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Obstination déraisonnable : que faire quand les parents d’une enfant mineure refusent l’arrêt des traitements contre l’avis des médecins ?
Mots-clefs : Obstination déraisonnable, Acharnement thérapeutique, Pouvoir de décision, Arrêt des traitements, Refus, Parents, Médecin, Référés, Accord, Recours
L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 5 janvier 2018 est la première qui valide l’arrêt des soins d’une enfant mineure contre l’avis de ses parents.
En l’espèce, après un arrêt cardiaque, une enfant âgée de 15 ans, Inès, souffrant d’une maladie neuromusculaire a été admise en urgence à l’hôpital le 22 juin 2017. Elle est depuis dans le coma.
L’équipe médicale a constaté une évolution neurologique très défavorable, avec notamment absence de réveil et de réactivité. Le médecin responsable du service d’anesthésie-réanimation pédiatrique a proposé aux parents de l’enfant un arrêt des soins qui a été refusé. Il a ensuite engagé la procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. La réunion collégiale s’est alors tenue le 21 juillet 2017 à l’issue de laquelle il a été décidé l’interruption de la ventilation et l’extubation de l’enfant. Cette décision a été notifiée aux parents le 3 août qui ont saisi le juge des référés de tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 521-2 (référé-liberté) du Code de justice administrative afin de demander la suspension de son exécution. Le tribunal administratif a rejeté leur demande.
En appel, le juge des référés du Conseil d’État, statuant en formation collégiale (CJA, art. L. 511-2) a confirmé l’ordonnance du tribunal administratif.
Il est très important de souligner dès à présent que ce type de contentieux est un contentieux d’espèce où chaque affaire à ses particularités.
Pour mémoire, deux autres cas litigieux existent également, celui de Vincent Lambert (toujours en vie), personne majeure, pour laquelle une famille est en désaccord concernant l’arrêt des soins (CE, ass., 24 juin 2018, Lambert, n° 375081 ; CEDH, Gr. Ch., 5 juin 2015, Lambert et autres c/ France, n° 46043/14) et celui de la petite Marwa, dont l’équipe médicale avait décidé l’arrêt du traitement contre l’avis des parents et pour lequel le juge des référés du Conseil d’État a ordonné sa poursuite (CE, réf., 8 mars 2017, Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, n° 408146).
La compétence du médecin dans l’arrêt d’un traitement entraînant la mort
Face à des cas graves, le médecin peut se poser la question de l’arrêt d’un traitement susceptible de mettre en danger la vie d’un patient.
L’arrêt du Conseil d’État du 6 décembre 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (n°403944) est venu rappeler et préciser le cadre juridique (V. également CE, ass., 24 juin 2018, Lambert, n° 375081). Ainsi, un médecin ne peut prendre de décision « que sous la double et stricte condition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soient respectées les garanties tenant, d'une part, à la consultation de l'équipe de soins et d'au moins un autre médecin, n'ayant aucun lien de nature hiérarchique avec le médecin en charge du patient, et, d'autre part, au respect de la volonté du patient, telle qu'elle a pu trouver à s'exprimer, le cas échéant, dans les directives anticipées antérieurement rédigées. En l'absence de directives anticipées ou lorsqu'elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, le médecin ne peut, ainsi qu'il a été dit, prendre une telle décision qu'après avoir consulté la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, ou, à défaut, la famille ou les proches, afin, notamment, de s'enquérir de la volonté du patient et en s'efforçant de dégager une position consensuelle. »
L’importance accordée à la recherche d’un accord avec les parents du mineur
Lorsque la personne est mineure, le médecin doit consulter sa famille et ses proches et en tenant compte de l'âge du patient, si sa volonté a pu trouver à s'exprimer antérieurement et il doit s’efforcer, en y attachant une attention particulière, de parvenir à un accord sur la décision à prendre avec ses parents. S’il n’y parvient pas et si à l’issue de la procédure collégiale, il est décidé de mettre fin au traitement, il peut alors arrêter les soins après avoir laissé aux parents la possibilité de saisir le juge des référés.
Le droit à un recours effectif
Lorsqu’une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile (Cons. const. 2 juin 2017, Union nat. assoc. de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, n° 2017-632 QPC § 17). Lorsque ce recours est exercé, il doit être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente en vue de la suspension éventuelle de la décision contestée. Cela implique nécessairement que le médecin ne peut mettre en œuvre une décision d'arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu'il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d'un tel recours n'aient pu le faire et obtenir une décision de sa part. (CE 6 déc. 2017, n° 403944 § 16).
En l’espèce, les experts concluent que quatre mois après l’arrêt cardio-respiratoire de l’enfant, le caractère irréversible des lésions est certain dans l’état actuel de la science et estiment qu’il existe un caractère déraisonnable à maintenir l’assistance respiratoire par voie mécanique et la nutrition artificielle par sonde chez cette enfant en état végétatif persistant.
En revanche, les parents ont toujours été fermement opposés à l’arrêt de tout traitement.
Le juge des référés estime que la décision collégiale approuvant l’interruption de la ventilation et l’extubation de l’enfant répond aux exigences fixées par la loi et ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale.
Toutefois, le Conseil d’État précise par ailleurs que le médecin compétent devra « apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si et dans quel délai la décision d'arrêt de traitement doit être exécutée. En tout état de cause, sa mise en oeuvre impose à l'hôpital de sauvegarder la dignité de la patiente et de lui dispenser les soins palliatifs nécessaires. »
CE, ord., 5 janvier 2018, n° 416689
Références
■ Cons. const. 2 juin 2017, Union nat. assoc. de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, n° 2017-632 QPC : AJDA 2017. 1143 ; ibid. 1908, note X. Bioy ; D. 2017. 1194, obs. F. Vialla ; ibid. 1307, point de vue A. Batteur ; AJ fam. 2017. 379, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2017. 1035, note D. Thouvenin.
■ CE, ass., 24 juin 2014, Lambert, n° 375081 : Lebon avec les conclusions ; AJDA 2014. 1293 ; ibid. 1669 ; D. 2014. 1856, note D. Vigneau ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; ibid. 2015. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2014. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2014. 657, concl. R. Keller ; ibid. 702, note P. Delvolvé ; RDSS 2014. 1101, note D. Thouvenin.
■ CEDH, gr. ch., 5 juin 2015, Lambert et a. c/ France, n° 46043/14 : Dalloz Actu Étudiant, 10 juin 2015, AJDA 2015. 1124 ; D. 2015. 1625, note F. Vialla ; ibid. 2016. 752, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2015. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse.
■ CE, réf., 8 mars 2017, Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, n° 408146 : Dalloz Actu Étudiant, 10 mars 2017 ; Lebon ; AJDA 2017. 497 ; D. 2017. 574; AJ fam. 2017. 218, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2017. 698, note D. Thouvenin.
■ CE 6 déc. 2017, n° 403944 : Lebon ; AJDA 2017. 498 ; AJ fam. 2017. 218, obs. A. Dionisi-Peyrusse.
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