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Droit de la responsabilité civile
Point sur les responsabilités civile et pénale
En droit français, un même fait peut être à la fois source de responsabilité civile et pénale. Ainsi l’auteur de coups et blessures volontaires peut-il être poursuivi pénalement et en même temps, tenu d’indemniser la victime des conséquences dommageables de son acte. Longtemps reliés par un principe d’identité des fautes civile et pénale, ces deux types de responsabilité sont désormais nettement distingués. Cependant, leur interdépendance perdure en raison de l’articulation de l’action civile et de l’action publique, qui explique que le principe de leur distinction (I) reste encore relatif (II).
I. Responsabilités civile et pénale : le principe de distinction
A. Par la diversité des fonctions
Les fonctions des responsabilités civile et pénale sont par principe opposées.
La responsabilité pénale tend en effet à la punition du coupable, par le prononcé d’une peine, d’amende ou d’emprisonnement, et vise à la réformation de son comportement.
La responsabilité civile poursuit un but distinct d’indemnisation des victimes, exacerbé par le législateur et la jurisprudence contemporaine. Elle n’est cependant pas dépourvue d’un certain rôle de sanction, dès l’instant où la condamnation à des dommages et intérêts s’impute sur le patrimoine du responsable. Elle peut aussi être à même de jouer un rôle de prévention invitant chacun, par un effet dissuasif, à une vigilance accrue en sorte d’éviter de causer un dommage. Ces rôles de sanction et de prévention restent cependant secondaires.
B. Par la dualité des fautes
Fondé sur l’idée qu’en matière d’imprudence, le domaine de la responsabilité civile et celui de la responsabilité pénale se superposeraient nécessairement (Crim. 6 juill.1934, Gouron), le principe de l’identité des fautes civile et pénale (Civ. 18 déc. 1912, Brochet et Deschamps), qui présentait l’inconvénient majeur de confondre réparation et sanction, a pour cette raison été abandonné par une loi du 10 juillet 2000. Tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, cette loi de rupture a inséré dans le Code de procédure pénale un nouvel article 4-1, qui dispose que l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage si l’existence d’une faute civile est établie. Dès 2001, la première chambre civile de la Cour de cassation a tiré les conséquences de la loi nouvelle, en distinguant faute pénale et faute civile d’imprudence (Civ. 1re, 30 janv. 2001, n° 98-14.368 : « la déclaration par le juge répressif de l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à ce que le juge civil retienne une faute civile d’imprudence ou de négligence ». Elle fut ensuite rapidement suivie par la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 16 sept. 2003, n° 01-16.715).
Le système de la dualité des fautes civile et pénale n’a cependant pas pour conséquence de supprimer tout lien entre les deux actions qui naissent de l’infraction.
II. Responsabilités civile et pénale : la relativité de la distinction
A. En raison de l’action civile
La victime d’une infraction peut obtenir réparation du préjudice subi non seulement devant le juge civil, mais également devant le juge pénal dans le cadre d’une action civile. Selon l’article 3, alinéa 1er du Code de procédure pénale, « l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction ». La victime dispose donc d’un droit d’option pour obtenir réparation du préjudice causé par l’infraction : agir devant le juge civil dans les conditions du droit commun ou devant le juge pénal dans le cadre d’une action civile. L’existence d’un tel droit contribue à expliquer le lien qui existe encore entre les actions publique et civile.
La seule condition à l’exercice de cette action civile est que le demandeur ait personnellement souffert d’un dommage directement causé par l’infraction (C. proc. pén., art. 2).
Ce point de rapprochement entre les responsabilités civile et pénale est encore souligné par la règle légale, confirmée en jurisprudence, selon laquelle le juge pénal qui prononce la relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile, pour accorder en application des règles du droit civil réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite (C. proc. pén., art. 470-1 ; Ass. plén. 14 avr. 2023, n° 21-13.516).
B. En raison de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
Lorsqu’un même fait est à la fois source de responsabilité civile et pénale, les énonciations contenues dans une décision pénale irrévocable ont une autorité absolue de chose jugée à l’égard du juge civil, qui perd ainsi sa liberté d’appréciation. Le juge civil est en effet tenu de respecter ce qui a été définitivement jugé au pénal : il ne peut « réviser » la décision pénale, même s’il estime que la juridiction répressive a commis, sur le point qui le lie, une erreur de droit ou de fait. Partant, si le juge pénal, constatant la matérialité des faits, déclare le prévenu coupable de l’infraction, le juge civil ne peut exclure sa faute, car la caractérisation par le juge pénal d’un comportement fautif s’impose à lui. L’hypothèse inverse est également à considérer : lorsque le juge pénal prononce la relaxe, le juge civil ne peut, sur la base de faits identiques, juger fautif un fait qui ne l'a pas été par le juge pénal (Com. 12 mars 2025, n° 23-12.253, à propos d’un justiciable relaxé des faits de fraude fiscale).
Références :
■ Crim. 6 juill.1934, Gouron : DH 1934.446
■ Civ. 18 déc. 1912, Brochet et Deschamps : D.1915.1.17, note L.S
■ Civ. 1re, 30 janv. 2001, n° 98-14.368 : D. 2002. 1320, et les obs., obs. P. Delebecque ; ibid. 2001. 2232, obs. P. Jourdain ; RSC 2001. 613, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2001. 376, obs. P. Jourdain
■ Civ. 2e, 16 sept. 2003, n° 01-16.715 : D. 2004. 721, note P. Bonfils ; ibid. 2003. 2862, obs. X. Prétot
■ Ass. plén. 14 avr. 2023, n° 21-13.516 : DAE, 10 mai 2023, note Merryl Hervieu, D. 2023. 1387, note S. Pellé ; ibid. 1488, obs. J.-B. Perrier ; AJ pénal 2023. 231, note A. Botton ; RSC 2023. 563, obs. Y. Mayaud ; RTD civ. 2023. 645, obs. P. Jourdain ; ibid. 730, obs. N. Cayrol
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