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[ 13 mai 2025 ] Imprimer

Droit du travail - relations collectives

Représentativité : les résultats de la 4e mesure d'audience sont disponibles

Depuis 2008 l'audience des syndicats est mesurée tous les 4 ans aux niveaux national et interprofessionnel. Les résultats du cycle 2021-2024 viennent d’être présentés par le ministère du travail. Si cette nouvelle mesure n’entraine aucun bouleversement majeur dans le paysage syndical français, elle reste un moment clé pour déterminer les organisations représentatives et leur poids respectif lors des prochaines négociations nationales interprofessionnelles (source : https://www.elections-professionnelles.travail.gouv.fr/web/guest/actualites).

Les conditions de la représentativité

La représentativité – concept apparu en 1919 – est la qualité requise pour qu’un syndicat puisse exercer certaines prérogatives spécifiques. Elle permet d’opérer une sélection entre les différentes organisations sans pour autant conférer ce pouvoir de reconnaissance au gouvernement. En 2008, afin de renforcer la légitimité de l’action syndicale, le législateur a profondément réformé les règles la régissant. La loi du 20 aout 2008 a d’une part supprimé la présomption irréfragable de représentativité découlant jusqu’alors de la simple affiliation d’un syndicat à une confédération reconnue comme représentative sur le plan national et interprofessionnel. Elle a d’autre part identifié les 7 critères cumulatifs à remplir pour prétendre être représentatif : le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, l’ancienneté, l’influence, les effectifs et l’audience. (L. 2121-1 c. trav). La loi du 5 mars 2014 a, pour sa part, précisé les conditions de la représentativité applicables aux organisations patronales, en fixant 6 critères, incluant également l’audience. (L. 2151-1 c. trav). La représentativité n’est toutefois ni générale ni définitive : elle est valable pour un niveau donné et pour une période donnée. S’agissant des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, leur représentativité est vérifiée tous les 4 ans, à l’issue d’un processus permettant en particulier de mesurer leur audience. La première mesure date de 2013, la seconde de 2017, la troisième de 2021. Le 8 avril 2025, les nouveaux résultats ont été présentés par le ministère du travail aux interlocuteurs sociaux réunis au sein du Haut Conseil du dialogue social. 

Les scores des organisations syndicales et patronales

L’audience syndicale et patronale ne se calcule pas du tout selon les mêmes modalités. L’audience des syndicats de salariés repose sur une logique électorale (L. 2122-9 c. trav). Elle correspond à l’agrégation des résultats enregistrés par les différentes organisations lors des scrutins du premier tour des élections des CSE entre 2021 et 2024, le scrutin syndical TPE qui s’est tenu en fin d’année 2024 et les élections aux chambres départementales d’agriculture qui se sont déroulées en janvier 2025. Les principales organisations syndicales ont obtenu les résultats suivants : CFDT: 26,58 % - CGT: 22,21 % -CGT-FO : 14,91 % - CFE-CGC : 12,95 % - CFTC : 9,58 % - UNSA : 6,45 % - SOLIDAIRES : 3,75 %. Pour remplir le critère de l’audience, le score obtenu doit atteindre au moins 8 %. Ainsi, comme lors des précédentes mesures, seules cinq confédérations (CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC) atteignent ce seuil, avec des résultats globalement stables. 

L’audience des organisations patronales repose quant à elle sur une logique d’adhésion des entreprises (L. 2152-4). Afin de refléter la diversité du tissu économique et d’assurer une représentation équilibrée entre les petites et les grandes entreprises, deux critères d’appréciation de l’audience co-existent. Il est tenu compte soit du nombre d’entreprises adhérentes à l’organisation patronale (critères favorisant les PME) soit du nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes (critères favorisant les grandes entreprises). Là encore, pour être représentatif au niveau national et interprofessionnel une organisation doit afficher un score d’au moins 8 %. Le Medef, la CPME et l’U2P demeurent, comme précédemment, représentatives. Toutefois, en fonction du critère d’audience retenu, l’organisation majoritaire n’est pas la même. Selon le critère du nombre d’entreprises adhérentes, la CPME est en tête (39,66 %) mais si l’on considère le nombre de salariés représentés par ces entreprises, le MEDEF prédomine avec 63,42%.

Les conséquences de la nouvelle mesure

Si les organisations remplissant le critère d’audience restent inchangées au niveau national, la nouvelle mesure demeure déterminante en ce qu’elle modifie un peu leur poids respectif. La principale prérogative attachée à la qualité d'organisation représentative correspond à la capacité de négocier des accords collectifs. Au niveau national, seules les organisations syndicales et patronales représentatives peuvent négocier les accords interprofessionnels (par ex. ANI du 10 février 2023 sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise, ANI du 5 octobre 2023 sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, Protocole d’accord du 10 novembre 2023 sur l’assurance chômage). Ces mêmes organisations doivent également être invitées à une concertation en vue d’une éventuelle négociation avant tout projet de réforme en droit du travail (L. 1 C. trav.). Pour être valable, de tels accords doivent être signés, du côté patronal, par au moins une organisation représentative, sans condition de seuil d’audience, et, du côté salarial, par une ou plusieurs organisations ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives (art. L. 2232-2 C. trav.). Toutefois, les organisations syndicales non-signataires totalisant plus de 50 % des suffrages peuvent former opposition, empêchant ainsi l’entrée en vigueur de l’accord. Avec un score de 30,83 % la CFDT peut donc, par sa seule signature, conclure un accord. Viennent ensuite la CGT (25,76 %), la CGT-FO (17,29 %), la CFE-CGC (15,02 %), la CFTC (11,10%). Le poids respectif des organisations patronales est, quant à lui, déterminant pour apprécier leur capacité à s’opposer à l’extension d’un accord. Pour pouvoir être étendu, un accord interprofessionnel ne doit pas avoir fait l'objet dans un délai d'un mois à compter de la publication par l'autorité administrative d'un avis d'extension au Journal officiel, de l'opposition écrite et motivée d'une ou de plusieurs organisations professionnelles d'employeurs représentatives majoritaires. Pour calculer la majorité de 50 %, il convient de se référer au score d’audience établi en fonction du nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes (art. L. 2261-19 c. trav.), ce qui place le MEDEF, avec un score de 63,42 %, en position d'arbitre. 

Outre la question de l’audience des organisations nationales interprofessionnelles, le Haut Conseil au dialogue social a pour mission de donner un avis au ministre du travail sur la liste des organisations syndicales représentatives par branches professionnelles. À l’issue de ce processus, différents arrêtés seront adoptés afin d’identifier, au sein de chaque branche, les organisations représentatives ainsi que leur poids respectif dans la négociation.

 

Auteur :Chantal Mathieu


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