Actualité > À la une
À la une
Droit administratif général
Quels sont les pouvoirs de police du maire face aux cultures d’OGM dans sa commune ?
Mots-clefs : OGM, Pouvoir de police générale du maire, Pouvoir de police spéciale, Autorités étatiques, Répartition des compétences, Principe de précaution
Un maire ne peut s’immiscer en aucun cas dans l’exercice d’une police spéciale de la dissémination volontaire des OGM confiée à l’État en édictant une réglementation locale, a précisé le Conseil d’État dans une décision rendue le 24 septembre 2012.
Le maire de Valence avait pris en 2008 un arrêté interdisant la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ dans certaines zones de sa commune pour trois ans, en se fondant notamment sur le principe de précaution. Le tribunal administratif, saisi par déféré préfectoral, annule cet arrêté, annulation confirmée par les juges du fonds et par le Conseil d’État.
Les juges du Palais Royal opèrent une distinction stricte entre le pouvoir de police spéciale appartenant à l’État et le pouvoir de police générale du maire. Reprenant son argumentation développée dans trois décisions du 26 octobre 2011 reconnaissant la compétence exclusive des autorités de l’État pour l’implantation des antennes relais de téléphonie mobiles, le Conseil d’État applique ce raisonnement dans le domaine des OGM. Il précise que « le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés, confiée à l’État, dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, de prévoir les atteintes à l’environnement et à la santé publique pouvant résulter de l’introduction intentionnelle de tels organismes dans l’environnement » (C. envir., art. L. 533-3). Ainsi, le Conseil rappelle que le maire, responsable de l’ordre public dans sa commune, prend, à ce titre, des mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique. Toutefois, ces pouvoirs ne lui donnent en aucun cas la possibilité de s’immiscer dans une réglementation qui relève du domaine d’une police spéciale de l’État. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement que le principe de précaution, s'il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions. Ainsi, ce principe ne donne pas aux maires la possibilité de réglementer la culture de plantes génétiquement modifiées sur leur territoire afin de protéger de ce type de culture les exploitations avoisinantes. Un maire ne peut donc justifier de l’édiction d’un arrêté interdisant les OGM au nom du principe de précaution.
Il convient toutefois de souligner que la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié a été suspendue par arrêté du ministre de l’Agriculture en date du 16 mars 2012 (JO 18 mars) à la suite de l’annulation d’un précédent arrêté par le Conseil d’État le 28 novembre 2011.
CE 24 sept. 2012, Commune de Valence, n° 342990
Références
[Droit administratif/Droit de l’environnement/Droit général]
« Principe, issu du droit de l’environnement, selon lequel “ l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ”. Il a accédé au rang de règle obligatoire, mais sa nature juridique exacte et sa portée sont encore incertaines.
Dans une conception plus large il représente un principe d’orientation des décisions publiques, spécialement en matière de santé humaine, animale ou végétale, selon lequel l’absence de certitudes scientifiques sur la réalité d’un risque ne doit pas empêcher de prendre des mesures de prévention raisonnables en vue d’en prévenir la réalisation, comme l’interdiction d’importer certains produits suspectés d’être porteurs d’un risque (organismes génétiquement modifiés, par ex.). Beaucoup de partenaires commerciaux de l’Union européenne, et l’Organisation mondiale du commerce, s’opposent à cette conception dans laquelle ils voient un moyen de protectionnisme commercial déguisé.
À propos du prétendu danger du fait des ondes émises par les antennes relais de téléphonie mobile, plusieurs juges des référés ont fait interdiction d’implanter de telles antennes (ou ordonner de les enlever) sur le fondement du principe de précaution. »
Source : S. Guinchard, T. Debard, Lexique des termes juridiques 2013, 20e éd., Dalloz, 2013.
« Activité spécifique de prescription, consistant à réglementer des activités privées en vue du maintien de l’ordre public, pouvant donner lieu à des actions matérielles. Le terme de police désigne aussi les agents qui accomplissent cette activité. (…)
2. Police générale – Polices spéciales
On peut différencier, au sein de la police administrative, la police générale et les polices spéciales. La police administrative générale vise le maintien de l’ordre public, elle est exercée par les seules autorités investies du pouvoir de police générale (à l’échelon national, le président de la République – CE 8 août 1919, Labonne, Rec. 737; et surtout le Premier ministre, titulaire du pouvoir réglementaire général – CE 13 mai 1960, SARL « Restaurant Nicolas », Rec. 324; le maire dans sa commune – police municipale; le préfet dans le département). Les polices spéciales se définissent par un objet plus précis (chasse, pêche, établissements classés, affichage, cinéma, étrangers, édifices menaçant ruine…). De plus, l’autorité compétente, désignée par le texte instituant la police spéciale, peut ne pas être dotée normalement du pouvoir de police (un ministre par ex., attribution au ministre de l’Intérieur de la police des publications étrangères par la loi du 29 juill. 1881). Police générale et polices spéciales étant susceptibles de se chevaucher, la jurisprudence a posé les principes régissant les concours de polices : CE 18 avril 1902, maire de Néris-les-Bains, Rec. 275, pour le concours entre deux polices générales; CE 18 décembre 1959, Sté les Films Lutétia, Rec. 693, à propos du concours entre une police générale et une police spéciale. »
Source : A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 6e éd., Sirey, 2011.
■ Article L. 533-3 du Code de l’environnement
« Toute dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés à toute autre fin que la mise sur le marché, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable. »
■ Article 5 de la Charte de l’environnement de 2004
« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.»
■ CE 26 oct. 2011, Cne de Saint-Denis, n° 326492, Cne des Pennes-Mirabeau, n° 329904 ; SFR, n°341767, Dalloz actu étudiant, 14 nov. 2011, Dalloz Actu Étudiant14 nov. 2011.
■ CE 28 nov. 2011, Monsanto SAS, n° 313605 ; AJDA 2011. 2324.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une