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L’activité de la Cour nationale du droit d’asile en 2024
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est au cœur du dispositif français de protection des demandeurs d’asile. Xavier Vandendriessche, juge assesseur à la CNDA, agrégé des universités, professeur à Sciences Po Lille, nous expose les activités récentes de cette juridiction administrative spécialisée, à compétence nationale.
Comment peut se définir l’asile ?
Au sens large, l’asile peut se définir comme la protection accordée par l’État à un individu menacé par des risques pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité. La reconnaissance de la qualité de réfugié se fonde prioritairement sur la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés qui s’applique à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner” » À cet asile conventionnel fondé sur la Convention de Genève s’ajoute un asile « constitutionnel » fondé sur le Préambule de la Constitution de 1946 et un régime dit de « protection subsidiaire » issu du droit de l’UE.
Quelles sont les différentes catégories de recours devant la CNDA ?
La CNDA est une juridiction administrative spécialisée qui statue sur les recours formés contre les décisions rendues par l’Office français des réfugiés et apatrides qui est chargé par la loi de statuer sur les demandes d’asile formulées sur le territoire français.
La CNDA a une activité extrêmement importante en raison d’un taux particulièrement élevé de recours contre les décisions du directeur général de l’OFPRA (84 % en 2024) ; elle a enregistré 56 497 affaires en 2024 (en baisse de 13 % par rapport à 2023) et en a réglé 61 593 avec un délai moyen de 5 mois et 9 jours. Le taux de pourvoi en cassation contre les arrêts de la CNDA s’établit à 0,74 % en 2024 ; ce sont seulement 7,2 % des pourvois qui donnent lieu à cassation.
En quoi consiste la réforme procédurale votée en janvier 2024 par le Parlement ?
La loi n° 2024-42 du 26 janv. 2024 a fait de la procédure à juge unique (président de la CNDA ou président de la formation de jugement désignée par celui-ci) la procédure de droit commun à moins que, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement désigné à cette fin décide, à tout moment de la procédure d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale (CESEDA, art. L. 131-7).
Le Conseil constitutionnel avait indiqué que le fait que la CNDA statue à juge unique ne porte pas, par lui-même, atteinte aux droits de la défense notamment parce que, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, le juge peut, à tout moment de la procédure, renvoyer à la formation collégiale la demande s'il estime que celle-ci ne relève pas de l'un des cas d'examen en procédure accélérée ou qu'elle soulève une difficulté sérieuse (CESEDA, art. L. 532-7). (Cons. const. 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC). Le Conseil a confirmé sa jurisprudence dans sa décision du 25 janv. 2024 (n° 2023-863 DC, AJDA 2024. 650, note J. Bonnet et P.Y. Gadhoun ; D. 2024. 170, et 219, point de vue P. Esplugas-Labatut ; AJCT 2024. 70, obs. G. Pailler).
Heureusement, en pratique, le recours au juge unique ne semble pas avoir été exagérément étendu tant il est essentiel que les décisions rendues par la CNDA résultent d’une délibération collégiale de trois juges.
Le législateur de 2024 a également permis de territorialiser la CNDA en autorisant le pouvoir réglementaire à créer des « chambres territoriales » en dehors du siège de la CNDA ; les chambres territoriales pourraient, in fine, juger entre 25 % et 33 % des recours. La difficulté de trouver des interprètes dans certaines langues rares en région obligera très certainement la Cour à conserver le jugement à Montreuil de certaines affaires dans des chambres spécialisées. L’art. R. 131-5-1 (Décr. n° 2024-800 du 8 juil. 2024) du CESEDA prévoit ainsi que la Cour comprend vingt-trois chambres, dont cinq chambres territoriales (Bordeaux, Lyon, Nancy, Toulouse) et dix-huit chambres au siège de la Cour à Montreuil. C’est l’art. R. 131-6-1 qui fixe le ressort territorial de chacune des chambres territoriales dont la compétence est déterminée par le domicile du requérant à la date de la décision de l’OFPRA sauf lorsque l’affaire relève de l’une des chambres spécialisées.
De quels pays sont les ressortissants ayant le plus saisi la Cour en 2024 ?
Les recours enregistrés en 2024 émanent de requérants originaires de 133 pays différents. Les dix pays les plus représentés sont : le Bangladesh, la Turquie, l’Afghanistan, la Guinée, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Sri Lanka, la Géorgie, le Nigéria et la Fédération de Russie. Ces dix pays représentent au total 64,6 % des recours introduits devant la CNDA en 2024. Les pays d’origine ayant le plus haut taux de protection sont Haïti (72 %), le Soudan (67 %), l’Éthiopie (50 %), la Syrie (49 %), l’Iran (45 %), la Somalie (44 %), Djibouti (42 %), l’Ukraine (41 %), la Centrafrique (41 %) et le Burkina Faso (39 %).
Quels sont les axes forts de sa jurisprudence en 2024 ?
Le taux de protection par la Cour s’établit à 21,3 % en 2024, avec 13 606 décisions de protection, dont 8 864 reconnaissant aux demandeurs le statut de réfugié en application de la convention de Genève et 4 442 au titre de la protection subsidiaire prévue par le droit européen.
La CNDA a maintenu une activité soutenue dans le contexte d’une diminution importante des recours dont la Cour a été saisie en raison d’une baisse des décisions de rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides du fait d’une protection plus importante des demandeurs d’asile, et notamment des demandeurs haïtiens et ukrainiens à la suite des jurisprudences de la Cour.
Si l’on s’en tient à des questions de fond marquant une amélioration de la protection internationale, la CNDA a innové dans deux domaines principaux.
S’agissant de la protection internationale dans les contextes de conflits armés engendrant une violence aveugle d’intensité exceptionnelle, la CNDA attribue la protection subsidiaire sans considération de la situation particulière du demandeur. En effet, dans ce cas, toute personne originaire de la zone concernée court un risque réel d’être exposé à des menaces graves contre sa vie ou sa personne. Ainsi, en 2024, la CNDA a appliqué ces protections aux personnes venant du Soudan (Etat du Kordofan Ouest et Darfour) et de la bande de Gaza.
Par le biais de la notion de groupe social prévue par la Convention de Genève et dans le prolongement de l’arrêt de la CJUE du 16 janvier 2024, la CNDA a considéré que les femmes et jeunes filles afghanes sont, dans leur ensemble, perçues d’une manière différente par la société afghane et qu’elles doivent être considérées comme appartenant à un groupe social et bénéficier de ce fait de la reconnaissance du statut de réfugié. Elle a en revanche écarté cette démarche pour les femmes provenant du Mexique, d’Albanie et les femmes sahraouies.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Quinze jours après mon arrivée à la Fac de droit, je suis devenu membre bénévole de l’Association Ubu D’Roi dont l’activité principale était de gérer le bar de la Fac ; je suis devenu président de l’association l’année suivante et j’ai connu dans ce cadre les meilleurs moments de la vie d’étudiant… mais je n’en dirai pas plus.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Je suis le père de 5 enfants, d’où ma tendresse pour Dark Vador lequel, certes, a pu s’abandonner au côté obscur de la Force (et cela a dû m’arriver aussi) mais qui n’a pas hésité à donner sa vie pour sauver son fils. Donc, pas d’hésitation !
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Je pense, pour redevenir sérieux, que le principe essentiel est le respect de la dignité de la personne humaine dont tout découle : le droit à la vie, l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant, l’égalité entre tous et la liberté de chacun.
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