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[ 12 juin 2025 ] Imprimer

Droit des obligations

Point sur la confirmation du contrat

La confirmation est la renonciation à exercer l’action en nullité, après la découverte du vice dont le contrat est atteint. Cette renonciation à agir par voie de nullité se traduit par la validation de l’acte entaché de nullité et permet donc le maintien du contrat. Objectivement, le contrat reste vicié mais il ne peut plus être remis en cause.

Jusqu’à la réforme de l’ordonnance du 10 février 2016, la confirmation était envisagée de manière partielle aux articles 1338 s., anc., du Code civil, qui traitaient essentiellement des conditions de forme ad probationem de l’acte confirmatif. Ces dispositions ont été modifiées à l’occasion de la réforme du droit des contrats, qui a complété et en partie renouvelé le régime de la confirmation du contrat aux articles 1182 s. du Code civil. Apportant d’importantes précisions relatives à son domaine, à ses conditions, ainsi qu’à ses effets, ces textes font en outre l’objet d’une interprétation innovante par la jurisprudence récente (Pour un exposé complet, v. Stéphanie Porchy-Simon, Droit des obligations, Dalloz, Coll. HyperCours, 16e éd., 2024, n°333s., pp.188s.).

Domaine de la confirmation

La confirmation d’un acte nul n’est possible que dans les hypothèses de nullité relative du contrat (v. « Les nullités », Tableau sur la distinction des nullités relative et absolue, DAE, 6 févr.2024), solution d’origine prétorienne et désormais codifiée à l’article 1181, al. 2, du Code civil. Seule la partie protégée par la règle violée peut en effet renoncer à se prévaloir de la nullité, en faisant le choix, exprès ou tacite, d’exécuter le contrat entaché de nullité. En revanche, elle est en par principe exclue dans les cas de nullité absolue car on ne peut admettre que la volonté d’un contractant puisse paralyser la mise en œuvre d’une règle imposée dans l’intérêt général (Civ. 3e, 6 juill. 2011, n° 10-23.438). Dans cette hypothèse, la jurisprudence antérieure à la réforme reconnaissait cependant aux parties un droit de réfaction du contrat, leur permettant de « renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé » (Civ. 1re, 4 mai 1966). Conforme au principe de liberté contractuelle, cette faculté avait cependant des effets limités puisque le contrat ainsi refait ne produisait d’effets que pour l’avenir et supposait une nouvelle rencontre des volontés. Si elle n’a pas été expressément reprise par les textes issus de l’ordonnance, on peut penser qu’elle reste admise en vertu de la pérennité et de la généralité de son fondement (liberté contractuelle).

Conditions de la confirmation

La confirmation obéit à deux conditions cumulatives. 

La première consiste dans l’aptitude à confirmer le contrat : seules peuvent confirmer l’acte nul les personnes titulaires de l’action en nullité relative. Cette exigence est logique : seules ces dernières peuvent décider si elles souhaitent ou non exécuter le contrat malgré le vice dont il est atteint. L’article 1182 du Code civil le précise désormais explicitement en érigeant cette condition en élément de définition de la notion : la confirmation est « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ».

La seconde tient dans la manifestation de volonté du titulaire du droit d’action. La confirmation est un acte unilatéral de volonté, par lequel le titulaire de l’action en nullité renonce à agir. Selon la jurisprudence antérieure à la réforme, cette volonté devait être exprimée en connaissance du vice, et dans l’intention de le réparer (jurispr. constante depuis Civ. 16 mars 1948). Cette condition exprime la nécessité d’un consentement libre et éclairé de l’auteur de la confirmation, qui suppose que celle-ci ne puisse intervenir qu’après la conclusion du contrat, solution désormais codifiée à l’article 1182, al. 2, du Code civil. 

Cette exigence pose peu de difficultés lorsque la confirmation est expresse, c’est-à-dire exprimée dans un acte confirmatif, dont le contenu est précisé à l’article 1181 du Code civil (art. 1338 s., anc.). Son contrôle se révèle en revanche plus délicat en cas de confirmation tacite. Avant la réforme, la possibilité d’une confirmation tacite du contrat était déjà prévue à l’article 1338, al. 2, anc., du Code civil, selon lequel « à défaut d’acte de confirmation ou de ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée ». Ainsi, l’exécution volontaire d’un contrat, en connaissance du vice dont il était atteint, pouvait être considérée comme une confirmation de ce dernier. C’est en application de ce texte que la jurisprudence a longtemps reconnu la confirmation tacite du contrat vicié, conclu hors établissement, à raison de la reproduction lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, celle-ci permettant au souscripteur de prendre du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions. « Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul » (Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 18-25.686 ; Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-12.968 ; adde, Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 22-10.361). Toutefois, le respect de ce formalisme ne suffit plus pour admettre la connaissance effective du vice par le consommateur et caractériser sa confirmation tacite du contrat entaché de nullité. Opérant l’année dernière un revirement de jurisprudence en faveur des consommateurs, la Cour de cassation rend désormais impossible la confirmation tacite du contrat conclu hors établissement, sauf par exception si le juge relève que certaines circonstances peuvent inviter à considérer une connaissance effective du vice, tel que « l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation », conformément à l’actuel article 1183 du Code civil, qui fonde l’action interrogatoire introduite en 2016 (Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 21-20.691 et n° 22-16.115). Remarquable, la solution issue de ce revirement, opéré sur le fondement du droit antérieur à la réforme, s’applique en outre à tous les contrats, qu’ils soient souscrits antérieurement ou postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Et sa portée vient d’être renforcée, la Cour de cassation ayant récemment réaffirmé sa nouvelle jurisprudence sur le fondement du droit nouveau : dans un arrêt non publié du 7 mai 2025 (Civ. 1re, n° 23-21.960), elle a en effet confirmé, cette fois sur le fondement de l’article 1182, alinéa 3 issu de la réforme (« L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation »), que « (l)a reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en  l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance » (pt n°6), si bien qu’en l’espèce, « la seule circonstance que les bons de commande reproduisaient les dispositions du code de la consommation était insuffisante pour caractériser la connaissance qu’avait l’emprunteur des irrégularités affectant la validité du contrat » (pt n°8).

Effets de la confirmation

La confirmation entraînait traditionnellement la validation rétroactive du contrat, qui se trouvait ainsi purgé dès l’origine de ses vices et à l’encontre duquel l’action en nullité ne pouvait plus être intentée. Cette rétroactivité attachée à la confirmation n’est toutefois plus expressément posée par le texte de l’article 1882 du Code civil. L’ordonnance de 2016 a néanmoins introduit une précision en indiquant, à l’article 1181, al. 3, du Code civil, que « si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir ».

La rétroactivité est l’intérêt majeur de la confirmation par rapport à d’autres techniques voisines, telles que la réfaction du contrat, puisque la convention est réputée valable dès l’origine. Cette solution doit cependant être affirmée sous réserve du droit des tiers (C. civ., art. 1182, al. 4, in fine).

Références :

■ Civ. 3e, 6 juill. 2011, n° 10-23.438 D. 2011. 1971 ; ibid. 2012. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RDI 2011. 505, obs. D. Tomasin

■Civ. 1re, 4 mai 1966 : D. 1966.553, note Ph. Malaurie

■Civ. 16 mars 1948 : JCP 1948.II.4319

Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 18-25.686 D. 2021. 4 ; ibid. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar

Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-12.968 DAE, 19 sept.2022, note Merryl Hervieu D. 2022. 1516 ; RTD civ. 2022. 879, obs. H. Barbier

Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 22-10.361 : D. 2023. 462

Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 21-20.691 et n° 22-16.115 DAE, 8 févr.2024note Merryl Hervieu, D. 2024. 164

Civ. 1re, 7 mai 2025, n° 23-21.960 

 

Auteur :Merryl Hervieu


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