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Point sur le double délai pour agir en garantie des vices cachés
DAE vous propose un point sur le double délai pour agir en garantie des vices cachés.
I. Le principe d’un double délai
Prévue aux articles 1641 s. du Code civil, la garantie des vices cachés protège les acquéreurs insatisfaits de l’acquisition d’un bien entaché d’un vice caché lors de la vente : dans cette perspective, elle impose au vendeur professionnel ou occasionnel de livrer un bien sans vice interne, occulte et antérieur à la vente, susceptible de compromettre l'utilisation que l'acheteur souhaite en faire.
Cette garantie est soumise à un double délai pour agir : l’action doit être engagée dans un premier délai de 2 ans, lui-même enfermé dans un délai butoir de 20 ans (Cass. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10.763, 21-15.809, 21-17.789 et 21-19.936).
Ce double délai a valeur de principe : il est généralement prescrit, quelle que soit la nature du bien, qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats (Civ. 3e, 21 mars 2024, n° 22-22.967 et 22-23.968), et quelle que soit la date de conclusion de la vente (même antérieure à la loi du 17 juin 2008 de réforme de la prescription civile, Com. 17 janv. 2024, n° 21-23.909).
Le premier délai est un délai de prescription, soit un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire. Contrairement au délai de forclusion, jugé impropre à qualifier le délai pour agir en garantie (Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-15.809), ce délai de prescription est susceptible d’être suspendu, en particulier lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée, ou interrompu, par la reconnaissance du droit de l’acheteur à agir en garantie (C. civ., art. 2240 C. civ.). Le second délai n’est pas un délai de prescription mais un délai butoir, qui enserre en toute hypothèse le délai pour agir en garantie à l’intérieur d’un délai plus large. Si l’existence de ce « délai butoir » est acquise en sorte d’empêcher l’acheteur de pouvoir rechercher indéfiniment la garantie du vendeur ou du fabricant, sa durée a longtemps été discutée en jurisprudence, celle-ci hésitant entre l’application du délai de 20 ans prévu à l’article 2232 du Code civil ou celle du délai de cinq ans prévu à l’article L. 110-4 du Code de commerce. En 2023, la chambre mixte a consacré l’existence d’un délai butoir de 20 ans qui encadre l’action en garantie des vices cachés.
II. La mise en œuvre du double délai
Le double délai pour agir en garantie prend la forme d’une combinaison qui suppose de tenir compte à la fois de la durée du délai, mais également de l’événement qui constitue son point de départ : concrètement, pour engager une action en garantie des vices cachés, l’acheteur doit saisir la justice :
- dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut affectant le bien qui lui a été vendu
mais aussi
- dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien.
Cette technique consiste à combiner un délai de prescription dont le point de départ est subjectif ou glissant (la découverte du vice caché) avec un délai dont le point de départ est objectif (la date du contrat de vente du bien) et dont la durée ne peut être prolongée. L’application d’un délai butoir en matière de garantie des vices cachés conduit ainsi à faire obstacle à l’action en garantie de l’acheteur qui ne découvre le vice qu’après l’expiration du délai butoir.
Prenons l’exemple de la dernière décision de la Cour de cassation procédant à cette articulation. Un contrat de vente d’éoliennes avait été conclu le 21 décembre 2013 et dans une lettre datant du 5 octobre 2018, le vendeur avait informé les acheteurs du vice affectant certains composants des éoliennes vendues et ainsi, reconnu leur droit d’agir en garantie. L'action en garantie des vices cachés fut finalement introduite par les acheteurs le 3 février 2020. La cour d’appel avait marché sur les brisées de la première chambre civile et de la chambre commerciale et considéré qu’en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce, l’action en garantie des vices cachés ne pouvait être exercée qu’à l’intérieur d’un délai butoir de 5 ans. Elle n’avait toutefois pas jugé l’action prescrite, ayant fixé le point de départ de ce délai à compter de la découverte du vice. Elle avait ainsi commis une double erreur de raisonnement puisque le délai butoir de l’article L. 110-4 du Code de commerce est désormais écarté au profit de celui de l’article 2232, et que le point de départ de ce dernier délai est fixé à la date de la vente initiale, et non au jour de la découverte du vice, qui ne fait courir que le seul délai de prescription biennal. Par un motif de pur droit, la chambre commerciale réitère la nouvelle position de la Cour : parce qu’elle a été introduite dans les deux ans de la découverte du vice (délai de prescription), et moins de vingt ans après la date du contrat de vente (délai butoir), l’action en garantie des vices cachés engagée par les acquéreurs d’éoliennes n’est pas prescrite (Com. 19 mars 2025, n° 22-24.761).
Références :
■ Cass. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10.763, 21-15.809, 21-17.789 et 21-19.936 : DAE 22 sept. 2023, note Merryl Hervieu, D. 2023. 1728, note T. Genicon ; AJDI 2023. 788, obs. D. Houtcieff ; RDI 2023. 539, obs. C. Charbonneau et J.-P. Tricoire ; RTD civ. 2023. 638, obs. H. Barbier ; ibid. 914, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2023. 714, obs. B. Bouloc
■ Civ. 3e, 21 mars 2024, n° 22-22.967 et 22-23.968 : DAE 25 avr. 2024, note Merryl Hervieu, AJDI 2024. 402
■ Com. 17 janv. 2024, n° 21-23.909 : D. 2024. 109 ; RTD com. 2024. 155, obs. B. Bouloc
■ Com. 19 mars 2025, n° 22-24.761 : D. 2025. 534
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