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Homosexualité et asile
Mots-clefs : Étranger, Homosexualité, Reconnaissance, Preuve, Demande d'asile, Union européenne
Le recours à une expertise psychologique en vue d’apprécier la réalité de l’orientation sexuelle d’un demandeur d’asile n’est pas conforme à la directive 2011/95/UE lue à la lumière de l’article 7 de la Charte.
Comment les autorités nationales peuvent-elles vérifier la crédibilité des déclarations faites par un demandeur d’asile qui invoque, comme motif pour lui accorder l’asile, la crainte d’être persécuté dans son pays d’origine pour des raisons tenant à son orientation sexuelle ?
La décision de la CJUE du 25 janvier 2018 répond plus précisément à la question de savoir si le droit de l’Union permet que ces autorités se fondent sur des rapports d’expertise psychologique.
En l’espèce, la Cour précise que le fait de recourir à ce type d’expertise psychologique constitue une ingérence dans le droit de la personne au respect de sa vie privée. Cette ingérence présente par ailleurs une gravité particulière, car elle est destinée à établir un aperçu des aspects les plus intimes de la vie du demandeur. De plus, la Cour relève également que ce type d’expertise n’est pas indispensable pour évaluer la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. Il s’ensuit que le recours à une expertise psychologique en vue d’apprécier la réalité de l’orientation sexuelle d’un demandeur d’asile n’est pas conforme à la directive 2011/95/UE lue à la lumière de l’article 7 de la Charte.
En France, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est compétent, sous le contrôle de la CNDA et du Conseil d'État, pour reconnaître à un demandeur d'asile la qualité de réfugié avec les droits qui lui sont attachés.
L'article 1er , A, 2° de la Convention de Genève définit le réfugié comme toute personne qui « […] craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
Une personne persécutée dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle appartient à un « groupe social » pouvant justifier l’octroi du statut de réfugié par la France même si cette personne ne manifeste pas publiquement cette orientation et si son pays d’origine ne condamne pas pénalement cette pratique. Il s’ensuit que le « groupe social » n'est pas institué par ceux qui le composent ou par l'existence objective de caractéristiques qu'on leur prête, mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions. Par ailleurs, l'absence de disposition pénale répressive spécifique dans le pays du demandeur n'influe pas sur l'appréciation de la réalité de persécutions qui peut reposer sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré ou sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par celles-ci ou simplement tolérés par elles (CE 27 juill. 2012, n° 349824. Sur la notion de groupe social, V. également CJUE 7 nov. 2013, n° C-199/12 à C6201/12 et CESEDA, art. L. 711-2).
La preuve. De quels moyens les autorités nationales disposent-elles pour vérifier la crédibilité des allégations présentées dans le cadre d’une demande d’asile fondée sur un risque de persécution en raison de l’orientation sexuelle ?
Le demandeur d'asile doit apporter la preuve qu'il relève bien de la Convention de Genève. À cet effet, il doit fournir à l'OFPRA tous les éléments nécessaires à l'instruction de son cas. L'OFPRA apprécie, sous le contrôle du juge, la pertinence de ces preuves. Celles-ci résultent de déclarations, de récits, de témoignages, de documents, etc. Les entretiens du demandeur avec l'officier de protection et le formulaire rempli à cette occasion constituent les éléments de base pour l'instruction de la demande. Il faut que les officiers de protection aient une conviction la plus absolue possible sur la réalité de la vie sexuelle du demandeur. Tout est basé sur leur conviction intime.
La CJUE est venue préciser les modalités selon lesquelles les autorités nationales pouvaient évaluer la crédibilité de l’orientation homosexuelle du demandeur d’asile (CJUE, gr. ch., 2 déc. 2014, n° C-148/13).
Ainsi, les modalités d’appréciation doivent être conformes au droit de l'Union et, notamment, aux droits fondamentaux garantis par la Charte, tels que le droit au respect de la dignité humaine et le droit au respect de la vie privée et familiale. Cette évaluation doit être individuelle et tenir compte de la situation personnelle du demandeur (y compris des facteurs tels que son passé, son sexe et son âge) pour déterminer si les actes auxquels celui-ci a été ou risque d'être exposé peuvent être considérés comme une persécution ou une atteinte grave.
1. Il s’ensuit, que l'évaluation des demandes d'asile sur la seule base de notions stéréotypées associées aux homosexuels ne permet pas aux autorités de tenir compte de la situation individuelle et personnelle du demandeur concerné.
2. Ensuite, si les autorités nationales sont fondées à procéder, à des interrogatoires destinés à apprécier les faits et les circonstances concernant la prétendue orientation sexuelle d'un demandeur d'asile, les interrogatoires concernant les détails des pratiques sexuelles du demandeur sont contraires aux droits fondamentaux garantis par la Charte et, notamment, au droit au respect de la vie privée et familiale.
3. Par ailleurs, l'accomplissement d'actes homosexuels, la soumission à d'éventuels « tests » en vue d'établir leur homosexualité ou bien encore la production de preuves telles que des enregistrements vidéo de leurs actes intimes n'ont pas de valeur nécessairement probante et seraient de nature à porter atteinte à la dignité humaine dont le respect est garanti par la Charte.
4. Enfin, en raison du caractère sensible des informations ayant trait à la sphère personnelle d'une personne et, notamment, à sa sexualité, il ne saurait être conclu à un défaut de crédibilité du seul fait que, en raison de sa réticence à révéler des aspects intimes de sa vie, cette personne n'ait pas d'emblée déclaré son homosexualité.
La décision de la CJUE du 25 janvier 2018 précise le troisième point de la jurisprudence du 2 décembre 2014 sur la notion de test psychologique.
CJUE 25 janvier 2018, n° C-473-16
Références
■ Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
Article 7
« Respect de la vie privée et familiale. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »
■ CE 27 juill. 2012, n° 349824 : Dalloz Actu Étudiant, 4 sept. 2012 ; Lebon ; AJDA 2012. 1549 ; D. 2012. 2027.
■ CJUE 7 nov. 2013, n° C-199/12 à C6201/12 : Dalloz Actu Étudiant, 19 nov. 2013 ; AJDA 2013. 2235 ; D. 2013. 2643 ; RTD eur. 2015. 164, obs. F. Benoît-Rohmer.
■ CJUE, gr. ch., 2 déc. 2014, n° C-148/13 : Dalloz Actu Étudiant, 11 déc. 2014 ; RTD eur. 2016. 350, obs. F. Benoît-Rohmer.
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