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[ 8 juillet 2022 ] Imprimer

Contrats spéciaux

Absence de garde-corps : la fenêtre est anormale mais le logement reste décent…

Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 n'imposant pas d'installer des garde-corps dans les immeubles anciens qui en seraient dépourvus, ne manque pas à son obligation de mise à disposition d'un logement décent le bailleur qui n'a pas équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement donné à bail.

Civ. 3e, 22 juin 2022, n° 21-10.512 B

Récemment, après avoir relevé que la victime s’était assise sur le rebord d’une fenêtre après avoir consommé du cannabis et de l’alcool, la Cour de cassation a jugé que « la fenêtre située au 5e étage et à 42 cm du sol de l'appartement, était dépourvue de garde-corps susceptible d'empêcher une chute, ce dont il se déduisait que l'imprudence de la victime n'était pas la cause exclusive du dommage » (Civ. 2e, 7 avr. 2022, n° 20-19.746). Justifiant l’engagement de la responsabilité du bailleur du fait des choses, l’anormalité de la fenêtre, s’inférant de l’absence de garde-corps, était ainsi caractérisée alors même que le bas de la fenêtre n’était qu’à 42 cm du sol.

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt rapporté étaient similaires, mais la victime en appelait cette fois à la responsabilité contractuelle du bailleur, qui se voit en revanche écartée. Une personne chute d’une fenêtre dépourvue de garde-corps, dont la partie basse est située à moins de 90 cm du sol. Ayant survécu à ses blessures, la victime assigne son bailleur en responsabilité contractuelle, motif pris d’un défaut de délivrance d’un logement décent, comme l’y oblige l’article 1719 du Code civil, par la nature même du contrat de bail dont l’objet porte sur une habitation principale. La cour d’appel de Paris la déboute de sa demande à l’appui du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, lequel n'oblige pas les bailleurs à créer des « dispositifs de retenue » des personnes dans les immeubles construits avant 1955. Devant la Cour cassation, la victime soutient qu’un logement, fût-il antérieur à 1955, n’est pas décent s’il n’est pas doté de garde-corps de ses balcons, l’absence de ce dispositif en empêchant l’usage conforme à leur destination.

Dans le même sens, le pourvoi excipait de l’article 1721 du Code civil, au moyen que le bailleur devait « garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage ». La Haute juridiction rejette le pourvoi. Concernant la première branche du moyen, la Cour confirme que, dès lors que le décret de 2002 n’impose pas aux bailleurs d’équiper de garde-corps les immeubles anciens qui en étaient dépourvus, mais simplement d’entretenir les garde-corps existants dans un état conforme à leur usage, il ne saurait être soutenu que le bailleur manque à son obligation de mise à disposition d’un logement décent.

Partant, la Cour approuve les juges parisiens d’avoir « exactement déduit que le fait pour la bailleresse de ne pas avoir équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement donné à bail ne caractérisait pas un manquement à son obligation de mise à disposition d'un logement décent satisfaisant aux conditions prévues par le décret privé en matière de sécurité et de santé ». Concernant la seconde branche du moyen, la Cour retient que l’absence de garde-corps dans un immeuble ancien ne constitue ni un vice de constructionni une défectuosité dont le bailleur doit répondre, mais une caractéristique apparente inhérente à sa date de construction, dont le locataire peut se convaincre lors de la visite des lieux.

À retenir : Si l’on met en parallèle les deux décisions, on observera que l’absence de garde-corps ne constitue ni un manquement à l’obligation de délivrance d’un logement décent (dès lors que l’immeuble est ancien), ni un vice affectant la chose louée, ce qui exclut la responsabilité contractuelle du bailleur, mais que la fenêtre dénuée de garde-corps présente une anormalitésusceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle du bailleur du fait des choses (sur la condition d’anormalité d’une chose dommageable inerte, v. Civ. 2e, 25 mai 2022, n° 20-17.123)

Références :

■ Civ. 2e, 7 avril 2022, n° 20-19.746 B D. 2022. 837.

 Civ.2e, 25 mai 2022, n° 20-17.123 B DAE, 17 juin 2022, note Merryl Hervieu ; D. 2022. 1039.

 

Auteur :Merryl Hervieu


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