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[ 12 juin 2015 ] Imprimer

Droit administratif général

Un contrôle de plus en plus rigoureux du juge administratif concernant les sanctions disciplinaires en prison

Mots-clefs : Pouvoirs du juge, Nature du contrôle, Contrôle du juge de l’excès de pouvoir, Contrôle normal, Contrôle restreint, Sanction disciplinaire, Détenu

Dans un arrêt du 1er juin, le Conseil d’État décide désormais que le juge administratif doit exercer un contrôle normal des sanctions disciplinaires infligées aux détenus. 

Depuis plusieurs années, le juge administratif contrôle la légalité d’un nombre croissant de décisions relatives aux personnes détenues. Des mesures, considérées autrefois comme des mesures d’ordre intérieur et donc insusceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir sont maintenant contrôlées par le juge administratif.

Concernant les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre d’un détenu, c’est en 1995 dans la décision d’assemblée Marie que le Conseil d’État s’est pour la première fois déclaré compétent pour connaître d’une sanction de mise en cellule de punition de huit jours avec sursis (17 févr. 1995, Marie, n° 97754). En l’espèce, ce détenu avait formé une réclamation car il ne parvenait pas à se faire donner les soins nécessaires à son état, le directeur de la maison d’arrêt lui avait alors infligé une sanction disciplinaire. Selon le Conseil d’État : « si la lettre de M. X. énonce des critiques dans des termes peu mesurés, elle ne contient ni outrage, ni menace, ni imputation pouvant être qualifiés de calomnieux ; […] dès lors, en prenant la décision attaquée, le directeur de la maison d'arrêt dont la décision a été implicitement confirmée par le directeur régional des services pénitentiaires, s'est fondé sur des faits qui ne sont pas de nature à justifier une sanction ».

Jusqu’à la décision du 1er juin 2015 (n° 380449), l’étendue du contrôle juridictionnel, c’est-à-dire, le contrôle de la qualification juridique des faits des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre d’un détenu était un contrôle restreint ou contrôle minimum. Le juge administratif censurait uniquement d’éventuelles erreurs manifestes d’appréciation concernant le choix de la sanction infligée. 

Avec la décision du 1er juin 2015, le Conseil d’État opère un revirement concernant la nature du contrôle appliquée aux sanctions disciplinaires des détenus. Ainsi, le juge doit exercer un contrôle normal sur la sanction infligée à un détenu, en vérifiant qu'elle n'est pas disproportionnée à la gravité des faits reprochés à ce dernier.

En l’espèce, le directeur de la maison centrale de Clairvaux avant placé un détenu en cellule disciplinaire pour vingt-cinq jours en raison d’une agression physique perpétrée sur un codétenu. Le détenu sanctionné avait contesté cette décision.

La Cour d’appel (Nancy, 13 févr. 2014, n° 13NC01290) avait considéré que le fait de poignarder un codétenu constituait une faute disciplinaire passible d’une mise en cellule disciplinaire pouvant aller jusqu’à trente jours et que «eu égard à la gravité de la faute commise et au passé violent de M. C. en détention, l'administration pénitentiaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ordonnant […] le placement en cellule disciplinaire de l'appelant pour une durée de vingt-cinq jours ».

Or, le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy car il considère désormais qu’il appartenait à cette Cour « de rechercher si cette sanction était proportionnée à la gravité de la faute reprochée ». La Cour d’appel a donc commis une erreur de droit et l’affaire lui est renvoyée.

Cette jurisprudence rejoint la liste des contentieux ayant basculé ces dernières années d’un contrôle restreint à un contrôle normal. Il s’agit notamment du contrôle exercé sur les sanctions infligées aux professionnels (CE 22 juin 2007, Arfi, n° 272650), aux administrés (CE 19 févr. 2009, Sté Atom, n° 274000) ou encore aux agents publics (CE, ass., 13 nov. 2013, n° 347704).

CE 1er juin 2015, n° 380449

Références

■ CE, ass., 17 févr. 1995Marie, n° 97754, Lebon 82, AJDA 1995. 420, RFDA 1995. 353, concl. P. Frydman ,ibid. 822, note F. Moderne.

 CAA Nancy, 13 févr. 2014, n° 13NC01290.

■ CE 22 juin 2007Arfi, n° 272650, LebonRFDA 2007. 1199, concl. M. Guyomar.

■ CE 19 févr. 2009, Sté Atom, n° 274000, au Lebon avec les conclusions , AJ pénal 2009. 189, obs. E. Péchillon; RFDA 2009. 259fileadmin/actualites/pdfs/JUIN_2015/272650_RFDA.pdf, concl. C. Legras, Constitutions 2010. 115, obs. O. Le Bot.

■ CE, ass., 13 nov. 2013, n° 347704, Dalloz Actu Étudiant 26 nov. 2013, LebonAJDA 2013. 2228 , RFDA 2013. 1175fileadmin/actualites/pdfs/JUIN_2015/347704_RFDA.pdf, concl. R. Keller.

 

Auteur :C. G.

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