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Le cas du mois
Droit de la responsabilité civile
Accidents de parcours
Adhémar vient d’avoir 20 ans. Pour fêter l'événement, une soirée est organisée chez Désiré...
Les deux cousins partent faire quelques courses avant le début de la soirée. Ils décident de prendre le scooter de Désiré, mais arrivés au supermarché, ils se rendent compte que Désiré a oublié son antivol. Désiré, peu chanceux lorsqu’il s’agit de son scooter (v. cas du mois, Code de conduite), préfère rester à le surveiller sur le parking pendant qu’Adhémar va faire les courses. En quittant Désiré, Adhémar trébuche sur un muret en béton séparant l’allée piétonne et les chariots et se blesse. Courageux, il va tout de même acheter les provisions manquantes. Au moment de passer en caisse, il appelle Désiré pour lui demander de l’attendre devant le magasin car il a très mal à la cheville. Désiré enfile son casque et roule jusqu’à l’entrée. En attendant Adhémar, il immobilise son véhicule au milieu de la voie et attache son casque. Au moment où son cousin sort, Désiré est renversé par une voiture …
C’est une bien triste soirée qui s’annonce finalement pour les deux comparses : Adhémar souhaite obtenir réparation pour le préjudice subi sur le parking. Désiré souhaite, quant à lui, être indemnisé du préjudice qu’il a subi du fait de l’accident.
Vont-ils obtenir gain de cause ?
▪ ▪ ▪
▪ Responsabilité du fait des choses
Adhémar a trébuché sur un muret en béton séparant l’allée piétonne et les chariots, situé dans le parking d’un centre commercial. Il se blesse à la cheville. Il convient de rechercher si Adhémar peut être indemnisé de son préjudice.
L’article 1384 alinéa 1er du Code civil pose le principe selon lequel : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Lorsque le dommage est causé par une chose, une présomption de garde pèse sur le propriétaire de la chose en cause.
En l’espèce, Adhémar a trébuché sur un muret sis dans le parking d’un centre commercial.
Le muret appartient donc à la société exploitant le centre commercial. Sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, cette société, en tant que propriétaire, est présumée gardien du muret.
Dans le cadre de cette responsabilité, Il faut distinguer plusieurs hypothèses pour déterminer si la chose a eu un rôle actif dans la réalisation du dommage :
– la chose était en mouvement et est entrée en contact avec la victime ;
– la chose était en mouvement mais n’est pas entrée en contact avec la victime ;
– la chose était inerte et il y a eu un contact avec la victime.
Dans la première hypothèse, le rôle actif de la chose est présumé. Le gardien n’échappera à sa responsabilité que s’il établit que la réalisation du dommage est due à une cause étrangère ayant les caractères de la force majeure. En l’espèce, le muret étant une chose inerte, il convient d’écarter cette possibilité.
Les deux dernières hypothèses suivent le même régime. Ainsi, l’absence de contact entre la chose et la victime ou lorsque la chose était inerte, il revient à la victime de prouver le rôle actif de la chose dans la réalisation du dommage. La Cour de cassation a pu le rappeler en décidant que pour qu’une chose inerte soit reconnue comme étant l’instrument d’un dommage, il appartient à la victime d’apporter la preuve que la chose ait été placée dans une position anormale et ait joué un rôle actif dans sa chute (Civ 2e, 29 mars 2012). Si la preuve n’est pas rapportée, la victime ne pourra prétendre à aucune indemnisation auprès du gardien de la chose.
En l’espèce, Adhémar devra donc prouver, soit un vice du muret, soit l’anormalité de sa position.
Toutefois, au regard des faits, il ne semble pas que le muret ait eu une position anormale. Rien n’est précisé quant à un éventuel vice du muret.
Dès lors, il semble très probable que la responsabilité du centre commercial ne puisse être retenue.
Dans l’hypothèse inverse — peu probable — où Adhémar arrive à apporter la preuve d’un vice ou de l’anormalité de la position du muret, la responsabilité de la société exploitant le centre commercial pourrait être engagée et Adhémar serait alors indemnisé de l’ensemble de ses préjudices.
▪ L’accident de la circulation subi par Désiré
Désiré était immobilisé sur la route devant le centre commercial en attendant Adhémar. Il avait les pieds au sol et attachait son casque au moment où une voiture l’a renversé.
L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 prévoyant l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation dispose que cette loi est applicable « aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ».
La collision entre la voiture et Désiré stationnant sur la route devant le supermarché remplit les conditions posées par l’article 1er. Il y a bien un accident, dans lequel est impliqué un véhicule, et qui a eu lieu sur une voie de circulation. Dès lors, Désiré pourra être indemnisé de son préjudice.
Il convient ensuite de rechercher si Désiré est une victime conductrice ou une victime non conductrice pour déterminer l’influence d’une éventuelle faute sur le montant de son indemnisation.
En effet, l’indemnisation — ou plutôt — son éventuelle réduction, dépend de la qualité de la victime. En présence d’une victime non conductrice, seule la preuve d’une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident peut entraîner une diminution de son indemnisation (art. 3 L. 5 juill. 1985). En revanche, la victime conductrice pourra voir cette indemnisation réduite ou exclue dès lors qu’une faute quelconque est rapportée (art. 4 L. 5 juill. 1985).
Il faut donc rechercher si Désiré au moment de l'accident avait la qualité de conducteur ou de piéton. Sont considérées comme conductrices, les victimes qui au moment de l'accident avaient conservé la maîtrise du véhicule et se trouvaient aux commandes de celui-ci. La jurisprudence considère que sont conducteurs les cyclomotoristes ayant enfourché leur véhicule, même si ce dernier est à l'arrêt.
En l'espèce, Désiré avait enfourché son scooter et se trouvait les deux pieds au sol. Selon la position constante de la jurisprudence, la qualité de victime conductrice doit être retenue à son encontre (Civ. 2e, 29 mars 2012)
Cette qualité, bien moins protectrice, permet au conducteur de la voiture de prouver une faute pour limiter voire écarter l'indemnisation de Désiré. En l'espèce, le fait qu'il se soit arrêté sur la voie de circulation pour attacher son casque pourrait constituer une faute et limiter le montant de la réparation d'Adhémar.
▪ ▪ ▪
Moralité, nos deux compères ont bien peu de chance d’obtenir gain de cause…
Références
■ Civ. 2e, 29 mars 2012, n° 10-27.553, Dalloz Actu Étudiant 13 avril 2012.
■ Civ. 2e, 29 mars 2012, n°10-28.129, Dalloz Actu Étudiant 23 avr. 2012.
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
■ Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.
Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. »
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