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[ 8 avril 2019 ] Imprimer

La LOLF en devenir

A l’approche des vingt années de la LOLF, un frémissement certain semble agiter les parlementaires et plus particulièrement l’Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale, par l’entremise de sa commission des finances, entend remettre au goût du jour les Milolf, ces fameuses missions consacrées à la LOLF (Loi Organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux Lois de Finances) chargées depuis 2003, d’étudier les problématiques soulevées par la mise en œuvre de ce texte organique. Les différents rapports d’informations de cette mission ont ainsi porté sur « l’effet de la LOLF sur les décisions d’attribution des moyens budgétaires » (2011), la « LOLF et la réforme de l’État : complémentarité ou contradiction ? » (2010), sur « le système d’information financière de l’État : une condition de réussite de la LOLF, toujours en attente » (2009),  « les dispositifs de performance encourageants mais perfectibles » (2005) ou encore la « nouvelle architecture du budget de l’État pour une plus grande efficacité de l’action publique » (2004). Opérationnelles de 2003 à 2011, la Milolf a cessé ses activités avec la XIVème législature.

C’est donc avec intérêt que l’observateur se penchera sur ce qui fait actuellement l’actualité de la LOLF au sein de la Commission chargée des finances de l’Assemblée nationale. Cette dernière assemblée avait déjà, en 2018, mis en place les printemps de l’évaluation afin que les politiques publiques soient évaluées dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement 2017. Dix-huit commissions d’évaluation des politiques publiques s’étaient alors réunies du 30 mai au 7 juin en présence des ministres portant sur chaque mission. Les auditions se sont déroulées sur la base des rapports annuels de performance avec l’objectif que des propositions de résolution ou des recommandations soient formulées à l’issue du dispositif. Les auditions avaient porté sur des thèmes d’évaluation clairement identifiés comme le réseau de l’enseignement français à l’étranger dans le cadre de la mission Action extérieure de l’État, l’utilisation de la politique patrimoniale comme outil de revitalisation des territoires dans le cadre de la mission Culture (patrimoines) ou encore l’efficience du pilotage du budget de la défense dans le cadre de la mission Défense (préparation de l’avenir). Avec l’idée de créer une Agence parlementaire d’évaluation permettant à l’Assemblée et au Sénat de disposer d’une expertise indépendante.

L’objectif est également de faire un bilan de la LOLF, de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas avec l’objectif très probable, d’opérer les ajustements nécessaires.

Le 6 mars dernier, c’est le Premier président Migaud de la Cour des comptes qui a été auditionné par cette Commission parlementaire. Son propos a tenu en quatre points qui chacun, ont fait état de la déception du père de la LOLF, lequel ne pouvait que constater l’écart entre ce qu’ils avaient pu imaginer et ce qui s’était finalement concrétisé. Déception concernant la mesure de la performance de l’administration que Didier Migaud considère comme étant la plus substantielle, déception concernant la responsabilisation du gestionnaire public, déception concernant la revalorisation des pouvoirs du Parlement et enfin, déception concernant la comptabilité générale avec notamment des problèmes de qualité comptable (défaut des systèmes d’information financière et déficit de contrôle interne et de maîtrise des risques).

Même si dans le cadre de cette audition, le Premier président Migaud a tenu à indiquer qu’il ne convenait pas de résumer son propos à cette déception, nous ne pouvons que partager son constat alors que la pratique de la LOLF apparaît trop éloignée de ce qui était envisagé en 2001. Beaucoup d’espoirs, beaucoup d’attente pour un tel résultat…

Un constat également regretté par les parlementaires au travers d’ailleurs, d’une approche très lucide lorsqu’ils opèrent une « forme de mea culpa » en soulignant qu’eux-mêmes n’ont pas été capables de s’approprier les nouveaux pouvoirs que leur offrait la LOLF. Ainsi Mme Marie-Christine Dalloz, à propos des travaux de la Cour des comptes transmis au Parlement (près de 190 travaux remis en 2018), regrettait que 10 % seulement de ces travaux soient exploités par ce dernier. Tandis que M. Laurent Saint-Martin rappelait la nécessité pour eux de faire leur travail dans l’adoption du texte financier alors que la LOLF offre des outils globalement inexploités par le Parlement.

Un frémissement certain donc, indéniablement. Il faut espérer que tout ceci aboutisse enfin sur des évolutions concrètes traduisant la véritable portée de cette loi organique. Les différents points de déception formulés par le Premier président apparaissent comme autant d’incontournables dans la mise en œuvre de la LOLF et on l’aura compris, pour chacun d’eux, beaucoup reste à faire. 

La responsabilisation des gestionnaires publics suppose d’un véritable régime de responsabilité soit mis en place incluant l’ensemble des gestionnaires publics et y compris les ministres et élus locaux (V. Le Billet du 18 févr. 2019).

La rénovation du pouvoir budgétaire du Parlement suppose que ce dernier s’approprie les outils que lui offre la LOLF pour peser véritablement sur les choix budgétaires retenus par le Gouvernement. Ceci implique la prise en compte, effective, des résultats obtenus et identifiés dans le cadre des rapports annuels de performance avec un lien direct établi entre la loi de règlement de l’exercice n – 1 (que le Premier président Migaud propose d’ailleurs, dans le cadre de cette audition, de rebaptiser, loi de résultats) et la possibilité d’en tirer toutes les conséquences en termes de réaffectation des crédits au travers de l’emploi par les parlementaires de leur pouvoir d’amendement.

Que de chemin encore à parcourir…

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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