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[ 20 novembre 2023 ] Imprimer

49 al. 3 : le Gouvernement a utilisé sa cartouche, rendez-vous à la prochaine session parlementaire

Ce lundi 13 novembre, le Gouvernement Borne a fait usage, pour la 17e fois en 18 mois, des dispositions de l’article 49 al. 3 en vue de l’adoption du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027.

Particularité, c’est Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement qui, au nom de la Première ministre, a engagé la responsabilité du Gouvernement sur ce projet de loi.

Trois semaines plus tôt, le 25 septembre, le Gouvernement avait déjà eu recours aux dispositions du 49 al. 3 lors de l’examen de ce même texte, en première lecture, devant l’Assemblée nationale. Autre particularité : le Parlement était alors réuni en session extraordinaire.

Ce point est important alors que le cadre d’utilisation du 49 al. 3 distingue deux cas de figure :

Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale pour lesquelles le Gouvernement est autorisé à utiliser cet article autant de fois qu’il le souhaite – ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision portant sur la constitutionnalité de la loi de finances pour 2023 (Cons. const. 29 déc. 2022, Loi de finances pour 2023, n° 2022-847 DC).

Une possibilité qui s’entend pour toutes les catégories de lois de finances telles que définies à l’article 1er de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ce qui permet au Gouvernement d’y avoir recours, au cours d’une même session parlementaire, pour la loi de finances initiale, les lois de finances rectificatives, la loi de finances de fin de gestion, la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ainsi que les lois adoptées selon les procédures accélérées (loi partielle et loi spéciale prévues par les dispositions de l’art. 45 LOLF).

De même pour les lois de financement de la sécurité sociale qu’elles soient initiales, rectificatives ou d’approbation des comptes de la sécurité sociale (CSS, art. LO 111-3, dans sa version issue de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022).

2e cas de figure, la possibilité pour le Gouvernement d’y avoir recours une fois par session pour un projet de loi ou une proposition de loi autre que ces lois de finances et de financement.

La question était alors posée : à quel titre doit être comptabilisée l’utilisation du 49 al. 3 pour l’adoption de cette loi de programmation des finances publiques ? Ce projet de loi peut-il être considéré comme une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale auquel cas, le Gouvernement serait en droit d’utiliser le 49 al. 3 autant de fois qu’il le souhaite ? Ou ce projet doit-il être distingué de ces lois de finances et de financement, dans ce cas il doit être identifié comme le texte interdisant le recours au 49 al. 3 pour le reste de la session.

Le 25 septembre, le Gouvernement avait fait usage du 49 al. 3 à l’occasion de la session extraordinaire.

Avec l’ouverture de la session ordinaire, les compteurs étaient donc remis à zéro.

En faisant usage du 49 al. 3 ce 13 novembre, pour l’adoption de cette loi de programmation, le Gouvernement s’est interdit d’y recourir pour un autre projet ou proposition de loi. En effet, si la loi de programmation se présente clairement comme un texte financier, elle n’en est pour autant ni une loi de finances ni une loi de financement lesquelles sont clairement énumérées par les dispositions organiques précitées.

Durant le reste de cette session parlementaire, le Gouvernement n’est autorisé à utiliser les dispositions du 49 al. 3 que pour les lois de finances et les lois de financement qui viendront ponctuer la fin de l’exercice budgétaire 2023 et le premier semestre de l’exercice budgétaire 2024. En pratique, cela peut concerner :

■ les lois de finances et de financement pour 2024 ;

■ la loi de finances de fin de gestion déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2023 ;

■ le cas échéant les lois qui pourraient peut-être être adoptées selon les procédures accélérées en décembre 2023 si le Gouvernement décidait d’y avoir recours ;

■ les éventuelles lois de finances et de financement rectificatives adoptées durant le premier semestre 2024 ;

■ la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes déposée pour le 1er mai 2024 ;

■ et également la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale déposée au Parlement pour le 1er juin.

La lecture des dispositions constitutionnelles et organiques ne laisse aucun doute quant à l’interprétation et ce faisant, l’application possible des dispositions de l’article 49 al. 3 : la loi de programmation des finances publiques n’est ni une loi de finances, ni une loi de financement de la sécurité sociale.

En engageant la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement s’est interdit d’en faire de nouveau usage durant toute l’actuelle session parlementaire pour tout autre projet ou proposition de loi.

Toute autre interprétation contreviendrait à l’esprit de la réforme constitutionnelle de 2008.

Quelques rumeurs conduisent toutefois à anticiper la posture que le Gouvernement pourrait utiliser, notamment dans la perspective de l’adoption du projet de loi immigration. Juridiquement et ainsi qu’il vient d’être expliqué, le Gouvernement n’a plus la possibilité d’engager sa responsabilité sur un autre texte législatif (autres que de finances et de financement de la sécurité sociale). Qu’adviendrait-il si toutefois le Gouvernement passait outre cette interprétation du texte ? On devine aisément que dans ce cas, le Conseil constitutionnel serait saisi sur le fondement des dispositions de l'article 61 de la Constitution et on s’attend à ce qu’une loi adoptée dans ces conditions, soit censurée.

Peut-on envisager que le Conseil constitutionnel ne le fasse pas ? Deux remarques pour répondre à cette question : – certaines décisions du Conseil constitutionnel révèlent quelques curiosités juridiques et des arbitrages constitutionnels parfois inattendus ; – régulièrement, il est fait le reproche au Conseil constitutionnel de rendre des décisions juridiquement peu étayées… La réponse ne peut donc pas être totalement négative.

En particulier, on peut envisager que le Gouvernement tente de justifier l’utilisation du 49 al. 3 pour le projet de loi de programmation des finances publiques, en l’inscrivant dans la continuité de l’usage qui en a été fait durant la session extraordinaire. Là également, la lecture des dispositions de l’article 49 al. 3 ne permet pas de valider cette interprétation du texte. Mais comme il vient d’être dit, parfois le Conseil constitutionnel nous réserve des surprises…

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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