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Droit des obligations
Prescription et nature de l’action : l’enjeu de la qualification
L'article L. 218-2, du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat en vertu de son droit imprescriptible de propriété.
Civ. 1re, 25 mai 2022, n° 21-10.250
L’actualité jurisprudentielle ne permet plus d’ignorer l’enjeu de l’entreprise de qualification sur le terrain de la prescription. De la nature exacte de l’action exercée dépend en effet la prescription devant lui être appliquée. Qu’elle concerne l’action en démolition d’un ouvrage réalisé en violation d’un cahier des charges de lotissement (Civ. 3e, 6 avr. 2022, n° 21-13.891), l’action en résolution d’une vente pour défaut de prix (Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-23.602) ou bien encore l’action en exécution forcée d’une promesse de vente (Civ. 3e, 8 juill. 2021, n° 19-26342), la qualification retenue emporte chaque fois des conséquences immédiates sur le régime de la prescription applicable. Concluant à l’imprescriptibilité de l’action en l’espèce engagée, l’arrêt rapporté en offre une nouvelle et très significative illustration.
Au cas d’espèce, un contrat de location avec option d'achat (LOA) portant sur un véhicule automobile est conclu le 13 août 2010 entre un consommateur et une société de crédit-bail. Au terme du contrat, advenu le 27 octobre 2013, le crédit-preneur ne lève pas l’option d’achat. En dépit d'une mise en demeure adressée le 25 juin 2015, il maintient son choix de ne pas lever l’option et refuse de restituer le véhicule au crédit-bailleur. Ce dernier l'assigne alors en restitution, le 20 avril 2016.
La cour d’appel accueille sa demande : resté propriétaire de son véhicule durant l’exécution du contrat, loué au crédit-preneur sans que ce dernier puisse usucaper, le crédit-bailleur est en droit, le contrat ayant désormais expiré, de revendiquer son bien.
Devant la Cour de cassation, le crédit-preneur se prévaut de l’article L. 218-2 du code de la consommation et invoque à ce titre que « l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur » et non pas, comme l’avait à tort qualifiée la cour d’appel, une action en revendication du véhicule fondée sur le droit de propriété du crédit-bailleur, laquelle est imprescriptible (C. civ. art. 2227).
On comprend donc que pour juger de la prescriptibilité de l’action engagée, la Cour de cassation devait au préalable en déterminer la nature. L’alternative était schématiquement la suivante : soit une action classique en revendication, soit une « action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale », selon les termes au demeurant équivoques du pourvoi dès lors qu’une action « en restitution » peine à première vue à se distinguer d’une action en revendication. Ce qui explique sans doute pourquoi l’argument n’emporte pas la conviction de la Cour, qui voit dans la demande de restitution de son véhicule formée par le crédit-bailleur une action en revendication. En effet, le crédit-bailleur qui demande la restitution de son véhicule n’agit pas en paiement d’une créance. Il demande à recouvrer sa propriété soit, en l’espèce, la restitution du véhicule loué. Dit autrement, son action n’est pas personnelle mais réelle. Elle échappe en conséquence à la prescription extinctive : imprescriptible, le droit de propriété ne s’éteint pas par le non-usage, et la Cour de cassation en a plusieurs fois tiré la conséquence que l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive (Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 90-21.982, et s., P). Ainsi confirme-t-elle en l’espèce l’analyse de la cour d’appel, ayant exactement retenu que l’article L. 218-2 du code de la consommation, instaurant une prescription biennale, ne peut être appliquée à l’action formée par le crédit-bailleur en restitution de son véhicule, resté sa propriété durant le temps où il était loué.
Par ailleurs, le preneur, qui ne possède pas pour lui-même, ne peut prétendre usucaper. La Cour de cassation reprend en ce sens les termes de l'article 2266 du code civil, selon lequel ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit de sorte que le locataire, qui détient précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peut le prescrire. Dans le même sens, elle rappelle avoir déjà jugé, conformément à cette disposition, que l'action en revendication par laquelle le propriétaire d'un meuble en réclame la restitution à celui à qui il l'a remis à titre précaire naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue à l'ancien article L. 311-37 du code de la consommation ne constitue pas un titre pour le locataire et n'est pas applicable à l'action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (Civ. 1re, 20 déc. 1994, n° 93-11.624, P).
Références :
■ Civ. 3e, 6 avr. 2022, n° 21-13.891 : DAE, 19 avr. 2022, D. 2022. 704
■ Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-23.602 : DAE, 31 mars 2022, note Merryl Hervieu, D. 2022. 892, note T. Gérard ; AJ fam. 2022. 346, obs. J. Casey
■ Civ. 3e, 8 juill. 2021, n° 19-26.342 : AJDI 2021. 709
■ Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 90-21.982, et s., P : D. 1993. 306, obs. A. Robert ; ibid. 1994. 582, note B. Fauvarque-Cosson
■ Civ. 1re, 20 déc. 1994, n° 93-11.624, P : RTD com. 1995. 637, obs. B. Bouloc
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