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Droit commercial et des affaires
Aval : conditions de requalification en cautionnement solidaire
L’aval porté sur une lettre de change irrégulière peut constituer le commencement de preuve d’un cautionnement solidaire à la condition de respecter les formalités prescrites par le droit de la consommation concernant la mention manuscrite.
Com. 5 avril 2023, n° 21-19.160 B
L’aval est la caution apportée par le donneur d’aval, ou « avaliste », en garantie d’une dette cambiaire souscrite par un débiteur ayant précédemment apposé sa signature sur un effet de commerce. Par ce « cautionnement cambiaire », le garant s’engage à payer le montant de l’effet de commerce en cas de défaillance du signataire (l’avalisé). S’il constitue, dans le domaine bancaire, une variété de cautionnement solidaire, le caractère cambiaire de l’engagement du donneur d’aval confère à cette sûreté des caractères spécifiques qui justifient de la soustraire, sur plusieurs points, au droit commun du cautionnement. Le régime propre au droit du change qui lui est applicable n’empêche pas cependant d’observer une certaine porosité entre l’aval et le cautionnement, qui explique la soumission du premier à certaines règles en principe réservées au second. Ainsi de la mention manuscrite, en l’espèce requise dans l’hypothèse particulière d’une tentative de requalification en cautionnement d’un aval irrégulièrement consenti.
Par acte du 19 février 2014, le gérant d’une société s’était porté avaliste d’une série de lettres de change, tirées sur cette société au bénéfice de son fournisseur. Les lettres de change n’ayant pas été réglées et la société ayant été placée en liquidation judiciaire, le fournisseur, après avoir déclaré sa créance, avait assigné l’avaliste en paiement. Or il avait fondé son action, à titre subsidiaire, sur la qualité de caution de ce dernier, en raison de l’irrégularité des lettres de change dont il était bénéficiaire ; en effet, les lettres de change étaient, en réalité, des « lettres de change-relevé magnétique », qui ne répondaient pas aux conditions de validité de l’article L. 511-1 du Code de commerce. En appel, la cour requalifia alors l’aval en cautionnement solidaire et condamna la caution, en cette qualité, à régler la somme exigée par son fournisseur. Celle-ci se pourvut en cassation, arguant de l’irrégularité du « cautionnement » solidaire souscrit en l’absence de mention manuscrite conforme à l’ancien article L. 341-2 du Code de la consommation en l’espèce applicable. La chambre commerciale de la Cour de cassation lui donne raison, cassant la décision des juges du fond pour défaut de base légale : tout en confirmant leur choix de requalifier l’aval en cautionnement, elle leur reproche de pas avoir vérifié les conditions de validité de l’aval ainsi requalifié, dont ils auraient dû déduire, en l’absence de mention manuscrite, la nullité.
Disqualification de l’aval : point de départ de la requalification – Préalable à la requalification opérée au fond, l’irrégularité des lettres de change versées au débat a conduit à disqualifier l’aval initialement donné : « les lettres avalisées sont des lettres de change-relevé magnétique qui ne reposent pas sur un titre soumis aux conditions de validité de l’article L. 511-1 du Code de commerce et constituent un simple procédé de recouvrement de créance dont la preuve de l’exécution relève du droit commun. L’engagement souscrit par M. [L] le 19 février 2014 ne peut donc pas constituer un aval au sens du droit cambiaire ». Si l’irrégularité de l’aval aurait pu conduire à le priver d’effet, la Cour de cassation admet le principe de sa requalification, mais comme un simple « commencement de preuve d’un cautionnement solidaire » (pt 8 ; v. déjà Com. 29 nov. 2017, n° 16-13.597).
Disqualification de l’aval : condition nécessaire mais insuffisante de la requalification - L’aval ainsi requalifié en commencement de preuve d’un cautionnement solidaire avait été dûment complété, en cause d’appel, par l’établissement d’un élément extrinsèque, à savoir la qualité de gérant du garant, prouvant son intention de cautionner la société qu’il dirigeait (pt 9). Le raisonnement des juges du fond était toutefois lacunaire : en se fondant sur le seul article 2288 ancien du Code civil sans vérifier le respect de la mention manuscrite de l’ancien article L. 341-2 du Code de la consommation, la cassation de leur décision pour défaut de base légale était inévitable. En l’absence de cette mention légale, la Cour de cassation s’oppose à la requalification. Disqualifier l’aval pour le convertir en commencement de preuve d’un cautionnement solidaire ne suffit donc pas à requalifier l’acte en cautionnement s’il ne répond pas aux conditions de validité de ce dernier.
Autant dire que la souplesse affichée par la Cour n’est qu’apparente : en théorie, la requalification de l’effet de commerce irrégulièrement avalisé est certes admise mais en pratique, elle supposera que les parties aient, comme par anticipation d’une éventuelle requalification, mentionné dans l’acte les formules requises par les textes du droit non plus bancaire, mais de la consommation.
N.B. - Il est à noter que l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ne conduit pas à affaiblir la portée de cette solution. Malgré la liberté nouvelle conférée aux parties, affranchies de l’obligation de reproduire littéralement une formule légale, la mention désormais prévue à l’article 2297 du Code civil reste soumise, à peine de nullité, au respect de plusieurs conditions dont la satisfaction demeurera nécessaire à la requalification d’un effet de commerce irrégulier en cautionnement solidaire valable.
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