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[ 20 octobre 2011 ] Imprimer

Droit des obligations

Promesse unilatérale de vente et rétractation du promettant

Mots-clefs : Promesse unilatérale de vente, Levée de l'option, Rétractation, Vente forcée (non)

La levée de l'option par le bénéficiaire d’une promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée.

Chaque observateur de la planète contractuelle se souvient de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 11 mai 2011. Paradoxalement, cet arrêt a fait grand bruit parce qu’il n’a opéré aucune modification du droit positif, alors que tous les experts contractuels avaient prédit qu’il réaliserait sans doute le revirement de l’année en matière contractuelle.

La question que la Cour de cassation devait trancher portait sur la sanction de la rétractation par le promettant de l’engagement contractuel que celui-ci souscrit dans une promesse unilatérale de contrat. Depuis un arrêt rendu le 15 décembre 1993 par sa troisième Chambre civile, qui a inauguré une séquence jurisprudentielle sévèrement critiquée par la majorité des auteurs contemporains, la Cour de cassation décide, en effet, que la sanction de cette faute ne peut résider que dans la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle, laquelle se traduit par l’allocation de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire. Pour refuser de prononcer l’exécution forcée de la promesse unilatérale de contrat, en clair la formation forcée du contrat promis, la Cour de cassation se fondait :

– d’une part, sur l’article 1142 du Code civil, qui exclut l’exécution forcée en nature des obligations de faire et de ne pas faire ;

– et, d’autre part, sur l’idée que la rétractation du promettant empêchant fatalement toute rencontre des volontés, la formation du contrat promis était nécessairement exclue.

Solution et motivations critiquables et critiquées, puisque, comme chacun le sait :

– en premier lieu, en dépit de la lettre de l’article 1142 du Code civil, toutes les obligations peuvent aujourd’hui se résoudre, en cas d’inexécution, par une exécution forcée en nature ;

– en second lieu, l’arrêt faisait abstraction du principe de l’irrévocabilité unilatérale des contrats édicté par l’article 1134, alinéa 2, du Code civil, en vertu duquel un contractant ne saurait efficacement révoquer son engagement contractuel, de façon unilatérale.

Tant et si bien que malgré la volonté du promettant d’être délié de son engagement, la volonté du bénéficiaire de conclure le contrat peut donc rencontrer sa propre volonté de contracter que la promesse unilatérale de contrat a précisément pour effet de rendre irrévocable le temps de la durée de l’option contractuellement fixée. En somme, grâce à la promesse unilatérale, la formation du contrat promis dépend exclusivement de la volonté unilatérale du bénéficiaire de la promesse unilatérale, mais elle est indifférente aux circonvolutions psychologiques du promettant dont le consentement à ce contrat est d’ores et déjà définitivement et irrévocablement exprimé.

Le 11 mai 2011, la troisième chambre civile de la Cour de cassation n’a pas, contre toute attente, opéré le revirement de jurisprudence et annoncé par la majorité de la doctrine. Certes, elle a renoncé au support erroné que constituait l’article 1142, mais elle a réitéré sa jurisprudence en se fondant sur l’article 1101. C’est donc parce que la rétractation du promettant exclut toute rencontre de sa volonté de contracter avec celle exprimée par le bénéficiaire que la formation du contrat promis est exclue.

Alors que cet arrêt concernait une promesse unilatérale de vente immobilière, l’arrêt rendu, dans un sens identique, par la chambre commerciale de la Cour de cassation concerne, pour sa part, une promesse de cession d’actions. C’est la seule différence notoire avec l’arrêt susvisé de la troisième chambre civile. Comme celle-ci, au visa notamment de l’article 1101 du Code civil, la chambre commerciale reprend la formule de la troisième chambre civile aux termes de laquelle « la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée ».

Ainsi soit-il…

Com. 13 sept. 2011, pourvoi n°10-19.526

Références

Civ. 3e, 11 mai 2011, n°10-12.875, v. Dalloz Actu Étudiant, « À vos copies », 22 juin 2011 ; Dalloz Actu Étudiant, « Le Billet », 25 mai 2011 ; D. 2011.1454 ; D. 2011. 1460.

Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-14.999.

Code civil

Article 1101

« Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. »

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Article 1142

« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur. »

 

Auteur :D. M.

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