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Droit des obligations
Résolution unilatérale par voie de notification du contrat de bail : la mise en demeure préalable n’est pas nécessaire lorsqu’elle est vaine
Le locataire qui souhaite résoudre le contrat de bail unilatéralement par voie de notification n’a pas à délivrer une mise en demeure préalable au bailleur dès lors que celle-ci eut été vaine, le comportement du dirigeant de la société bailleresse étant en effet d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles.
Civ. 3e, 25 janv. 2024, n° 22-16.583
En l’espèce, un bailleur avait consenti à une société trois baux commerciaux sur des locaux dépendant d’un même immeuble. Quelques mois plus tard, la locataire a quitté les biens donnés à bail et cessé le paiement des loyers. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la locataire a justifié son départ par les agissements du gérant de la société bailleresse lui reprochant de s'être régulièrement introduit dans les locaux loués et d'y avoir eu des comportements déplacés envers plusieurs de ses salariées. La bailleresse a assigné la locataire en paiement des loyers postérieurs au départ de celle-ci. La locataire a reconventionnellement sollicité le prononcé de la résiliation des baux à effet de la date de son départ. La Cour d’appel a retenu que le comportement déplacé et inapproprié du gérant de la société bailleresse à l’égard des salariées de la société locataire était de nature à porter atteinte à la jouissance paisible des locaux loués. Ces éléments justifiaient ainsi la résiliation du bail sans qu’il pût être exigé une mise en demeure préalable. La société bailleresse s’est alors pourvue en cassation, reprochant à la juridiction du fond une violation de l'article 1226 du Code civil, aux termes duquel si le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, il doit, sauf urgence, préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la résolution résulte soit d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice (C. civ., art. 1224). Si le créancier résout ainsi le contrat par voie de notification, il le fait à ses risques et périls et doit, sauf urgence, préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable (C. civ., art. 1226).
La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi formé par le bailleur au motif que, la Cour d’appel ayant établi que le comportement du dirigeant de la société bailleresse était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, une mise en demeure préalable, qui eut été vaine, n’était pas nécessaire pour résilier le bail. Plus précisément, il est relevé qu’à l'occasion de visites journalières dans les locaux loués, celui-ci avait eu des gestes déplacés à l'égard des salariées de la locataire. La cour d’appel avait alors considéré que le comportement du gérant de la société bailleresse était de nature à porter atteinte à la jouissance paisible des locaux loués par la locataire, dont le personnel était constitué à 80 % de femmes, et justifiait la résiliation du bail sans qu'il puisse être exigée une mise en demeure préalable.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation applique ainsi au bail commercial la règle prétorienne nouvelle très récemment affirmée en matière de contrats de prestations de services par la chambre commerciale, écartant la condition liée à la mise en demeure du débiteur défaillant lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine (Com. 18 oct. 2023, n° 20-21.579).
Références :
■ Com. 18 oct. 2023, n° 20-21.579 P : DAE, 10 nov. 2023, note M. Hervieu ; D. 2023. 2169, note S. Tisseyre.
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