'état civil anglais, un enfant avait vu sa filiation légalement établie à l’égard de sa mère biologique, ainsi qu’envers l’épouse de celle-ci, désignée comme parent, la première étant de nationalité australienne et la seconde, de nationalité française. Les intéressées avaient eu recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni. Le consulat général de France à Londres ayant refusé de transcrire l'acte de naissance de l’enfant sur les registres de l’état civil consulaire au motif que la filiation de l’enfant n’était pas établie avec son parent français, le couple avait alors assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin de voir ordonner la transcription de l'acte de naissance de l’enfant sur les registres français de l'état civil. Sans succès. 

Pour confirmer le rejet de leur demande de transcription, la cour d’appel retint que l'acte de naissance dressé au Royaume-Uni instituait comme parent légal l’épouse de la mère biologique sans qu'une adoption, seul mode possible d’établissement de sa filiation envers l’enfant, ait été prononcée et qu’en outre, cet acte ne correspondait pas à la réalité, en l'absence de statut juridique conféré à la maternité d'intention et alors qu'un enfant ne peut avoir qu'une seule mère biologique. Elle ajouta que la mère qui avait accouché étant de nationalité australienne et que la filiation de l’enfant envers son épouse, ressortissante française, n'étant pas établie conformément au droit français, la demande de transcription sur les registres français de l’état civil devait être rejetée. 

Devant la Cour de cassation, les demanderesses invoquaient tout d’abord la règle de droit interne fondée sur l’article 47 du Code civil d’après laquelle tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes et pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, aucune de ces réserves quant à la valeur probante de l’acte litigieux ne pouvant, en l’espèce, être caractérisée ; elles contestaient ensuite la méconnaissance du principe général de droit international privé de continuité du statut personnel, procédant également de l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par l’article 3, § 1, de la Convention  des droits de l’enfant, pour faire grief à la juridiction du fond d’avoir refusé de tenir compte de la filiation de l’enfant, laquelle est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance, telle que celle-ci avait été établie conformément à la loi étrangère de sa mère biologique. 

La décision est censurée par la Haute cour qui retient qu’il résultait des propres constatations des juges du fond que les actes de l’état civil étrangers étaient réguliers, exempts de fraude et qu’ils avaient été établis conformément au droit anglais en vigueur. Autrement dit, lorsque ces actes sont probants au sens de l’article 47 du Code civil, c’est-à-dire réguliers, non frauduleux et conformes au droit de l’État dans lequel ils ont été dressés, ni la circonstance que le couple ait eu recours à une PMA à l’étranger ni celle que les actes mentionnent la mère ayant accouché et une autre femme comme parent ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte de naissance de l’enfant ainsi conçu et déclaré sur les registres d’état civil français. 

L’admission de la transcription à l’état civil des enfants nés d’une PMA à l’étranger se voit ainsi confirmée. Au nom de de l’intérêt supérieur de l’enfant et du respect de la vie privée et familiale, également protégés par le droit supranational, la Cour de cassation reconnaît ainsi la maternité d’intention. La cour d’appel avait en l’espèce fait fi de cette évolution pourtant notable mais encore récente de la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 1re, 18 déc. 2019, préc.), admettant désormais la double filiation d’un enfant à l’égard d’un couple du même genre, et ce dès sa naissance, délaissant ainsi la nécessité d’adoption de l’enfant, à la suite de sa naissance, par la conjointe de la mère biologique ; celle-ci se voit donc dispensée des démarches d’adoption de l’enfant né de son épouse dont la filiation à l’égard de l’enfant, en sa qualité de mère biologique, n’a jamais, quant à elle, posé pas difficultés. 

La décision ici rendue confirme surtout une évolution qui la dépasse : d’une part, si elle concerne ici la procréation médicalement assistée, une solution identique a également été retenue dans le cadre de la GPA pour permettre la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger d’un enfant désignant le père biologique et son épouse, mère d’intention, ou bien le père biologique et son époux ou compagnon, parent ou père d’intention (Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18.11-815 et 18.12-327) ; d’autre part, adopté pour le moment, en première lecture, le projet de loi « PMA pour toutes » prévoit d’étendre la PMA aux couples de femmes homosexuelles, augurant ainsi de la reconnaissance, légale cette fois, de la maternité d’intention en droit français.

Civ. 1re, 18 mars 2020, n° 18-15.368

Références

■ Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-14.751 et 18-50-007 : Dalloz Actu Étudiant, 20 déc. 2019, obs. C. de Gaudemont ; D. 2020. 426, note S. Paricard ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2020. 133, obs. J. Houssier ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer.

■ Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18.11-815 et 18.12-327 : Dalloz Actu Étudiant, 20 déc. 2019, obs. C. de Gaudemont ; D. 2020. 426, note S. Paricard ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 843, obs. RÉGINE ; AJ fam. 2020. 131 ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer

 

Auteur :Merryl Hervieu

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