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Droit de la responsabilité civile
Préjudice sportif d’agrément
La réduction de la pratique sportive antérieure, exercée dans le cadre de compétitions, est réparable au titre du préjudice d’agrément.
Si l’actualité témoigne du fait que le sport peut être source de responsabilité (V. Civ. 2e, 28 mars 2018, n° 17-16.873), elle révèle également qu’il doit, parfois, être source de réparation. Tel est l’enseignement de la décision rapportée.
Après avoir été victime d'une agression, un homme avait saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande en réparation de son préjudice et l’avait obtenue. Débiteur final de l’indemnisation allouée, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fit grief à la décision des juges du fond d’avoir confirmé la décision de la commission, alors que, selon lui, le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir, ce que la victime n’avait pas, en l’espèce, subi dès lors que son dommage avait seulement conduit celle-ci à freiner sa marge de progression en compétition des sports nautiques qu'il pratiquait avant l'agression, sans toutefois le priver totalement de la faculté de s’y adonner. Son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif que si le préjudice d'agrément est en effet constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure ; or, les juges du fond ayant retenu qu'avant l'agression, la victime pratiquait, en compétition, un grand nombre d'activités sportives et de loisirs nautiques et que, depuis les faits, qui l'avaient freiné dans sa progression, la poursuite en compétition de ces activités ne pouvait plus être effectuée avec la même intensité, son état physique l'y autorisant seulement de façon modérée et ne lui permettant plus de viser les podiums et relevé, enfin, que les conditions dans lesquelles il continuait à s'y livrer obéissaient désormais à un but essentiellement thérapeutique, c'est à juste titre que la cour d'appel lui a accordé une indemnité au titre de son préjudice d'agrément
En droit commun, le préjudice d’agrément est, depuis près de dix ans maintenant, défini par la Cour de cassation comme « le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs » (Civ. 2e, 28 mai 2009, n° 08-16.829) ; par cette décision, la Cour de cassation procéda à un revirement de jurisprudence que la nomenclature Dinthilac (Rapp.Groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juill. 2005), appliquée par les juridictions ainsi que par les commissions administratives chargées d’indemniser les préjudices extrapatrimoniaux nés d’une atteinte corporelle, l’avait en vérité contrainte à opérer. En effet, si avant l’arrêt précité, la Haute juridiction avait fait le choix favorable aux victimes d’une conception extensive du préjudice d’agrément, y intégrant toute perte des agréments de la vie (promenade, jardinage, bricolage, activités sportives, loisirs de vacances, etc.), une telle conception avait conduit à faire doublon avec le « déficit fonctionnel » expressément prévu par la nomenclature précitée à l’effet de réparer l’ensemble des troubles dans les conditions d’existence de sa victime. La Cour de cassation a en conséquence rendu son interprétation plus stricte, comme ici rappelé : pour obtenir l’indemnisation d’un préjudice d’agrément, la victime doit établir qu’avant qu’il ne survienne, elle pratiquait régulièrement une activité sportive ou de loisirs à laquelle elle est depuis contrainte de renoncer. Cette solution est d’ailleurs conforme à la nomenclature Dintilhac, qui considère également que le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer « l’impossibilité pour la victime de pratiquer une activité sportive ou de loisir ».
Cette sévérité proclamée est néanmoins tempérée par l’appréciation in concreto à laquelle se livrent les juges du fond, souverains en la matière. Ces derniers s’appuient alors, notamment, sur l’âge de la victime, son niveau, la diversité des sports exercés ainsi que leur fréquence (Crim. 23 mars 2004, n° 03-82.708) ou, comme le rappelle la décision rapportée, la pratique d’un sport dans le cadre de compétitions (V. déjà Crim.,23 mars 2004, préc.), à charge pour la victime, cependant, de rapporter la preuve d’une telle pratique antérieure et de l’impossibilité, alléguée, de la poursuivre (Civ. 2e, 7 mai 2014, n° 13-15.841 ; Civ. 2e, 21 oct. 1999, n° 97-22.004).
Il est à noter, enfin, que lorsque la victime est un sportif professionnel, son préjudice sportif peut être réparé, en soi, indépendamment de l’indemnisation d’un préjudice d’agrément constitué par la privation d’activités de loisirs (Crim. 8 janv. 1997, n° 96-81.258).
La Cour de cassation se révèle donc sensible aux difficultés des sportifs de haut niveau freinés dans leur espoir de progression. Or c’est « une bonne règle de conduite que faire en sorte qu’il naisse toujours quelque agrément de l’échec de ce que nous espérons » (H. de Montherlant, La possession de soi-même, 1938).
Civ. 2e, 29 mars 2018, n° 17-14.499 P
Références
■ Civ. 2e, 28 mars 2018, n° 17-16.873 P : Dalloz Actu Étudiant, 26 avr. 2018 ; D. 2018. 719.
■ Civ. 2e, 28 mai 2009, n° 08-16.829 P : D. 2009. 1606, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2010. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2009. 534, obs. P. Jourdain.
■ Crim. 23 mars 2004, n° 03-82.708 P : D. 2004. 2750, obs. S. Mirabail ; ibid. 2005. 684, obs. J. Pradel ; RSC 2004. 881, obs. Y. Mayaud ; ibid. 886, obs. R. Ottenhof ; ibid. 897, obs. D. N. Commaret ; RTD com. 2004. 825, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 2e, 7 mai 2014, n° 13-15.841.
■ Civ. 2e, 21 oct. 1999, n° 97-22.004.
■ Crim. 8 janv. 1997, n° 96-81.258.
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