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Le billet
Mais que se passe-t-il avec ce remaniement ?
Après les départs symboliques et médiatisés de Nicolas Hulot et plus récemment de Gérard Collomb, le 2 octobre, notre pays attend toujours un ministre de l’intérieur et un remaniement plus large de l’équipe gouvernementale comme cela a été annoncé à plusieurs reprises. Prévu pour mardi, il a été reporté à « la fin de la semaine » passée pour finalement être fixé à ce début de semaine. Le report quasi quotidien de l’annonce de la nouvelle équipe finit par tourner à la farce, déboussole la majorité et revigore l’opposition. On en vient alors à se demander pourquoi il est devenu si difficile de trouver des ministres pour former un Gouvernement ?
A force de repousser l’annonce de la nouvelle composition du Gouvernement comme on retarde le buzz sur le prochain casting d’une série télévisée, l’exécutif facilite il est vrai, la tâche des rédactions des chaînes d’information en continu en leur fournissant aisément de quoi remplir leur grille de programme (entre direct depuis l’Élysée qui fait flop et des heures de débats entre spécialistes politique). Mais il fait surtout monter le suspense sur le fait de savoir qui, de l’Élysée ou de Matignon, va prendre le dessus dans le prochain épisode de la présidence Macron. Parce que finalement, avec ce remaniement, tout est là.
A avoir voulu faire naître une nouvelle formation politique et renouveler la pratique du pouvoir, Emmanuel Macron est aujourd’hui confronté aux limites de cet esprit. Certes, la nouveauté lui a été bénéfique en début de mandat. Grâce à la liberté octroyée par l’article 8, alinéa 2 de la Constitution quant au choix des ministres, les deux premières formations gouvernementales ont réuni une majorité de personnes issues de la « société civile », novices en politique, plus ou moins connues des français (Nicolas Hulot, Laura Flessel mais aussi Elisabeth Borne, Frédérique Vidal) et des élus de différentes familles politiques (Les Républicains, Modem, PS/PRG) n’ayant jamais siégé au sein d’un Gouvernement (Gérard Collomb, Gérald Darmanin). La rupture avec le passé a également été soulignée lorsqu’en moins d’un mois, quatre ministres ont démissionné pour ne pas entacher le processus de moralisation de la vie publique, voulue justement par le nouveau Président (V. Le Billet du 3 févr. 2018, K. Roudier).
Cet esprit est cependant plus difficile à conserver désormais. Bas dans les sondages, plus critiqué après « l’affaire Benalla » et la suspension du projet de loi constitutionnelle, le Président constate – sans doute à regret – qu’il doit composer avec le même article 8, alinéa 2 de la Constitution qui exige que la composition du Gouvernement fasse l’objet d’une négociation avec le Premier ministre. L’histoire de la Cinquième République a démontré que tout est une affaire de personnalités et que dans le choix des ministres, le rapport de force entre le chef de l’État et le chef du Gouvernement n’a jamais été en faveur du même homme. Cependant, si le Président a pu dans un premier temps imposer ses choix, il doit aujourd’hui accepter l’idée de s’ouvrir un peu plus vers la droite, en écoutant les propositions de son Premier ministre sans oublier de s’ouvrir aussi, en même temps, vers la gauche puisque la composition du parti La République En marche se révèle être plus subtile que prévue.
Ce fameux remaniement est donc l’occasion pour Emmanuel Macron de poursuivre sa pratique du pouvoir et sa maîtrise des règles constitutionnelles. Après avoir compris – finalement – que l’on ne peut retenir un ministre contre son souhait, il doit peut-être aujourd’hui mesurer que le renouvellement de la classe politique ainsi que le respect des règles élémentaires en matière de déontologie sont tout d’abord une affaire de temps puis de bonne volonté et non l’inverse. Il est aussi l’occasion de savoir si c’est le fait de devenir ministre qui ne séduit plus ou si c’est la politique du Président qui ne donne plus envie de devenir ministre.
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