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[ 10 février 2025 ] Imprimer

Comment sont annotés vos codes rouges ?

Question classique des non-juristes souvent posée aux annotateurs des codes Dalloz : « c’est toi qui a écrit le code » ? Réponse suggérée : « bien sûr, j’ai écrit la loi puis j’ai placé quelques jurisprudences et commentaires pour qu’on comprenne bien ce que j’ai voulu dire ».

Chers étudiants, faites savoir que les annotateurs de codes – dont je m’honore de faire partie – n’écrivent pas la loi, mais font en sorte qu’elle soit comprise, et interprétée à la lumière de la jurisprudence. À côté donc du texte officiel (lois et règlements) qu’on peut trouver tel quel sur Légifrance, les éditeurs de codes proposent une plus-value qui est multiple.

D’abord, les articles les plus sujets à contentieux sont complétés par des annotations de jurisprudence, qui aident à les interpréter (annotations d’interprétation). Ces annotations ne sont pas à proprement parler des notes de jurisprudence comme vous les rédigez en TD, encore moins des commentaires d’arrêts. Elles consistent à résumer voire à concentrer l’apport d’une décision de justice rendue en application du texte en question. Ce dernier doit donc être lu et interprété à la lumière de la décision placée en annotation. C’est particulièrement important lorsque le texte est obscur ou rédigé de manière large : la qualification juridique créée par le texte répond alors à des critères contenus non pas dans ce texte, mais dans la jurisprudence placée en annotation.

D’autres annotations tendent à informer le lecteur d’une illégalité partielle du texte constatée par le juge, de la date d’entrée en vigueur de ce même texte lorsque qu’elle a été définie par le juge, d’une compétence juridictionnelle en cas de contentieux, du champ d’application du texte, etc (annotation informative).

L’annotateur peut aussi choisir d’apporter des exemples d’application jurisprudentielle d’un article du code (annotation exemplative). C’est utile pour bien contextualiser une disposition, mais aussi, par exemple, pour connaître la manière dont le juge s’empare du texte (par exemple son degré de sévérité s’il s’agit d’un juge répressif : le quantum des sanctions).

L’annotation peut enfin porter sur des questions connexes (plus rare : annotation contextuelle), par exemple pour articuler le texte d’un article de code avec celui d’un autre code. Le principe d’indépendance des législations oblige tout spécialiste d’un code à appréhender aussi ce qui, dans son domaine, relève d’autres codes.

Cette liste d’annotations n’est pas exhaustive. En tout état de cause, et dans les codes, les annotations ne sont pas classées selon cette nomenclature, mais d’une manière qui se veut pédagogique, en adoptant un plan ou un raisonnement proches de celui des manuels de droit. 

Quant aux commentaires de certaines dispositions, ils visent à les contextualiser ou à apporter des éléments de compréhension en dehors de la jurisprudence : historique des différentes versions, motifs du texte, travaux préparatoires, articulation avec d’autres dispositions d’autres codes, champ d’application, etc. Il ne s’agit en aucun cas d’un « mini-manuel ».

Ce travail suppose une connaissance détaillée du sujet de la part de l’annotateur, et d’éplucher la jurisprudence avec minutie. C’est laborieux à première vue, mais stimulant : il ne s’agit pas de compiler toutes les décisions de justice, mais les plus importantes, celles qui apportent une plus-value à un lecteur lui-même déjà juriste, et l’aident par exemple à rédiger un recours ou des conclusions en défense. Résumer des décisions de justice en quelques lignes devient un travail toujours plus difficile compte tenu de la longueur croissante de ces décisions. Il faut se montrer précis, sans déformer le sens de la décision. Le temps de l’économie de moyens et des arrêts lapidaires dont l’apport tient en deux lignes dans une note de jurisprudence est révolu, et le volume des codes rouges s’en ressent inévitablement, au point désormais de les couper en deux parties. Le lien internet vers la décision de justice objet de l’annotation aide toutefois à garder des proportions raisonnables. Enfin, à mesure que certaines décisions de justice sont ajoutées, d’autres sont retranchées… un code, ça vit.

Maintenant, vous savez. Et un jour vous annoterez peut-être. 

 

Auteur :Jean-Paul Markus


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