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[ 27 septembre 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Filiation des enfants nés d’une GPA : coup d’arrêt pour la transcription totale des actes d'état civil étrangers

L’article 7 de la loi relative à la bioéthique du mois d’août 2021 ajoute une phrase à l’article 47 du Code civil selon laquelle la reconnaissance de la filiation à l'étranger est appréciée « au regard de la loi française », en sorte que la transcription de l'acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger est limitée au seul parent biologique.

Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, art. 7

Malgré la prohibition de la GPA en France (C. civ., art. 16-7), la Cour de cassation avait progressivement admis la transcription totale sur les registres d’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger à l’égard des deux parents d’intention (Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-50.043). 

Cette admission marquait l’aboutissement de l’évolution de sa jurisprudence qui, en présence d’un vide juridique et dans une recherche d’équilibre entre l’interdit d’ordre public de la gestation pour autrui et l’intérêt supérieur de l’enfant, n’admit dans un premier temps qu’une transcription partielle de l’acte de naissance au profit du parent biologique (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 15-28.597, 16-16.901, 16-50.025 ; en considération, notamment, de l’absence de disproportion de l’atteinte au droit au respect de la vie privée dès lors que la voie de l’adoption était ouverte à l’époux ou l’épouse du père biologique), pour ouvrir ensuite la voie à sa transcription complète, lorsque la réunion de certaines circonstances pouvait la justifier (Cass., ass.plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053 : circonstances exceptionnelles liées à la durée de la procédure, au refus de la mère d’intention de demander l’adoption de ses deux enfants, devenus majeures, justifiant la transcription de l’acte désignant à la fois le père biologique et la mère d’intention comme les parents juridiques de l’enfant; Civ. 1re, 18 déc. 2019, n °18-12.327 ; adde Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-11.815, en réf. à Civ. 1re, 5 juill. 2017, préc.: admission de la transcription totale de l’acte désignant le père biologique et un deuxième homme comme père de l’enfant  lorsque, tel qu’en l’espèce, « l’introduction d’une procédure d’adoption s’avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés »). 

Ainsi la Cour de cassation en avait-elle conclu à une évolution nécessaire de sa jurisprudence vers l’admission d’une transcription complète de l’acte de naissance étranger de l’enfant : retenant que celle-ci n’étant pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, était devenue indifférente la circonstance que l’enfant fût né à l’issue d’une convention de GPA ou que son acte de naissance désignât le parent biologique de l’enfant et une deuxième personne du même sexe comme son autre parent, ces éléments ne constituant pas des obstacles à la transcription totale de l’acte sur les registres de l’état civil, dès lors que celui-ci se révélait probant au sens de l’article 47 du Code civil (Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-12.327, préc., § 14). 

Cet assouplissement était ainsi rendu possible par une approche juridique et non plus concrète de la « réalité » visée par l’article 47 du Code civil, qui ne se référait plus, aux yeux de la Cour, à la réalité des faits mais à l’exactitude juridique, au regard du droit étranger, des éléments inscrits dans l’acte de naissance. 

Dans son dernier arrêt (Civ. 1re, 18 nov. 2020, préc.), la Haute cour avait ainsi confirmé la possibilité d’une transcription totale de l’acte de naissance à l’égard des deux parents d’intention et, au-delà, l’avait facilité en évinçant les conditions antérieurement érigées : il n’était plus nécessaire de caractériser la particularité de la situation du couple, ni l’impossibilité ou l’inopportunité d’une adoption. Le dernier état du droit positif faisait donc fi de tout obstacle susceptible d’être opposé à la transcription totale de l’acte d’état civil étranger de l’enfant né d’une GPA : dès lors que, même en cas de contrariété à la réalité factuelle, cet acte se révélait conforme aux règles d’élaboration des actes d’état civil telles qu’elles étaient prévues par le droit étranger considéré et, à ce seul tire, probant au sens de l’article 47 du Code civil, il pouvait alors sans autre condition être transcrit en France à l’égard des deux parents d’intention, le parent non biologique étant ainsi dispensé de recourir à l’adoption pour établir son lien de filiation. 

Or la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a complété le texte de l’article 47 pour préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil étranger établissant ce mode de filiation est « appréciée au regard de la loi française ». 

Cette nouvelle rédaction implique donc que les faits déclarés doivent correspondre à la réalité des faits, au sens traditionnellement entendu par l’article 47 du Code civil (v. Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, nos 14-21.323 et 15-50.002), tel que l’accouchement par la mère porteuse, ce qui s’oppose par exemple à la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA conclue par un couple d’hommes, aucun n’ayant pu accoucher. Autrement dit, l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA réalisée à l’étranger ne peut désormais être transcrit que pour établir un lien de filiation à l’égard du parent biologique, ainsi que le permet la loi française. 

Ainsi le législateur condamne-t-il la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, qui avait permis la transcription totale de l’acte à l’égard des parents d’intention au motif principal que la « réalité » visée par l’article 47 visait uniquement la rectitude juridique, au regard du droit étranger, des éléments inscrits dans l’acte de naissance. 

Cette approche est, depuis cet été, délaissée au profit d’une approche concrète de la réalité factuelle légalement exigée par l’article 47 du Code civil dans sa nouvelle rédaction. 

Le second parent (dit « d’intention ») doit désormais avoir recours à une procédure d’adoption pour établir son lien de filiation.

Références

■ Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-50.043  P: DAE 5 janv. 2021 ; D. 2020. 2289 ; ibid. 2021. 657, obs. P. Hilt ; ibid. 762, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2021. 54, obs. C. Latil ; RTD civ. 2021. 115, obs. A.-M. Leroyer

■ Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 15-28.597 P, 16-16.901, 16-50.025  P et 16-16.455 P : : DAE 15 sept. 2017 ; D. 2017. 1737, communiqué C. cass., note H. Fulchiron ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2017. 482, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; ibid. 375, point de vue F. Chénedé ; ibid. 643, Pratique P. Salvage-Gerest

■ Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053 P : D. 2011. 1522, note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2011. 262, obs. F. Chénedé ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; Rev. crit. DIP 2011. 722, note P. Hammje ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser

■ Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-12.327 P :  D. 2020. 426, note S. Paricard ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 843, obs. RÉGINE ; ibid. 1696, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2020. 131 ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer

■ Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-11.815 P : D. 2019. 585 ; ibid. 2020. 677, obs. P. Hilt ; AJ fam. 2019. 218, obs. F. Berdeaux ; ibid. 175, obs. A. Dionisi-Peyrusse

■ Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, nos 14-21.323 P et 15-50.002 P : DAE 22 sept. 2015 ; D. 2015. 1819, obs. I. Gallmeister, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1481, édito. S. Bollée ; ibid. 1773, point de vue D. Sindres ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 857, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 915, obs. REGINE ; ibid. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2015. 496 ; ibid. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2015. 885, et la note ; RTD civ. 2015. 581, obs. J. Hauser

 

Auteur :Merryl Hervieu


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