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Droit des obligations
Rappel des règles d’application dans le temps de la loi « Macron » relatives aux clauses de non-concurrence post-contractuelles
Les dispositions de l'article L. 341-2 du Code de commerce réputant non écrites les clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un contrat de distribution, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant, introduites par l'article 31, II, de la loi du 6 août 2015, ne s’appliquent pas aux contrats en cours lors de leur entrée en vigueur le 6 août 2016.
Com. 30 août 2023, n° 22-20.076
Une société placée à la tête d’un réseau de distribution spécialisé dans le rachat de l'or avait signé plusieurs contrats de franchise avec une société exploitant des boutiques d'achat et de vente de ce métal. Outre une exclusivité territoriale stipulée au profit du franchiseur ces contrats contenaient une clause de non-concurrence post-contractuelle aux termes de laquelle pendant une durée d'un an à compter de leur date de cessation, et pour quelque cause que ce soit, le franchisé s'engageait expressément à ne pas poursuivre une activité concurrente à celle du concédant, portant sur la vente ou l'achat de métaux précieux dans le territoire concédé, sous quelque forme que ce soit et, notamment, en qualité d'entrepreneur individuel, mandataire social, associé, salarié, prestataire de services ou membre d'un réseau concurrent. Soutenant que certaines clauses du contrat, dont la clause précitée, étaient abusives au sens du Code de commerce, la société franchisée avait, le 31 juillet 2014, assigné son cocontractant en réparation de son préjudice.
La cour d’appel de Paris réputa non écrites les clauses litigieuses sur le fondement de l’article L. 341-2 du Code de commerce, issu de la loi « Macron » du 6 août 2015 (loi n° 2015-990) relative à l’abus de certaines pratiques commerciales qui, pour le pourchasser, a notamment prévu de neutraliser les clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un contrat de distribution, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant (« Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite ») . Invoquant l’inapplicabilité de cette loi au litige, le franchiseur a formé un pourvoi en cassation au moyen qu’une loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été conclu.
Au visa des articles 2 du Code civil et 31, II, de la loi « Macron » de 2015, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle procède d’abord au rappel du principe général d’application de la loi dans le temps selon lequel la loi n'a point d'effet rétroactif. Il en résulte que, sauf rétroactivité expressément prévue par le législateur, la validité des contrats reste régie par la loi sous l'empire de laquelle ils ont été conclus ; ensuite, elle souligne que selon le second texte de droit spécial (l'article L. 341-2 du Code de commerce), le nouveau dispositif s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.
Or la chambre commerciale relève que pour réputer non écrite la clause de non-concurrence post-contractuelle, l'arrêt d’appel a retenu que l'article 31, II, de la loi du 6 août 2015, ayant prévu un report d’application du texte d'une durée d’un an à compter de la promulgation de la loi, était applicable au litige. Les juges d’appel ont en ce sens relevé que les contrats de franchise avaient été conclus entre les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durée de cinq années, qu'ils étaient arrivés à échéance les 5 mars et 8 juillet 2016, qu’ils n’avaient pas été renouvelés et que la clause de non-concurrence post-contractuelle, stipulée pour une durée d'une année, était donc en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi, le 6 août 2016. La Haute cour juge qu’en statuant ainsi, en l'absence de disposition expresse du législateur prévoyant une application de la loi du 6 août 2015 aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les textes visés (v. déjà Com. 16 févr. 2022, n° 20-20.429).
Révélateur de la force d’influence et d’expansion du droit de la consommation, en particulier du droit des clauses abusives, sur les autres branches du droit, ici sur le droit commercial, l’article L. 341-2 issu de la loi Macron fonde le contrôle des clauses restrictives de la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant, le critère de l’abus résidant dans l’atteinte à « l’activité commerciale » de la partie faible au contrat. Cette extension du champ du contrôle judiciaire des clauses abusives (comp. not. en droit de la concurrence, C. com. art. L 442-1, I, 2 ; et en droit commun du contrat, C. civ., art. 1171) trouve toutefois une limite dans les règles générales relatives à l’application de la loi dans le temps. Ainsi, en l’espèce, l’inapplicabilité ratione temporis de l’article L. 341-2 issu de la loi Macron se justifie, d’une part, au regard du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, visant à empêcher celle-ci d’exercer une emprise sur les conditions de validité d’une situation juridique légale ou contractuelle passée : une situation régulièrement constituée sous l’empire de la loi ancienne ne pourra être invalidée par la loi nouvelle, sauf décision du législateur de déclarer la loi nouvelle expressément rétroactive. C’est la raison pour laquelle les juges parisiens ne pouvaient faire application de la loi Macron dont le dispositif transitoire avait prévu que le nouveau texte de l’art. 341-2 ne s'appliquerait qu’à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, sans ajouter que cette loi prévoyait expressément de rétroagir sur la validité des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur. Contraire à l’article 2 du code civil, une telle application rétroactive de la loi nouvelle n’était pas, d’autre part, justifiée par le dispositif transitoire, reportant au contraire la date d’application de la loi, normalement applicable dès son entrée en vigueur (en vertu du principe complémentaire de l’application immédiate de la loi nouvelle). Cette absence de rétroactivité expresse dans le dispositif, ni dans aucune autre disposition de la loi, susceptible d’avoir pour effet d’invalider une clause valablement stipulée antérieurement, justifie la cassation. Le contrôle de l’abus prévu par le dispositif Macron se trouve donc paralysé par les règles générales d’application du droit objectif dont la Cour de cassation fait une classique application.
Référence :
■ Com. 16 févr. 2022, n° 20-20.429 : A vos copies, DAE, 15 mars 2022, note Merryl Hervieu, D. 2022. 1022, note C. Lledo ; ibid. 1419, chron. S. Barbot, C. Bellino, C. de Cabarrus et S. Kass-Danno ; ibid. 2255, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra (EA n° 4216) ; ibid. 2023. 254, obs. R. Boffa et M. Mekki
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