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L’action de groupe en 2023
L'action de groupe, introduite en 2014 permet à des personnes victimes de litiges de masse (un même dommage de la part d'un professionnel ou d'une personne publique) d’être indemnisés en un seul procès grâce à l’action d’une association. Presque 10 ans après sa création dans le droit français, un bilan est dressé. Nous revenons vers l’UFC-Que Choisir (v. Dalloz actu étudiant, 2014) pour nous exposer les améliorations attendues de ce dispositif. Cédric Musso, directeur de l’Action Politique en son sein, a bien voulu répondre à nos questions.
Quel est actuellement le champ d’application des actions de groupe ?
Conformément à la loi de 2014, l’action de groupe « consommation et concurrence » concerne l’ensemble des litiges nés d’un manquement d’un professionnel à ses « obligations légales et contractuelles » vis-à-vis de ses clients « à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ; ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles », et ayant occasionné un préjudice patrimonial/économique [dispositions introduites dans le Code de la consommation, art. L. et R. 623-1 s.]. Si au moment de la discussion de la loi, le périmètre ne semblait souffrir d’aucune ambiguïté, une interprétation restrictive des magistrats a entendu réduire aux seules obligations contenues dans le Code de la consommation, excluant par exemple les baux d’habitation. Le législateur est venu préciser par la suite que les obligations légales visées sont bien celles « relevant ou non du présent code » et que la location immobilière est bien couverte… Mais l’interprétation restrictive demeure notamment s’agissant de la notion de « fourniture de service » (par exemple, les ordonnances du juge de la mise en l’état dans les actions de groupe contre le LCL et Free mobile).
Depuis la loi HAMON, l’action de groupe a été étendue au domaine de la santé, de l’environnement, des discriminations, et des données personnelles avec des variantes s’agissant des préjudices indemnisables mais aussi de l’architecture même de la procédure, avec notamment des mises en demeure obligatoire plusieurs mois avant le lancement de l’action. Cela induit une complexité inutile, comme l’a d’ailleurs récemment relevée la Défenseure des droits. Depuis 2014, l’UFC-Que Choisir, qui a initié 9 actions de groupe, a plaidé pour une rationalisation, une correction des imperfections, législatives et une véritable amélioration de la procédure.
Plus particulièrement, quelles sont les demandes que vous avez formulées ?
Si le débat autour du bilan décevant de « l’action de groupe à la française » s’est souvent cristallisé autour d’un élargissement de la saisine à de nouveaux acteurs, l’UFC-Que Choisir a toujours indiqué que le cœur du problème tenait davantage au champ d’application, particulièrement la nature des préjudices indemnisables, plaidant pour que l’ensemble des préjudices puisse être réparés par cette procédure. De même, afin de concentrer les moyens et d’accroître la formation des magistrats sur cette procédure, l’association a plaidé pour que des juridictions spécialisées soient appelées à connaître de l’action de groupe. Par souci de simplicité, l’UFC-Que Choisir demandait également une unification des différents régimes d’action de groupe, un assouplissement de certains formalismes inutiles (suppression de la mise en demeure obligatoire plusieurs mois avant le lancement de l’action)… Surtout, alors que l’action de groupe, souffre comme l’ensemble de la Justice, de délais procéduraux excessivement longs (des actions de groupes engagées en 2016 ne sont toujours pas définitivement jugées), nous avons appelé à un plus grand encadrement calendaire des procédures avec des délais maximum pour la phase de mise en l’état afin de couper court à la multiplication des incidents de procédure soulevés par la défense. La plupart de nos demandes ont été reprises dans le rapport sur le bilan de l’action de groupe et par la Défenseure des droits. Avec la nécessaire transposition de la Directive sur l’action de groupe européenne, nous avons plaidé pour que celle-ci permette de réformer l’action de groupe interne.
Quelles améliorations sont attendues avec la proposition de loi votée à l’unanimité le 8 mars 2023 en première lecture par l’Assemblée nationale ?
La proposition de loi adoptée, à l’unanimité par l’Assemblée nationale, reprend les recommandations du rapport parlementaire, et donc nombre de nos demandes : unification des différents régimes, périmètre explicitement large quant aux litiges concernés (violation des obligations légales et contractuelles), réparation de tous les préjudices, mise en place de juridictions spécialisées, suppression de la mise en demeure préalable obligatoire. Nous avons aussi obtenu le maintien de la procédure simplifiée (le professionnel notifie directement la décision à ses clients les invitant simplement à se signaler auprès de lui s’ils veulent être indemnisés). De manière pragmatique, nous avons réussi à supprimer le fait qu’en cas de transaction, il faille obtenir l’accord de tous les consommateurs éligibles dès lors que la procédure indique bien que nous avons mandat à cette fin. Reste néanmoins l’épineux sujet des délais procéduraux qui n’est absolument pas traité par le texte adopté par l’Assemblée nationale. Nous allons donc tenter d’obtenir des améliorations supplémentaires au Sénat.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
L’année de licence, et plus particulièrement les cours de Droit international public.
Quels sont vos héros et héroïne de fiction préférés ?
Athos dans les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d’expression.
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