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Le contentieux des antennes relais
Sujet de santé publique, l'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile génère un important contentieux qui a soulevé, au fils du temps, une véritable question de compétence au sein des juridictions judiciaires. Pour mettre fin à cette problématique, la Cour de cassation a saisi le Tribunal des conflits. Jean-Yves Frouin, conseiller à la Cour de cassation, revient sur cette séquence jurisprudentielle et décrypte la solution ainsi dégagée par le Tribunal des conflits.
En quoi y avait-il une difficulté sérieuse de compétence ?
Plusieurs litiges opposaient, devant des juridictions judiciaires, des particuliers (et une commune) à des opérateurs de téléphonie mobile à propos de l'installation et du fonctionnement d'antennes relais. Les litiges avaient des objets divers : fondés sur le trouble anormal de voisinage et le principe de précaution, ils tendaient selon les cas, soit, à l'enlèvement, au déplacement, au démontage, ou au refus de son implantation, soit, à l'indemnisation du préjudice allégué consistant dans l'existence d'un risque sanitaire.
Il faut savoir que les activités de communications électroniques s'exercent librement sous réserve du respect par les titulaires d'autorisations de respecter diverses règles. L'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile requiert, d'abord, une autorisation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) qui précise les règles techniques d'utilisation des fréquences et bandes de fréquences, cela dans le but d'éviter les brouillages et de protéger la santé publique en limitant l'exposition du public aux champs électromagnétiques. Elle requiert, ensuite, l'accord de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public de l'État à caractère administratif, dont l'objet est de coordonner sur l'ensemble du territoire l'implantation des stations radioélectriques et de veiller au respect des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques.
En tant qu'ils opposaient des personnes privées et poursuivaient un objectif de réparation d'un préjudice, ces litiges semblaient relever des juridictions de l'ordre judiciaire. En tant qu'ils mettaient en cause des autorisations délivrées par des autorités administratives, ils paraissaient relever des juridictions de l'ordre administratif.
Comment les juridictions judiciaires traitaient-elles jusqu'à présent le contentieux des antennes relais ?
Les juridictions judiciaires étaient partagées :
– certaines déclinaient leur compétence au profit de la compétence des juridictions de l'ordre administratif en considérant que les mesures sollicitées mettaient en cause des autorisations administratives d'occupation du domaine public qu'elles tendaient à priver d'effet ;
– d'autres retenaient leur compétence en considérant, eu égard au fondement juridique de l'action, que le litige ne concernait pas l'occupation du domaine public (hertzien), qu'elles n'avaient pas pour objet de contester la légalité ou la régularité ni pour effet de remettre en cause les autorisations administratives délivrées d'implanter les antennes, que celles-ci n'avaient pas le caractère d'ouvrage public, et que s'agissant d'un litige entre personnes privées il relevait de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
C'est pour tenir compte de cette difficulté sérieuse de compétence que la Cour de cassation, saisie de plusieurs pourvois posant la même question, a décidé de saisir de la question le Tribunal des conflits.
Sur quel fondement s'appuie le Tribunal des conflits dans ses arrêts pour opérer la répartition des compétences ?
Le Tribunal des conflits relève, après le Conseil d'État (not. CE 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis) que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l'État. Il distingue donc pour opérer la répartition des compétences selon que l'action engagée concerne ou non l'exercice de cette police spéciale des communications, ce qui donne la clé de répartition suivante :
– relève de la compétence du juge administratif l'action tendant à obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et installée sur une propriété privée ou sur le domaine public, car une telle action implique par elle-même une immixtion dans l'exercice de la police spéciale des communications électroniques dévolue aux autorités administratives compétentes en la matière et peut avoir pour effet de remettre en cause leur appréciation, quant aux risques en matière de brouillage et de santé publique, et les autorisations qu'elles ont délivrées ;
– restent de la compétence du juge judiciaire les actions entre personnes privées (opérateurs et usagers ou tiers) ayant seulement pour objet l'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique, celle-ci n'ayant pas le caractère d'un ouvrage public.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant, ou pire ?
Les longues discussions tardives, autour d'un yams, occupées à refaire le monde et à construire un monde idéal (c'était peu après mai 1968).
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Robin des bois.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
Le respect de la personne humaine (l'impératif de Kant : traite l'humanité en ta personne et en celle des autres toujours comme une fin, jamais comme un simple moyen).
Références
■ CE, Ass., 26 oct. 2011, Cne de Saint-Denis, n° 326492, Lebon ; « Réglementation de l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile sur le territoire : compétence exclusive des autorités de l’État », Dalloz Actu Étudiant 14 nov. 2011.
■ « Antennes-relais : quel est le juge compétent ? », Dalloz Actu Étudiant 26 juin 2012.
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