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Principe de laïcité : un blason communal peut-il comporter des éléments à caractère cultuel ?
Un blason communal qui représente des éléments caractéristiques, notamment historiques, géographiques, patrimoniaux, économiques ou sociaux d'une commune, ne peut légalement comporter d'éléments à caractère cultuel sauf s’ils sont directement en rapport avec ces caractéristiques de la commune, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse.
Un conseiller municipal de la petite commune de Moëslains en Haute-Marne, a demandé au juge administratif l'annulation de la délibération du 9 novembre 2015 par laquelle le conseil municipal a adopté un blason communal destiné à être utilisé sur les différents documents municipaux.
Il soutient que le blason litigieux utilise des symboles religieux dans un but et un contexte particulier de prosélytisme et qu'il méconnaît le principe de neutralité du service public à l'égard des cultes, ainsi que l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Toutefois, ni le tribunal administratif, ni la Cour administrative d’appel n’ont fait droit à sa demande. Le Conseil d’État vient également de rejeter son pourvoi.
Les juges du Conseil d’État, précisent qu’il résulte des trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution et les articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée « qu'un blason communal, qui a pour objet de présenter sous forme emblématique des éléments caractéristiques, notamment historiques, géographiques, patrimoniaux, économiques ou sociaux d'une commune, ne peut légalement comporter d'éléments à caractère cultuel que si ceux-ci sont directement en rapport avec ces caractéristiques de la commune, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse ».
En l’espèce, le blason litigieux représente deux volutes opposées, surmontées de deux cônes eux-mêmes placés sous un léopard d'or. Ces volutes évoquent les crosses épiscopales de Saint-Nicolas et Saint-Aubin et se réfèrent aux deux édifices notables du patrimoine communal, l'église Saint-Nicolas et la chapelle Saint-Aubin. Le léopard rappelle le blason d’une famille qui a marqué l'histoire de la commune.
Ainsi, le Conseil d’État estime que la Cour administrative d’appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, « que le blason, pris dans son ensemble, présentait sous forme emblématique des éléments caractéristiques de l'histoire et du patrimoine de la commune et en en déduisant qu'il ne pouvait être regardé comme manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse ».
Dans cette même affaire, le requérant avait demandé au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 28 de la loi de 1905, tel qu'interprété par le Conseil d'État statuant au contentieux. Cet article pour objet d'assurer la neutralité de l'action des personnes publiques à l'égard des cultes. Il s’oppose ainsi à l'installation, dans quelque emplacement public que ce soit, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse. Mais, par une décision du 22 février 2019 (n° 423702), le Conseil d’État a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité. En effet, il a considéré que les dispositions de l’article 28, sous réserve des exceptions expressément prévues au même article, définissent « une interdiction ayant pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes. Telles qu'elles sont interprétées par le Conseil d'État statuant au contentieux, elles s'opposent à toute installation par une personne publique, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse ». « Cette interprétation, en ce qu'elle caractérise " l'élévation ou l'apposition d'un signe ou emblème religieux " par l'installation d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse, ne restreint pas la portée des dispositions qu'elle a pour objet d'expliciter. » Ainsi, le requérant, n'était pas fondé à soutenir « qu'en raison d'une telle restriction, ces dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, méconnaîtraient, dans l'interprétation que leur donne le Conseil d'État statuant au contentieux, le principe constitutionnel de laïcité. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ».
Le principe de laïcité et la loi du 9 décembre 1905 créent, pour les personnes publiques, des obligations en leur imposant notamment de veiller à la neutralité des services publics à l'égard des cultes.
D’autres affaires célèbres mettant en cause un département ou une commune et concernant le principe de laïcité et la loi de 1905 peuvent être rappelés. Ainsi, par exemple, « Le logotype représentant deux cœurs entrelacés surmontés d'une couronne portant une croix, apposé par le département de la Vendée sur le fronton de deux collèges publics, ne correspond pas, en lui-même, à la transposition directe et immédiate d'une scène ou d'un objet du rituel d'une quelconque religion. En admettant même que chacun de ses éléments puisse être dissocié et représenter un motif religieux, ce logotype, qui n'a pas été réalisé dans un but de manifestation religieuse, ni n'a eu pour objet de promouvoir une religion, a pour unique fonction d'identifier, par des repères historiques et un graphisme stylisé, l'action du département. Dès lors, ce logotype ne peut être regardé comme un emblème religieux dont l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État interdit l'apposition sur les édifices publics (CAA Nantes, 11 mars 1999, n° 98NT00357). Sur les conditions de légalité concernant les signes ou emblèmes religieux, V. également le contentieux relatif à l’installation de crèches de Noël dans l’enceinte d’un bâtiment public : CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122 et CE, ass., 9 nov. 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223, ou celui sur l’apposition d’une croix sur le portail d’un cimetière communal : CE, avis, 28 juill. 2017, n° 408920.
Références
■ CAA Nantes, 11 mars 1999, n° 98NT00357 B : RFDA 2000. 1084, concl. C. Jacquier.
■ CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122 A et CE, ass., 9 nov. 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223 A : Dalloz Actu Étudiant 14 nov. 2016 et 23 oct. 2017 ; Lebon, concl. A. Bretonneau ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375 ; D. 2016. 2341, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2456, entretien D. Maus ; ibid. 2017. 345, édito. N. Dissaux ; AJCT 2017. 90, obs. F. De la Morena et M. Yazi-Roman ; RFDA 2017. 127, note J. Morange.
■ CE, avis, 28 juill. 2017, n° 408920 B : Dalloz Actu Étudiant, 11 sept. 2017 ; AJDA 2017. 1589 ; AJCT 2017. 637, obs. Y. Goutal ; ibid. 2018. 613, Pratique M. Bahouala ; ibid. 2019. 489, étude A. Fitte-Duval.
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