Actualité > À la une

À la une

[ 9 juin 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Précision sur la reconnaissance d'un intérêt légitime au changement de nom

La reconnaissance d'un intérêt légitime au changement de nom est subordonnée à la condition que le nom à relever ait été porté par une personne possédant la nationalité française.

CE 28 mai 2021, n° 441856

Élément essentiel permettant l'identification des personnes, le nom est en principe immuable. (V. L. du 6 fructidor an II , art. 1er : « Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance: ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre.. », art. toujours en vigueur). Cependant, la règle d’immuabilité du nom de famille n’est pas une règle absolue. Il existe notamment trois textes principaux : les dispositions des 61 à 61-4 du Code civil issus de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 ; la francisation du nom, des personnes qui acquièrent ou recouvrent la nationalité française (L. n° 72-964 du 25 oct. 1972) et la perpétuation du nom des citoyens morts pour la France (L. du 2 juill. 1923). 

En l’espèce, le problème concernait l’interprétation de l’article 61 du Code civil selon lequel :  « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré/ Le changement de nom est autorisé par décret. ». 

Un homme, souhaitait ajouter à son nom de famille celui de sa grand-mère maternelle afin que son nom ne s’éteigne pas. Il fait une demande de changement de nom, sur le fondement des dispositions précitées qui lui est refusée par le Garde des sceaux.

Il saisit alors la justice administrative d’un recours pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel font droit à sa demande, toutefois le Conseil d’État vient d’en décider autrement et précise la notion de reconnaissance d’un intérêt légitime au changement de nom.

Selon l’alinéa 1er de l’article 61 du Code civil  : « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom ». Le motif pour lequel il est possible de demander à changer de nom ou d’ajouter à son nom un autre nom ? comme en l’espèce, provient essentiellement d’une construction jurisprudentielle.

Ainsi, la consonance étrangère d'un nom patronymique peut constituer un intérêt légitime (CE 21 avr. 1997, n° 160716). Il existe également un intérêt légitime pour une enfant à changer de nom lorsque son père a été condamné pour l’avoir violée (CE 4 déc. 2009, n° 309004), pour des enfants abandonnés par leur père ayant quitté le domicile conjugal et ayant coupé tout lien (CE 31 janv. 2014, n° 362444). Ou encore, la reprise d'un nom en raison de son illustration revendiquée dans l’histoire de France peut aussi être demandée sur le fondement de l'intérêt légitime (dans ce cas, cette demande n’est pas subordonnée à la condition de l’al. 2 de l’art. 61 du Code civil selon lequel le nom doit avoir été porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré, cette condition s'appliquant seulement aux demandes fondées sur le souhait d'éviter l'extinction d'un nom présentées sur le fondement du 2e la. de l’art. 61.) ; en revanche, le nom dont l'illustration est revendiquée doit être porté dans la famille du demandeur (CE 24 mai 2006, n° 280372).

Enfin, lorsque le patronyme est menacé d'extinction, l’article 61 ne subordonne pas le relèvement à la condition que le demandeur soit le plus proche descendant ou collatéral ou qu'il dispose de l'accord de celui-ci ; ce n'est qu'en cas de demandes concurrentes ou d'oppositions que l'autorité administrative peut prendre en compte un tel critère (CE, ass., 19 mai 2004, n° 236470).

En l’espèce se posait la question de savoir si la prévention de l’extinction d’un nom, acceptée comme un motif légitime, doit s’appliquer uniquement à un nom français ? En d’autres termes, au moins un des ascendants doit-il avoir eu la nationalité française ?

Dans cette affaire, la cour administrative d'appel avait jugé « que le relèvement d'un nom menacé d'extinction peut être accordé, sans qu'il soit établi que l'ascendant dont le nom est recherché a possédé la nationalité française »

Au contraire, le Conseil d’État décide que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

En effet, il considère que le « relèvement d'un nom afin d'éviter son extinction suppose qu'il soit établi que le nom en cause a été légalement porté par un ascendant de celui qui demande à changer de nom ou par un collatéral jusqu'au quatrième degré. Il résulte des travaux préparatoires à l'adoption de la loi du 8 janvier 1993 relative à l'état-civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales, dont est issu le second alinéa de l'article 61 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, que le législateur, ayant en vue la préservation du patrimoine onomastique français, a entendu subordonner la reconnaissance d'un intérêt légitime au changement de nom à la condition que le nom à relever ait été porté par une personne possédant la nationalité française ». En effet le Conseil d’État souligne que l’objectif est la préservation des noms français (travaux préparatoires de la loi n° 93-22 du 8 janv. 1993). En conséquence, l’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel.

Références

■ Pour aller plus loin: V. Dalloz coaching. Le nom

■ CE 21 avr. 1997, n° 160716 A :  D. 1997. 139 ; RTD civ. 1997. 631, obs. J. Hauser

■ CE 4 déc. 2009, n° 309004 B : AJ fam. 2010. 36, obs. I. Gallmeister RTD civ. 2010. 297, obs. J. Hauser.

■ CE 31 janv. 2014, n° 362444 A : DAE 12 févr. 2014 ; AJDA 2014. 253 ; ibid. 444, chron. A. Bretonneau et J. Lessi ; D. 2014. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2014. 196, obs. C. Doublein ; RFDA 2014. 387, concl. X. Domino ; RTD civ. 2014. 332, obs. J. Hauser.

■ CE 24 mai 2006, n° 280372 B : RTD civ. 2006. 534, obs. J. Hauser.

■ CE, ass., 19 mai 2004, n° 236470 A :  AJDA 2004. 1351, chron. C. Landais et F. Lenica ; D. 2004. 1644 ; RTD civ. 2004. 481, obs. J. Hauser.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

Autres À la une


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr