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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Comment concilier laïcité et liberté religieuse dans l’entreprise ?
Mots-clefs : Laïcité, Lieu de travail, Entreprises privées assurant une mission sociale de service public, Règlement intérieur, Libertés individuelles, Religion, Non-discrimination, Neutralité, Impartialité
Le Haut Conseil à l’intégration a rendu le 1er septembre 2011 un avis visant à encadrer l’expression des pratiques religieuses et des signes religieux en entreprise au nom des principes de laïcité, de neutralité et d’égalité entre salariés.
Le Haut Conseil à l’intégration (HCI) est une autorité administrative indépendante créée par le décret n° 89-912 du 19 décembre 1989 et chargée de remettre annuellement au Premier ministre un rapport relatif aux questions d’immigration et d’intégration. C’est à ce titre qu’il a rendu le jeudi 1er septembre 2011 un avis à titre consultatif sur l’expression religieuse et la laïcité dans l’entreprise. Cet avis s’inscrit dans la lignée de la politique gouvernementale menée depuis la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics et la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Le HCI propose d’insérer dans le Code du travail un article permettant aux entreprises de définir dans leur règlement intérieur l’exercice des pratiques religieuses et le port des signes religieux dans l’entreprise. Le but recherché est d’encadrer la pratique religieuse au nom de la cohésion sociale sur le lieu de travail afin « de préserver la paix sociale, de continuer à garantir, pour tous, la liberté de conscience, l’égalité de traitement et la non-discrimination dans l’entreprise » pour « privilégier les principes de respect mutuel et de discrétion, de neutralité et d’impartialité ». Le HCI dénonce en effet un risque de communautarisme entraîné par des manifestations trop fortes de l’appartenance religieuse comme les absences et les horaires aménagés pour cause de pratique religieuse, l’exercice du culte dans les locaux de l’entreprise parfois sans autorisation ou, encore, les signes religieux ostentatoires comme le port de la burqua ou de la kippa. Il préconise donc que dans les entreprises privées assurant une mission sociale de service public — c'est-à-dire dans les entreprises dites « non marchandes », dont l’activité réside dans l’aide à la personne, à la petite enfance, le secteur médico-social, ou de manière plus générale, les entreprises sociales de service —, le principe de laïcité s’applique de la même manière que dans les entreprises publiques. On assisterait alors à une extension du principe de laïcité à certaines entreprises privées, toutes les entreprises privées n’étant pas encore concernées.
Cet avis n’ayant aucune force juridique contraignante la question qui se pose alors est de savoir s’il donnera lieu à un projet de texte qui devra, le cas échéant, tenir compte des articles L. 1121-1 (droits et libertés dans l’entreprise) et L. 1321-3 (règlement intérieur de l’entreprise) du Code du travail et de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
HCI : Avis sur l’expression religieuse et la laicité dans l’entreprise, 1er septembre 2011
Références
■ Sur la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics : v. Dalloz Actu Étudiant 10 octobre 2009.
■ Sur la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public : v. Dalloz Actu Étudiant 18 octobre 2010.
■ Autorités administratives indépendantes
[Droit administratif]
« Le plus souvent collégiales (v. pourtant, par ex. : Défenseur des droits, Défenseur des enfants, Médiateur de la République) ces autorités, qui sont des institutions de l’État agissant en son nom mais dont le statut s’efforce de garantir l’indépendance d’action aussi bien vis-à-vis du gouvernement que du Parlement, ont été créées en vue d’assurer dans leur domaine de compétence, sans intervention directe de l’Administration, un certain nombre de garanties telles que la protection des droits et des libertés (Commission nationale de l’informatique et des libertés), la protection de certaines catégories de personnes (Défenseur des enfants), ainsi que le bon fonctionnement de certains secteurs de l’économie (Conseil supérieur de l’audiovisuel). Selon les cas, elles disposent dans leur domaine – parfois cumulativement – d’un pouvoir d’avis, de recommandation, de sanction, de décision individuelle, voire d’un véritable pouvoir réglementaire. Un problème majeur – et non résolu actuellement – posé par ces autorités est de concilier leur indépendance et l’existence d’un contrôle démocratique de leur activité. (…) »
[Droit public]
« Principe d’organisation et de fonctionnement des services de l’État et de toutes les autres personnes publiques, selon lequel l’État est non confessionnel. Toute une série de conséquences en sont tirées. Notamment, il ne doit favoriser ou défavoriser la propagation des croyances ou des règles de vie en société d’aucune religion, spécialement, s’accorde-t-on à penser, dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire.
Pour des raisons historiques, ce principe ne s’applique pas dans les départements d’Alsace-Lorraine avec un contenu aussi large qu’ailleurs. »
[Droit du travail]
« Document écrit, émanant du chef d’entreprise, qui contient exclusivement les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité, les règles générales et permanentes relatives à la discipline et notamment la nature et l’échelle des sanctions, les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés susceptibles d’être sanctionnés, les dispositions légales du Code du travail relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral. »
Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
[Droit administratif]
« Une des notions clés du droit administratif français, ce concept est largement ignoré ailleurs dans l’Union européenne, où l’idée de reconnaître des « services publics européens » suscite des controverses parfois passionnelles.
1° Au sens matériel, toute activité destinée à satisfaire à un besoin d’intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l’Administration, parce que la satisfaction continue de ce besoin ne peut être garantie que par elle. Objet de nombreuses controverses doctrinales, cette notion n’en est pas moins pour la jurisprudence, aujourd’hui encore, l’un des éléments servant à définir le champ d’application du droit administratif.
2° Au sens formel, ces termes désignent un ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en œuvre par l’État ou une autre collectivité publique, en vue de l’exécution de ses tâches. Dans cette acception, les termes de service public sont synonymes d’Administration au sens formel.
Mission de service public : notion dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État dans la première moitié du siècle, mais d’appellation beaucoup plus récente, et dont on trouve des manifestations aussi bien, par exemple, en matière de travaux publics, de fonction publique, que de contrats administratifs ou d’actes unilatéraux. Cette qualification est décernée de manière prétorienne par le juge à des activités présentant un caractère d’intérêt général, assumées même par des organismes privés ou des particuliers. Le juge veut élargir le champ d’application du droit et du contentieux administratifs à ceux des aspects de l’organisation et du fonctionnement de cette activité qu’il estime techniquement inopportun de soumettre aux règles du droit privé. »
■ Code du travail
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
« Le règlement intérieur ne peut contenir :
1° Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;
2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
3° Des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap. »
■ Article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme - Liberté de pensée, de conscience et de religion
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
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