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[ 5 février 2024 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Point sur les différents types de décisions rendues par le Conseil constitutionnel

Si les décisions les plus connues du Conseil constitutionnel sont les DC et les QPC, il existe également les décisions PDR, AN, SEN, D, I, OF, ELEC, LOM, LP, FNR, REF, RIP, L, ORGA, AR16 et AUTR. Dalloz Actu Etudiant vous propose de faire le point sur cette multitude de décisions.

■ Le contrôle de constitutionnalité 

● Les décisions DC, un contrôle a priori 

859 décisions DC ont été rendues par le Conseil constitutionnel depuis 1958. Ces décisions sont relatives au contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires (contrôle facultatif, Const. 58, art. 61, al. 2) ; des lois organiques (contrôle obligatoire : Const. 58, art. 61, al. 1er), des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat (contrôle obligatoire : Const. 58, art. 61, al. 1er) et des traités et autres engagements internationaux (contrôle facultatif Const. 58, art. 54). 

La toute première décision portait sur les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale relatives à l'élection des membres de la Haute Cour de Justice du 14 mai 1959 (n° 59-1 DC) et la dernière, sur la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (25 janv. 2024, n° 2023-863 DC), qui est certainement la plus longue de l’histoire des DC avec 276 paragraphes !

La décision Liberté d’association (16 juill. 1971, n° 71-44 DC) a marqué un tournant important dans le contrôle de constitutionnalité des lois. En effet, pour la première fois depuis 1958, le Conseil constitutionnel acceptait de contrôler la constitutionnalité par rapport à une autre disposition de la Constitution, il s’agissait en l’espèce d’une disposition tirée du Préambule (PFRLR). Depuis cette date, le Conseil constitutionnel prend en compte toutes les dispositions de la Constitution pour exercer son contrôle de constitutionnalité. L'élargissement progressif des normes de références et des possibilités de saisine du Conseil constitutionnel fait de cette institution un gardien essentiel des libertés fondamentales en France et selon la formule utilisée par le Conseil constitutionnel lui-même, la «loi votée n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution» (Cons. const. 23 août 1985, n° 85-197 DC § 27).

Une fois saisi (Président de la République et/ou Premier ministre et/ou Président de l'Assemblée nationale et/ou Président du Sénat et/ou 60 députés et/ou 60 sénateurs), le Conseil constitutionnel dispose d’un mois pour rendre sa décision ou de huit jours, si le Gouvernement le demande (urgence).

La décision DC peut censurer tout ou partie des dispositions. Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut ni être promulguée ni mise en application. La décision peut également énoncer des réserves d’interprétation.

● Les décisions QPC, un contrôle a posteriori de la loi

966 questions prioritaires de constitutionnalité ont été rendues depuis la création de ce contrôle par voie d'exception (réforme constitutionnelle de juill. 2008 mise en œuvre à partir du mois de mars 2010 ; Const. 58, art. 61-1 et Ord. n° 58-1067 du 7 nov. 1958, art. 23-1 à 23-12). La dernière date du 24 janv. 2024, n° 2023-1077 QPC (la raison pour laquelle le nombre de décisions-966- ne correspond pas au chiffre -1077- tient notamment au fait que le Conseil constitutionnel peut rendre une décision sur plusieurs QPC similaires, ex : 24 nov. 2023, n° 2023-1069/1070 QPC).

Le Conseil constitutionnel est saisi par le Conseil d'État ou la Cour de cassation QPC présentée à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction. Il se prononce dans un délai de trois mois pour décider si une disposition législative porte ou non atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il a le pouvoir de déclarer la disposition législative contestée conforme ou contraire à la Constitution. Si elle est déclarée contraire, la décision du Conseil constitutionnel abroge la disposition contestée, l’abrogation peut avoir un effet immédiat ou différé fixé par la décision ; le Conseil constitutionnel peut également émettre des réserves d’interprétation.

■ Le contrôle électoral

● Les décisions PDR : contrôle de l’élection présidentielle

199 PDR depuis 1958. Elles concernent l’élection présidentielle (Const. 58, art. 58) : proclamations des résultats (ex. : 27 avr. 2022, n° 2022-197 PDR), listes des candidats (ex. : 7 mars 2022, n° 2022-187 PDR), listes des citoyens habilités ayant présenté des candidats à l'élection du Président de la République (ex. : 1er mars 2022, n° 2022-183 PDR), réclamations (ex. : 24 mars 2022, n° 2022-189 PDR), contrôle du financement des opérations électorales (ex. : 26 sept. 2002, n° 2002-119 PDR), …

● Les décisions AN et SEN : contrôle des élections à l’Assemblée nationale et au Sénat

3884 AN et 275 SEN depuis 1958. Le Conseil constitutionnel est ici juge électoral. Il statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs (Const. 58, art. 59 et et Ord. n° 58-1067 du 7 nov. 1958, art. 32 à 45). Il peut prononcer l’inéligibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, il annule son élection. Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature.

● Les décisions D : déchéance d’un parlementaire 

28 D . Le Conseil constitutionnel prononce la déchéance d'un parlementaire dont l'inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats et l'expiration du délai pendant lequel elle peut être contestée ou qui pendant la durée de son mandat, se trouvera dans l'un des cas d'inéligibilité prévus par le code électoral (C. élect., art. L. O. 136). Le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat ou le ministre de la justice, ou, en cas de condamnation postérieure à l'élection, le ministère public près la juridiction qui a prononcé la condamnation saisit le Conseil constitutionnel (ex. 16 sept. 2014, n° 2014-22 D).

● Les décisions I : contrôle des incompatibilités parlementaires 

41 I. Le Conseil constitutionnel statue sur les incompatibilités parlementaires. S’il décide que le député ou le sénateur est en situation d'incompatibilité, ce dernier régularise sa situation au plus tard le trentième jour qui suit la notification de la décision du Conseil constitutionnel. A défaut, le Conseil constitutionnel le déclare démissionnaire d'office de son mandat (C. élect., art. L. O. 151-2 ). Le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat, le ministre de la justice, ou le député lui-même saisit le Conseil constitutionnel (dernière incompatibilité prononcée: 29 nov. 2018, n° 2018-40 I).

● Les décisions OF : contrôle de la régularité de la situation d’un parlementaire à l’égard de ses obligations fiscales 

1 seule décision OF rendue (6 juill. 2018, n° 2018-01 OF) depuis sa création par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique qui a introduit un article L. O. 136-4 au code électoral. Le Bureau du Sénat ou de l’Assemblée nationale saisit le Conseil constitutionnel en cas de non-respect par un parlementaire de ses obligations fiscales. Selon la gravité du manquement, le Conseil constitutionnel peut prononcer l’inéligibilité du parlementaire à toutes les élections pour une durée maximale de trois ans et le déclarer démissionnaire d’office de son mandat. 

● Les décisions ELEC : Divers élections

32 décisions sont actuellement recensées dans cette catégorie qui regroupent des décisions concernant le contentieux électoral mais qui ne sont pas relatives à des requêtes en annulation d’élections (ex : 21 sept. 2022, n° 2022-30 ELEC : dans cette affaire demande d’annulation d’un décret portant convocation des électeurs pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale) et les observations du Conseil constitutionnel (ex : 29 sept. 2023, Observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 12 et 19 juin 2022, n° 2023-31 ELEC)

■ Les décisions concernant l’Outre-mer

● Les décisions LOM

13 décisions LOM. Le Conseil constitutionnel a compétence pour constater, dans un délai de trois mois après sa saisine, qu'une loi est intervenue dans le domaine de compétence de la Polynésie française, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin. La décision LOM permet ainsi à la collectivité concernée de modifier ou d’abroger la loi ou l’article de loi litigieux (Const. 58, art. 74, al. 9 : procédé de déclassement «ultramarin» ; L. org. n° 2004-192 du 27 févr. 2004, art. 12 et CGCT, art. L.O. 6213-5 et L.O. 6313-5).

● Les décisions lois du pays de Nouvelle-Calédonie

8 LP. Avant d’être promulguée, une loi du pays de Nouvelle-Calédonie peut faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel qui constate si cette loi est conforme à la Constitution (V. L. org. n° 99-209 du 19 mars 1999, art. 104 s. ; ex. : 24 janv. 2024, Loi du pays instituant une taxe sur les exportations de produits miniers, n° 2023-8 LP). 

■ Les décisions fins de non-recevoir

13 FNR. Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le Président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de huit jours (Const. 58, art. 39, al. 4). De plus, s’il existe une divergence d'appréciation sur la recevabilité d'un amendement entre le Gouvernement et le Président de l'assemblée concernée, le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre ou le Président de l'assemblée concernée, a le pouvoir de trancher (Const. 58, art. 41).  

■ Le contrôle du Conseil constitutionnel lors d’un référendum

● Les décisions REF

38 REF. Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum des articles 1189 et 88-5 ; il en proclame les résultats (Const. 58, art. 60 ; ex. : 1er juin 2005, n° 2005-38 REF). 

● Les décisions référendum d’initiative partagée

14 RIP. Un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs inscrits peuvent déposer une proposition de loi afin qu'elle soit soumise au référendum (sauf si elle a pour objet d'abroger une loi qui a été promulguée il y a moins d'1 an). Une fois déposée devant l'une des deux assemblées, le Président de l'assemblée concernée la transmet sans délai au Conseil constitutionnel qui statue dans un délai d'un mois sur la validité des soutiens et la conformité de la proposition à la Constitution (Const. 58, art. 11, al. 3 et L. org. n° 2013-1114 du 6 déc. 2013 ; ex. : 3 mai 2023, Proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans, n° 2023-5 RIP). V. également DAE, A la Une du 18 déc. 2013 et 27 oct. 2022.

■ Les décisions de déclassement

303 L. Selon l’alinéa 2 de l’article 37 de la Constitution : les textes de forme législative qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la Constitution peuvent être modifiés par décret si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire (ex. : 28 juill. 2022, Nature juridique de l'article 4 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, n° 2022-300 L).

■ Les décisions relatives au fonctionnement du Conseil constitutionnel

157 ORGA. Ex. : Nomination de rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel ; décision portant règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ; nomination du secrétaire général du Conseil constitutionnel …

■ Les avis concernant l’article 16

1 AR16 (23 avr. 1961, n° 61-1 AR16). Les alinéas 1er et 3 de l’article 16 de la Constitution prévoient la consultation du Conseil constitutionnel par le Président de la République avant la mise en place de pouvoirs exceptionnels lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu.

■ Les autres décisions/avis 

2 AUTR. La dernière décision concernait une demande tendant à ce que soit déclarée contraire à la Constitution la décision de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale du 10 septembre 2019 sur la répartition du temps de parole pour l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique (24 oct. 2019, n° 2019-2 AUTR).

Au total, 18 types de décisions sont rendus par le Conseil constitutionnel.

              Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Toutefois, en matière électorale, le recours en rectification d'erreur matérielle est admis.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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